Revue d'Evidence-Based Medicine



Puissance ou inutilité des placebos ? Entre croyants et incrédules ?



Minerva 2009 Volume 8 Numéro 9 Page 117 - 117

Professions de santé


 

Dans un précédent éditorial (1), nous avons déjà souligné le rôle joué par des éléments contextuels dans toute interaction patient-médecin ainsi que l’effet thérapeutique positif qu’ils peuvent exercer. Ces éléments contextuels comportent différents aspects, entre autres une relation médecin-patient empreinte de respect, empathique, incluant ou non un traitement  placebo. Ces placebos peuvent-ils constituer une alternative thérapeutique efficace et utile ?

Efficacité du placebo ?

Au 18ème siècle, des traitements placebos étaient consciemment utilisés dans un but thérapeutique. A l’heure actuelle, ils sont employés de manière systématique pour ramener à leur juste valeur les résultats d’une intervention, autrement dit, pour estimer à sa véritable ampleur l’effet d’un médicament actif versus placebo (2). De telles études ne sont pas conçues pour évaluer l’efficacité d’une intervention placebo. Si un traitement actif n’est pas supérieur à un placebo, celui-ci ne peut pas être considéré d’office comme efficace. Les chercheurs tentent de remédier à cette limite en élaborant des études incluant la comparaison classique, en double aveugle, entre un traitement actif et un placebo, mais aussi un groupe non traité. Des traitements placebos se montrent plus actifs s’ils concernent des affections pour lesquelles l’efficacité du traitement repose sur des paramètres subjectifs : en cas de douleur chronique (ostéoarthrite, migraine, syndrome du colon irritable, colite ulcéreuse, maladie de Crohn), fatigue (syndrome de fatigue chronique), dépression, asthme, oesophagite de reflux, syndrome des jambes sans repos et même épilepsie. Des synthèses méthodiques (3) et des méta-analyses ont évalué l’effet placebo global dans ces pathologies. La synthèse méthodique de Zhang et collaborateurs en est un exemple (4). Les auteurs ont recherché toutes les RCTs évaluant l’efficacité de traitements soulageant la douleur (de l’acupuncture à la chirurgie en passant par les médicaments) pour toute localisation d’arthrose. Pour exclure un effet possible d’une régression vers la moyenne ou d’une rémission de la pathologie, ils ont également établi une comparaison avec un groupe non traité. En analyse en régression, les auteurs ont tenté de préciser quels facteurs comportaient un effet placebo. Ils concluent qu’un traitement placebo est assurément efficace sur la douleur, sur l’ankylose articulaire ressentie et sur les capacités de mobilisation. L’effet antalgique du placebo croît proportionnellement avec l’efficacité du médicament actif, avec la sévérité de la douleur initiale et la taille de l’étude, et dans la mesure où le traitement placebo était constitué d’injections ou de piqûres. Soulignons que leur funnel plot montrait un biais de publication, les études montrant un effet placebo plus important ayant moins de chance d’être publiées.

L’inclusion d’un groupe non traité entraîne cependant une série de problèmes méthodologiques. En premier lieu, l’acceptation d’un consentement éclairé et les mesures finales pour les critères de jugement ciblés sont effectuées dans les trois groupes, placebo, traitement actif et absence de traitement. Ces processus peuvent exercer un effet dans un sens comme dans l’autre : mesurer c’est en effet influencer. Pour ces patients non traités, l’étude n’est pas en aveugle, et les résultats peuvent donc être biaisés, pour eux comme pour leurs médecins. En deuxième lieu, ces études sont confrontées à des sorties d’étude sélectives, à un passage à un autre bras d’étude (cross-over), à un recours à des traitements d’appoint (5). Un autre problème est l’emploi de critères de jugement subjectifs livrant une interprétation tendancieuse d’un mal-être physique, reflétant par excellence ce que le patient pense ressentir.

Efficace chez qui ?

La question portant sur la signification réelle du placebo demeure sans réponse satisfaisante. Soulignons cependant l’importante variation entre les effets placebos suivant le critère de jugement (au plus subjectif, au plus grande est l’efficacité), le type d’affection et l’ampleur d’effet du principe actif (par ex un placebo administré après une période d’inclusion avec de la morphine sera plus antalgique qu’après une période d’inclusion avec une phytothérapie (2)). Il y a donc des répondeurs comme des non répondeurs au placebo. Fondamentalement, il s’agit d’une croyance en une efficacité d’autant plus grande que le soignant croit également en cette efficacité.

Des traitements uniquement placebos, sans cadre contextuel, ne produisent cependant pas grand effet et peuvent même nuire à la relation médecin-patient (6). Les placebos ne présentant pas d’efficacité importante mesurable, peuvent aussi provoquer des effets indésirables tels que, simplement, l’abstention d’un médicament effectivement plus actif.

Certains auteurs (7) estiment qu’il n’est pas éthique, inutile et non professionnel d’utiliser un placebo. Un traitement placebo serait une boîte vide. D’autres, par contre, entrevoient une place pour l’utilisation de placebos dans des indications précises, dans lesquelles des preuves existent, sous condition de respect d’un ensemble de critères éthiques (les critères de Lichtenberg) (8).

Un traitement placebo n’est pas efficace par lui-même mais dans un cadre de suggestion et de conditionnement via une relation médecin-patient optimale. Les médecins ne doivent donc pas prescrire de placebos pour utiliser cet effet placebo favorable. Cet effet placebo favorable est bien sûr tout aussi efficace en cas d’utilisation d’un médicament actif.

 

Références

  1. Michiels B. Expérience individuelle et expérimentation scientifique. MinervaF 2009;8(4):37.
  2. Vase L, Riley JL 3rd, Price DD. A comparison of placebo effects in clinical analgesic trials versus studies of placebo analgesia. Pain 2002;99:443-52.
  3. Hróbjartsson A, Gøtzsche PC. Placebo interventions for all clinical conditions. Cochrane Database Syst Rev 2004, Issue 2. http://www.cochrane.org/reviews/en/ab003974.html
  4. Zhang W, Robertson J, Jones AC, et al. The placebo effect and its determinants in osteoarthritis: meta-analysis of randomised controlled trials. Ann Rheum Dis 2008;67:1716-23. 
  5. Hróbjartsson A. What are the main methodological problems in the estimation of placebo effects? J Clin Epidemiol 2002;55:430-5.
  6. Hróbjartsson A, Gøtzsche P. Is the placebo powerless? An analysis of clinical trials comparing placebo with no treatment. N Engl J Med 2001;344:1594-602.
  7. Hróbjartsson A. Clinical placebo interventions are unethical, unnecessary, and unprofessional. J Clin Ethics 2008;19:66-9.
  8. Pittrof R, Rubenstein I. The thinking doctor’s guide to placebos. BMJ 2008;336:1020.  
Puissance ou inutilité des placebos ? Entre croyants et incrédules ?

Auteurs

Michiels B.
Vakgroep Eerstelijns- en Interdisciplinaire Zorg, Centrum voor Huisartsgeneeskunde, Universiteit Antwerpen
COI :

Glossaire

Code





Ajoutez un commentaire

Commentaires