Revue d'Evidence-Based Medicine



Asthme persistant: ajout d’un LABA aux CSI en traitement initial ?



Minerva 2010 Volume 9 Numéro 4 Page 44 - 45

Professions de santé


Analyse de
Ni Chroinin M, Greenstone I, Lasserson TJ, Ducharme FM. Addition of inhaled long-acting beta2-agonists to inhaled steroids as first line therapy for persistent asthma in steroid-naïve adults and children. Cochrane Database Syst Rev 2009, Issue 4.


Question clinique
Quelles sont l’efficacité et la sécurité d’un traitement de fond initial de l’asthme par une association d’un CSI avec un LABA versus CSI seul (à même dose ou à plus forte dose) chez des adultes et des enfants n’ayant pas pris de CSI ?


Conclusion
Cette méta-analyse de bonne qualité ne montre pas de bénéfice probant en faveur d’une initiation d’un traitement d’entretien d’un asthme léger à modéré par une association d’un LABA avec un CSI plutôt qu’avec un CSI seul chez des adultes. Les données sont insuffisantes chez les enfants. La recommandation figurant dans les guidelines d’initier le traitement par un CSI reste valide.


 

Contexte

Le traitement de fond initial de l’asthme, en prévention des exacerbations, est universellement admis : les corticostéroïdes inhalés (CSI) (1). Si ce traitement est insuffisant pour obtenir un contrôle satisfaisant de l’asthme, l’addition d’un β2-mimétique à longue durée d’action (LABA) peut être envisagée. L’intérêt d’initier un traitement de fond avec une association de ces deux médicaments n’avait pas encore été évalué dans une synthèse de la littérature. 

 

Résumé

Méthodologie

Synthèse méthodique et méta-analyse

 

Sources consultées

  • bases de données (mai 2008) : Cochrane Central Register of Controlled Trials (CENTRAL), MEDLINE, EMBASE, CINAHL, AMED, PsycINFO
  • recherche manuelle dans les revues de pneumologie et les résumés de congrès
  • consultation des références des études, des auteurs et des firmes.

 

Etudes sélectionnées

  • inclusion de 27 RCTs (n = 8 050) comparant l’association CSI-LABA en traitement d’entretien (et non pour les crises) avec des CSI seuls, soit à même dose soit à plus forte dose, comportant ou non un placebo
  • exclusion des études en permutation.

 

Population concernée

  • 22 études avec des adultes
  • 5 études avec des enfants ≥ 2 ans
  • patients présentant un asthme léger ou modéré (VEMS ≥ 65% de la valeur prédite), symptomatiques, sans traitement par CSI dans le mois précédent.

 

Mesure des résultats

  • critère primaire : proportion de patients avec au moins une crise d’asthme nécessitant des corticostéroïdes systémiques (5 à 10 jours)
  • critères secondaires : hospitalisation, fonction pulmonaire (VEMS), qualité de vie, recours à des β2-mimétiques à courte durée d’action (SABA), arrêts de traitement, effets indésirables
  • résultats exprimés en risque relatif pour les données dichotomiques et en différence moyenne ou en différence moyenne standardisée pour les données continues.

 

Résultats

  • critère primaire
    • CSI et LABA versus CSI à même dose : RR 1,04 ; IC à 95% de 0,73 à 1,47, non significatif
    • CSI et LABA versus CSI à plus forte dose : plus de recours à un CS oral avec l’association : RR 1,24 (IC à 95% de 1 à 1,53) ; sur 43 semaines, 9/100 patients sous CSI à plus forte dose et 11/100 patients (IC à 95% de 9 à 14) sous association présentent au moins 1 crise d’asthme.
  • critères secondaires
    • CSI et LABA versus CSI à même dose : pas de différence significative pour les crises avec hospitalisation ; amélioration du VEMs versus valeur initiale, des symptômes (DMS -0,26 ; IC à 95% de -0,37 à -0,14) et moindre recours à des β2-mimétiques ; pas de différence significative pour les effets indésirables sérieux ou totaux, pour les arrêts de traitement en général ou pour mauvais contrôle de l’asthme
    • CSI et LABA versus CSI à plus forte dose : plus d’arrêts de traitement avec l’association (RR 1,31 ; IC à 95% de 1,07 à 1,59) ; pas de différence significative pour les effets indésirables sérieux ou totaux ; autres données insuffisantes.
     

