Revue d'Evidence-Based Medicine



Quel est l’intérêt d’un purificateur d’air portable pour des patients anciens fumeurs atteints de BPCO ?



Minerva 2023 Volume 22 Numéro 9 Page 211 - 214

Professions de santé

Infirmier, Kinésithérapeute, Médecin généraliste, Psychologue

Analyse de
Hansel NN, Putcha N, Woo H, et al. Randomized clinical trial of air cleaners to improve indoor air quality and chronic obstructive pulmonary disease health: results of the CLEAN AIR study. Am J Respir Crit Care Med 2022;205:421-30. DOI: 10.1164/rccm.202103-0604OC


Question clinique
L’utilisation à domicile d’un purificateur d’air ciblant les particules fines et le NO2 pendant 6 mois peut-elle améliorer la qualité de vie, le risque d’exacerbations, les symptômes respiratoires, la fonction pulmonaire d’anciens fumeurs atteints de BPCO?


Conclusion
Cette RCT présentant de nombreuses lacunes méthodologiques et manquant de puissance montre que chez des patients BPCO anciens fumeurs, l’utilisation d’un purificateur d’air portable n’a pas amélioré le critère primaire à savoir le score total SGRQ. Des critères de jugement secondaire tels que le taux d’exacerbations modérées, les symptômes respiratoires et le recours à des médicaments de secours ont été amélioré de façon significative ; cela doit être compris comme étant de l’ordre de l’hypothèse et des études supplémentaires à plus large échelle devraient être réalisées afin de confirmer les avantages de ces purificateurs d’air.


Contexte

Des concentrations élevées en particules fines à l'intérieur des habitations et le NO2 sont associés à une augmentation des symptômes respiratoires et du risque d'exacerbation chez des patients anciens fumeurs atteints de BPCO (1). Les particules fines d'un diamètre ≤ 2,5 µm présentent le risque le plus élevé pour la santé (2). Les lignes directrices GOLD sur la BPCO recommandent une ventilation adéquate et des méthodes de cuisson non polluantes pour réduire la pollution de l'air intérieur (3). Nous avons analysé dans Minerva (4), une étude publiée en 2004, menée sur 1059 enfants asthmatiques, qui a montré qu’un assainissement multifactoriel de la maison (incluant entre autres l’utilisation de filtres à fines particules) permettait de réduire significativement les symptômes asthmatiques (5). L’essai de Hansel et de ses collègues est le premier à examiner l’effet d’un purificateur d’air à domicile chez des patients anciens fumeurs atteints de BPCO (6). 

 

 

Résumé 

Population étudiée

  • critères d’inclusion :
    • âge ≥ 40 ans 
    • anciens fumeurs (auto-rapport, CO ≤ 6pp, ≥ 10 paquets-années : moyenne de 52,3)
    • BPCO modérée à sévère (VEMS/CVF < 70%, VEMS < 80%) 
    • habitation avec une faible qualité d’air intérieur : concentration en particules fines (diamètre ≤ 2,5 µm3 (PM2,5)) ou ≤ 10 µg/m3 (PM10), NO2 et nicotine dans l’air ambiant, mesurés pendant 2 à 7 jours avant le début de l’étude
  • critères d’exclusion :
    • prise chronique de corticostéroïdes systémique (≥ 3 mois d’utilisation continue sur une période de 12 mois)
    • autres maladies respiratoires chroniques incluant l’asthme
    • ne vivant pas à domicile (ex : MRS), prévision de déménagement
  • au total, 116 patients ont été randomisés, âge moyen de 65,7 ans, le nombre moyen d'années de tabagisme était de 52,3 ans et le VEMS moyen était de 53,9 (17,5)% prédit ; la moyenne géométrique (écart type géométrique) des concentrations de base de polluants était de 13,02 (2,44) μg/m3 pour les PM2,5, 19,80 (2,20) μg/m3 pour les PM10 et 7,05 (2,47) ppb pour le NO2 ; environ un quart (25,9%) des foyers présentaient de la nicotine détectable dans l'air ; il n’y avait aucune différence dans les niveaux de polluants entre les groupes de traitement.

 

Protocole d’étude

Etude monocentrique, randomisée, contrôlée, menée en double aveugle, de 6 mois :

  • groupe intervention : 2 purificateurs d’air (contenant chacun un filtre HEPA à fines particules et un filtre à charbon pour le NO2) placés dans la chambre et la pièce où le patient passait le plus de temps
  • groupe contrôle : 2 purificateurs d’air factices sans filtre (même apparence, bruit)
  • visite d’évaluation avant randomisation, à 1 semaine, 3 mois et 6 mois après l’intervention. 