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que chez des sujets présentant un asthme léger et modéré non traité par CSI, une association initiale d’un CSI avec un LABA ne diminue pas significativement le nombre de patients devant recourir à des corticostéroïdes oraux, versus CSI seuls. Cette association améliore cependant mieux la fonction pulmonaire, réduit les symptômes et marginalement le recours à des β2-mimétiques . Initier une plus forte dose de CSI est plus efficace que l’association pour réduire le risque de crises avec recours aux CS systémiques et le nombre d’arrêts. Les enfants semblent avoir les mêmes réponses que les adultes mais les données sont insuffisantes pour conclure.

 

Financement

Canadian Cochrane Network, McGill University Canada. FD a reçu un prix du Fonds de la Santé du Québec.

 

Conflits d’intérêt

2 auteurs ont reçu différents financements de firmes productrices de médicaments antiasthmatiques.

 

 

Discussion

 

Considérations sur la méthodologie

Cette synthèse méthodique repose sur une méthodologie très strictement observée, avec recherche exhaustive dans la littérature, sélection rigoureuse des études suivant des critères d’inclusion et d’exclusion bien précisés, évaluation du risque de biais : attribution, insu, traitement des données manquantes (avec contacts des auteurs et des firmes si nécessaire). Un possible biais de publication a été recherché. En cas d’hétérogénéité (test I² ≥ 25%) un modèle d’effets aléatoires est utilisé pour les analyses. Les équivalences de dose de CSI choisies sont : 1 mcg de dipropionate de béclométhasone pour 1 mcg de budésonide pour 0,5 mcg de propionate de fluticasone, ce qui est correct. Les auteurs ont également réalisé des analyses de sensibilité des résultats pour le risque de biais, la publication ou non, une sponsorisation ou non de l’étude, le choix des CSI comparés. Il s’agit d’une mise à jour d’une précédente méta-analyse.

 

Mise en perspective des résultats

L’efficacité des corticostéroïdes inhalés dans le traitement d’entretien de l’asthme a été bien montrée (2) et tous les guides de pratique recommandent ce traitement en première intention. 

L’efficacité des LABA dans le traitement d’entretien de l’asthme a également été bien montrée, mais en ajout aux CSI si l’asthme n’était pas contrôlé avec ceux-ci. Une synthèse méthodique (3) montrait la plus-value de cette association versus doses augmentées de CSI  en association pour des critères de fonction respiratoire (VEMs significativement mieux amélioré, de jours sans symptômes (DMP=11,90% (IC à 95% : 7,37 - 16,44), de recours à des SABA, sans différence significative pour les effets indésirables mais avec moins d’arrêts de traitement pour mauvais contrôle de l’asthme avec l’association. Ces critères sont en majorité moins pertinents que ceux utilisés dans la recherche ici analysée.

Comme nous l’avons déjà évoqué dans Minerva (4), la sécurité des LABA a été mise en doute dans une méta-analyse regroupant les données de 33 826 patients asthmatiques (5), avec un nombre faible d’événements graves (exacerbations sévères, décès). Une méta-analyse ultérieure (6) regroupant les données de 42 333 participants précisait que le risque semblait plus particulier chez les asthmatiques ne prenant pas leurs CSI, et avec des données à préciser chez les Afro-Américains.

Dans cette lignée, un guide de pratique canadien recommande clairement de ne pas utiliser les LABA sans CSI pour traiter l’asthme (7).