 

Mesure des résultats

  • critère de jugement primaire : changement du score global de qualité de vie calculé à l’aide du questionnaire de l’hôpital St Georges sur les problèmes respiratoires (SGRQ) à 6 mois (comparé à la situation avant l’intervention)
  • critères de jugement secondaires : risque d'exacerbation, symptômes respiratoires, utilisation de médicaments de secours et distance de marche de 6 minutes (6MWD)
    • utilisation de sous-échelles du SGRQ, test d'évaluation de la BPCO (CAT), dyspnée (mMRC), échelle d'essoufflement, de toux et d'expectoration (BCSS) 
  • mesure de la concentration de l’air intérieur en particules fines (diamètre ≤ 2,5 ou ≤ 10 µm), en NO2 et en nicotine
  • analyse primaire en intention de traiter et analyse per-protocol (participants adhérents : utilisant plus de 80% du temps les purificateurs d’air) 
  • analyse de sous-groupe préspécifiée à priori : temps passé à l’intérieur, VEMS de base, statut atopique, éosinophiles, BMI. 

 

Résultats

  • 51 patients (87,9%) dans le groupe intervention et 43 (74,1%) patients dans le groupe contrôle ont terminé l’étude et ont été inclus dans l’analyse en ITT ; 42 patients dans le groupe intervention et 40 patients dans le groupe contrôle ont été inclus dans l’analyse per-protocol
  • les résultats montrent : 
    • analyse en ITT :
      • critère de jugement principal :
        • pas de différence statistiquement significative entre les 2 groupes dans le changement du score total du SGRQ à 6 mois versus avant l’intervention 
      • critères de jugement secondaires :
        • bénéfice en faveur de l’utilisation d’un purificateur d’air (p < 0,05) en ce qui concerne : 
          • la sous-échelle « symptômes » du SGRQ (β* de -7,7 avec IC à 95% de -15,0 à -0,37)
          • les symptômes respiratoires (échelle d'essoufflement, de toux et d'expectoration, β* de -0,8 avec IC à 95% de -1,5 à -0,1) 
          • le taux d'exacerbations modérées (rapport des taux d'incidence de 0,32 avec IC à 95% de 0,12 à 0,91)
          • l’utilisation des médicaments de secours (rapport des taux d'incidence de 0,54 avec IC à 95% de 0,33 à 0,86) 
        • pas de différence statistiquement significative pour les autres critères secondaires 
    • analyse per-protocol :
      • critère de jugement principal : 
        • différence statistiquement significative entre les 2 groupes dans le changement du score total du SGRQ à 6 mois versus avant l’intervention (β* de -4,76 avec IC à 95% de -9,2 à -0,34) 
      • critères de jugement secondaires :
        • bénéfice en faveur de l’utilisation d’un purificateur d’air (p < 0,05) en ce qui concerne 
          • la sous-échelle « symptômes » SGRQ (β* de -12,4 avec IC à 95% de -20,75 à -4,02)
          • les symptômes respiratoires (échelle d'essoufflement, de toux et d'expectoration, β* de -0,86 avec IC à 95% de -1,61 à -0,11) 
          • le test de marche de 6 minutes* de 87,5 avec IC à 95% de 0,06 à 174,9) 
          • le taux d'exacerbations modérées (rapport des taux d'incidence de 0,17 avec IC à 95% de 0,03 à 0,98) 
        • pas de différence statistiquement significative pour les autres critères secondaires
  • à 6 mois, le groupe de traitement actif présentait une réduction significative des PM : 
    • PM2,5 : -53,5% (IC à 95% de -63,4% à -41,0%) ; p < 0,001
    • PM10 : -46,0% (IC à 95% de -56,5% à -33,1%) ; p < 0,001
    • NO2 : -28,0% (IC à 95% de -40,4% à -12,9%) ; p = 0,001 
    • alors qu'aucun changement dans le groupe témoin n’a été constaté
  • cela a entraîné une différence significative entre les groupes en matière de réduction des PM et du NO2 entre les 2 groupes ; cette différence a été obtenue dans la semaine suivant la randomisation et maintenue à 3 et 6 mois
  • l’analyse de sous-groupe préspécifiée à priori a montré un bénéfice plus prononcé chez les participants passant plus de temps à l'intérieur et utilisant plus de 80% du temps les purificateurs d’air. 

 

(*) β's pour SGRQ et 6MWD : la diminution de l'état de santé et de la capacité d'exercice conférée par une augmentation d'un point du score de comorbidité.

 

Conclusion des auteurs

Il s'agit de la première étude d'intervention environnementale menée auprès d'anciens fumeurs atteints de BPCO, qui montre les avantages potentiels pour la santé des purificateurs d'air portables à haute efficacité, en particulier chez les personnes qui adhèrent le plus au traitement et qui passent le plus de temps à l'intérieur.

 

Financement de l’étude

Etude financée par le National Institute of Environmental Health Sciences et le National Heart, Lung, and Blood Institute ; les sponsors n’avaient aucun rôle dans le design de l’étude, la collecte des données, l’analyse des données, l’interprétation des données ou l’écriture du rapport ; les purificateurs d’air ont été offerts par la société Austin Air Cleaners non impliquée dans le design de l’étude, l’analyse ou la préparation du manuscrit. 

 

Conflit d’intérêts des auteurs

Pendant l’étude, le premier auteur a reçu des bourses de recherche et faisait partie de l’Advisory Board d’Astra Zeneca et de Boehringer Ingelheim ainsi qu’une subvention de Mylan ; d’autres auteurs ont reçu des fonds de recherche d’institutions officielles (NIH, COPD Foundation, NHLBI, EPA). 

 

 

Discussion

Évaluation de la méthodologie

Cette étude randomisée contrôlée en double aveugle (protocole d’étude disponible sur clinicaltrials.gov NCT02236858) présente quelques points forts d’un point de vue méthodologique. Les critères d’inclusion sont bien décrits. Les auteurs assurent que les patients, les cliniciens et les évaluateurs ont été maintenu en insu. Le questionnaire SGRQ utilisé est un outil validé au niveau international (7). Nous pouvons cependant relever quelques faiblesses. Le nombre de participants inclus dans l’analyse en ITT est inférieur au nombre requis pour arriver à la puissance de 80% attendue pour détecter une différence de 4,27 points au score SGRQ entre les 2 groupes. Les méthodes de recrutement et de randomisation sont insuffisamment décrites. Les critères d’exclusion ne sont pas décrits dans l’article original mais sont disponibles sur ClinicalTrial.gov. Les caractéristiques des patients inclus étaient semblables ; le groupe filtre actif comptait cependant une plus grande proportion de participants blancs que le groupe factice. Les concentrations en polluants sont équitablement réparties entre les deux groupes d’étude. À noter que l’inclusion des patients dans cette étude a été longue : d’avril 2014 à janvier 2019. Les analyses en ITT posent question : 58 patients sont inclus dans chaque groupe mais l’analyse des résultats pour le critère de jugement primaire ne porte que sur les patients qui ont fini les 6 mois de suivi, à savoir 51 dans le groupe intervention et 43 dans le groupe factice. L’analyse en per-protocol porte sur les patients qui ont utilisé le purificateur d’air au moins 80% du temps. Le temps passé à l’extérieur est déclaré par les patients et n’est pas mieux objectivé.

 

Évaluation des résultats

Les critères de jugement choisis sont cohérents avec l’objectif de l’étude et pertinents cliniquement pour le patient (8). L’analyse en intention de traiter n’a pas mis en évidence un effet des purificateurs d’air sur le critère primaire qualité de vie (score global SGRQ) mais bien sur certains critères secondaires telles que les exacerbations modérées et le recours à une médication de secours. Une analyse per protocole des patients dont le taux d'adhésion était supérieur à 80% a révélé une amélioration du score global SGRQ qui est largement supérieure à la différence clinique minimale cliniquement pertinente au SGRQ, fixée à 4 unités (9). Une analyse de sous-groupe préspécifiée a révélé un effet dose-dépendant chez les patients qui passaient plus de temps à la maison. Les patients dont le VEMS était plus faible étaient également plus susceptibles d'en bénéficier. Bien que l'étude n'ait pas montré que l'épuration de l'air améliorait le critère primaire, à savoir la qualité de vie dans l'analyse en intention de traiter, les autres résultats sont encourageants.  Le manque de puissance de l’étude combinée à une durée d’étude relativement courte pourrait expliquer les résultats obtenus et justifierait la conduite d’études supplémentaires confirmant ou non l’intérêt de tels purificateurs. Celles-ci devraient être menés dans différentes zones géographiques afin de tenir compte des variations de la qualité de l'air extérieur et sur une plus longue durée afin d’évaluer la persistance des effets bénéfiques relevés. 
Une question posée par les auteurs est de savoir si c'est la réduction des particules fines (PM2,5) ou du dioxyde d'azote (NO2) qui a contribué à cette amélioration des symptômes. Une analyse de stratification postérieure publié en 2023 (10) a montré que l’amélioration cliniquement significative de la santé respiratoire des personnes atteintes de BPCO était liée à la réduction des particules fines (< 2,5) à l'intérieur des bâtiments. La diminution des allergènes avec les filtres HEPA pourrait également jouer un rôle (11).
Les utilisateurs de purificateur d’air seront attentifs à ce que l’appareil ne rejette pas de l’ozone.
Enfin, et à la condition qu’une prochaine étude montre un intérêt clinique réel des purificateurs d’air en cas de BPCO, d’autres aspects devront également être étudiés : ces appareils seront-ils réservés à des zones fortement polluées ? Le coût de tels appareils et la nécessité d’une compliance élevée ne constitueront-ils pas des freins non négligeables 