La méta-analyse commentée ici envisage une autre approche, que ses auteurs estiment déjà répandue parmi les praticiens : sans avoir essayé de CSI, initier un traitement par une association de LABA et de CSI chez des patients présentant un asthme léger à modéré. Pour un critère de jugement primaire fort adéquatement choisi, la proportion de patients avec au moins une crise d’asthme nécessitant des corticostéroïdes systémiques durant 5 à 10 jours, il n’y a pas de bénéfice pour l’association LABA-CSI versus CSI seuls pour ce critère, et quelques bénéfices pour des critères de moindre importance. Versus doses de CSI plus fortes, l’association provoque une légère augmentation du risque pour le critère primaire, à la limite de la signification statistique, et significative pour les arrêts de traitement. Une efficacité plus grande de ce traitement n’est donc pas bien prouvée, comme le concluent les auteurs de la méta-analyse. Qu’en est-il de la sécurité relative de cette association ? Cette méta-analyse-ci ne montre pas plus de problème de sécurité avec l’association LABA-CSI qu’avec les CSI seuls. Soulignons cependant que les effets indésirables graves (rares) avec les LABA ont précédemment été décrits dans des méta-analyses de populations fort importantes (voir supra) et que cette méta-analyse-ci ne reprend que les données de 8 050 patients, ce qui peut être une limite importante dans le domaine des effets indésirables (fort) rares.

 

Pour la pratique

Les guides de pratique actuels pour le traitement d’entretien de l’asthme recommandent de prescrire en premier lieu un corticostéroïde inhalé (CSI), et en cas d’échec de ce traitement, d’y ajouter un β2-mimétique à longue durée d’action (LABA). Une pratique actuelle, qui semblerait se développer, d’initier le traitement directement par une association LABA-CSI, ne repose sur aucune preuve solide d’efficacité supérieure de cette association versus CSI seuls (et les auteurs de cette méta-analyse recommandent de ne pas le faire). Les effets indésirables potentiels graves mais rares des LABA chez les patients asthmatiques doivent également inciter à réserver l’association LABA-CSI à une deuxième ligne de traitement. Les données sont nettement insuffisantes chez les enfants pour permettre de conclure. 

 

Conclusion

Cette méta-analyse de bonne qualité ne montre pas de bénéfice probant en faveur d’une initiation d’un traitement d’entretien d’un asthme léger à modéré par une association d’un LABA avec un CSI plutôt qu’avec un CSI seul chez des adultes. Les données sont insuffisantes chez les enfants. La recommandation figurant dans les guidelines d’initier le traitement par un CSI reste valide.

 

 

 

Références

  1. GINA. Global strategy for asthma management and prevention. Revised 2006.
  2. Adams N, Lasserson TJ, Cates CJ, Jones PW. Fluticasone versus beclomethasone or budesonide for chronic asthma in adults and children. Cochrane Database Syst Rev 2007, Issue 4.
  3. Greenstone IR, Ni Chroinin MN, Masse V, et al. Combination of inhaled long-acting beta2-agonists and inhaled steroids versus higher dose of inhaled steroids in children and adults with persistent asthma. Cochrane Database Syst Rev 2005, Issue 4.
  4. Chevalier P. Asthme et ß2-mimétiques à longue durée d’action. MinervaF 2007;6(6):87-9.
  5. Salpeter SR, Buckley NS, Ormiston TM, Salpeter EE. Meta-Analysis: effect of long-acting β-agonists on severe asthma exacerbations and asthma-related deaths. Ann Intern Med 2006;144:904-12.
  6. Walters EH, Gibson PG, Lasserson TJ, Walters JA. Long-acting beta2-agonists for chronic asthma in adults and children where background therapy contains varied or no inhaled corticosteroid. Cochrane Database Syst Rev 2007, Issue 1.
  7. Lemeire C, Bai T, Balter M, et al; Canadian Adult Consensus Group of the Canadian Thoracic Society. Adult asthma guidelines update 2003. Can Respir J 2004;11(suppl A):9A-18A.
Asthme persistant: ajout d’un LABA aux CSI en traitement initial ?



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