 

Que disent les guides de pratique clinique?

Le guide de pratique clinique international GOLD 2023 (3) sur la BPCO ne mentionne pas l’utilisation de purificateurs d’air. Ce dernier recommande cependant une ventilation adéquate et des méthodes de cuisson non polluantes (évidence niveau de preuve B). L’OMS recommande un niveau en particules fines inférieur ou égal à 10 µg/m3 (12)

 

 

Conclusion de Minerva

Cette RCT présentant de nombreuses lacunes méthodologiques et manquant de puissance montre que chez des patients BPCO anciens fumeurs, l’utilisation d’un purificateur d’air portable n’a pas amélioré le critère primaire à savoir le score total SGRQ.  Des critères de jugement secondaire tels que le taux d’exacerbations modérées, les symptômes respiratoires et le recours à des médicaments de secours ont été amélioré de façon significative ; cela doit être compris comme étant de l’ordre de l’hypothèse et des études supplémentaires à plus large échelle devraient être réalisées afin de confirmer les avantages de ces purificateurs d’air.

 

 

 


Références 

  1. Hansel NN, McCormack MC, Belli AJ, et al. In-home air pollution is linked to respiratory morbidity in former smokers with chronic obstructive pulmonary disease. Am J Respir Crit Care Med 2013;187:1085-90. DOI: 10.1164/rccm.201211-1987OC
  2. United States Environmental Protection Agency. Particulate matter (PM) basics. Last updated: 11/07/2023. Accessed at https://www.epa.gov/pm-pollution/particulate-matter-pm-basics#PM on 20 Apr 2022.
  3. Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease (GOLD). Global strategy for prevention, diagnosis and management of COPD: 2023 report. URL: https://goldcopd.org/2023-gold-report-2/
  4. Morgan WJ, Crain EF, Gruchalla RS et al. Results of a home-based environmental intervention among urban children with asthma. N Engl J Med 2004;351:1068-80. DOI: 10.1056/NEJMoa032097
  5. De Baets F. L’assainissement du domicile est-il efficace pour les enfants asthmatiques? MinervaF 2006;5(3):36-8
  6. Hansel NN, Putcha N, Woo H, et al. Randomized clinical trial of air cleaners to improve indoor air quality and chronic obstructive pulmonary disease health: results of the CLEAN AIR study. Am J Respir Crit Care Med 2022;205:421-30. DOI: 10.1164/rccm.202103-0604OC
  7. Jones PW, Quirk FH, Baveystock CM, Littlejohns P. The St. George's Respiratory Questionnaire. Resp Med 1991;85 (suppl B):2531.
  8. Beaumont M. Intérêt du questionnaire de qualité de vie Saint-George chez les patients atteints de BPCO: Interest of the Saint-George’s Respiratory Questionnary among COPD patients. Kinésithérapie, la revue 2010:10:23-6. DOI : KINE-02-2010-10-98-1779-0123-101019-201000035
  9. Chevalier P. La différence minimale cliniquement pertinente. MinervaF 2015;14(3):37
  10. Woo H, Koehler K, Putcha N, et al. Principal stratification analysis to determine health benefit of indoor air pollution reduction in a randomized environmental intervention in COPD: results from the CLEAN AIR study. Sci Total Environ 2023;868:161573. DOI: 10.1016/j.scitotenv.2023.161573
  11. Putcha N, Woo H, McCormack MC, et al. Home dust allergen exposure is associated with outcomes among sensitized individuals with chronic obstructive pulmonary disease. Am J Respir Crit Care Med 2022;205:412-20. DOI: 10.1164/rccm.202103-0583OC
  12. World Health Organization. WHO global air quality guidelines: particulate matter (PM2.5 and PM10), ozone, nitrogen dioxide, sulfur dioxide and carbon monoxide. Guideline. WHO 22/09/2021. Available at : https://www.who.int/publications/i/item/9789240034228  




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