Revue d'Evidence-Based Medicine



Etude de non infériorité : intérêt, limites et pièges



Minerva 2009 Volume 8 Numéro 7 Page 100 - 100

Professions de santé


 

Formation médicale continue ~ Concepts et outils en EBM

 

La rédaction consacre une rubrique ‘Formation médicale continue’ (FMC) à l’explicitation de concepts et outils en Evidence-Based Medicine (EBM).

 

Les études de non infériorité, parfois appelées, à tort, études d’équivalence, sont différentes des études de supériorité. Un traitement A sera dit non inférieur à un traitement B si la différence entre ces deux traitements est inférieure à une borne clinique. Une borne de non infériorité (ΔC) résulte d’un consensus entre experts, basé sur une étude de la littérature, de préférence une méta-analyse, si elle existe. Cette borne doit être inférieure à la borne de supériorité considérée comme notable et cliniquement pertinente ; une valeur représentant la moitié de la borne de supériorité est généralement choisie, parfois les deux tiers (1).  

Exemple : supposons des résultats de différentes études de non infériorité, avec un résultat pour un même critère primaire d’efficacité donné avec son intervalle de confiance. Le chiffre du résultat observé (= la différence entre les deux traitements) est représenté par un carré et l’intervalle de confiance (à 95%) de cette différence, par une ligne horizontale s’étendant de part et d’autre du carré. Observons les limites de ces intervalles de confiance par rapport aux bornes de non infériorité ΔC déterminées. Pour qu’il y ait non infériorité, la limite inférieure de l’intervalle de confiance des résultats observés doit être supérieure à la borne de non infériorité -DC fixée.

 

Dans le premier exemple (A), une non infériorité entre les deux traitements n’est pas montrée.

Dans le deuxième exemple (B), une non infériorité est observée.

Dans la troisième étude (C), la différence entre les traitements est au moins supérieure au seuil de l’équivalence (O) + ΔC déterminé ; une non infériorité est montrée et une supériorité peut même être revendiquée (mais ceci nécessite une autre analyse).

 

Méthodologie stricte

La méthodologie d’une étude d’infériorité nécessite quelques conditions supplémentaires par rapport à celle des études de supériorité. McAlister et Sackett (2) mentionnent comme différences nécessaires pour une étude de non infériorité : une analyse par protocole (résultats des patients qui ont réellement pris le médicament) en plus de l’analyse en intention de traiter (résultats de tous les patients inclus dans l’étude), la preuve de l’efficacité du médicament choisi comme contrôle, des patients et des critères d’évaluation similaires à ceux d’études précédentes montrant une efficacité, une application stricte du protocole, une hypothèse nulle appropriée, une marge de non infériorité spécifiée dans le protocole initial. La détermination de la borne ΔC fait l’objet d’âpres discussions et certains experts proposent de la déterminer aussi en fonction de la pathologie et du type de traitement à évaluer (3). Il faut particulièrement insister sur la nécessité que les médicaments comparés aient, par ailleurs, prouvé leur efficacité. L’échantillon d’une étude de non infériorité doit être plus important que celui d’une étude de supériorité. Certains experts citent des chiffres de 10% (4) mais d’autres (1) sur base d’un calcul d’une borne de non infériorité choisie comme étant égale à la moitié de la borne de supériorité (ce qui est rarement appliqué !), mentionnent un rapport de 1 (supériorité) à 4 (non infériorité).

 

Passage d’une analyse de non infériorité à une analyse de supériorité

Nous avons récemment publié dans Minerva une analyse de non infériorité se muant en étude de supériorité (5). Passer d’un protocole de non infériorité à un protocole de supériorité est possible pour autant que plusieurs conditions soient respectées : le protocole de non infériorité initial doit être correct, la valeur p pour montrer la supériorité doit être calculée et le résultat être statistiquement significatif avec une analyse en intention de traiter (6).

 

Fiabilité des études de non infériorité

Une publication a évalué la validité de 8 études (9 publications) de non infériorité dans le domaine cardiovasculaire (7). Selon les auteurs de ces recherches, une non infériorité était montrée par les auteurs pour 7 de ces publications. Une ré analyse des données ne confirme une non infériorité réelle que pour 4 des 8 études, après une analyse fouillée des bornes de non infériorité choisies. D’autres auteurs (8) insistent sur les déficiences méthodologiques fréquentes des études de non infériorité.

 

Conclusion

Il n’est pas possible de résumer très brièvement des directives univoques pour la bonne interprétation des résultats d’une analyse d’infériorité ; l’analyse doit porter sur la validité méthodologique globale, sur la pertinence clinique des bornes choisies et des résultats. Minerva s’efforce de guider le lecteur dans ce domaine pour chaque étude de non infériorité.

 

 

 

Références

  1. Grouin JM, Coste M. Essais de non-infériorité et d’équivalence: méthodologie et analyse. In Essais cliniques: théorie, pratique et critique. Médecine-Sciences Editions Flammarion 2006.
  2. McAlister FA, Sackett DL. Active-control equivalence trials and antihypertensive agents. Am J Med 2001;111:553-8.
  3. Regulatory watch: Non-inferiority-trial discussions impact new drug applications. Nat Rev Drug Discov 2009;8:10.
  4. Djulbegovic B, Clarke M. Scientific and ethical issues in equivalence trials. JAMA 2001;285:1206-8.
  5. Chevalier P. Rivaroxaban plutôt qu’une HBPM après chirurgie orthopédique élective majeure ? MinervaF 2009;8(1):4-5.
  6. Committee for proprietary medicinal products (CPMP). Points to consider on switching between superiority and non-inferiority. EMEA CPMP/EWP/482/99.
  7. Kaul S, Diamond GA. Good enough: a primer on the analysis and interpretation of noninferiority trials. Ann Intern Med 2006;145:62-9.
  8. Le Henanff A, Giraudeau B, Baron G, Ravaud P. Quality of reporting of noninferiority and equivalence randomized trials. JAMA 2006;295:1147-51.
Etude de non infériorité : intérêt, limites et pièges

Auteurs

Chevalier P.
médecin généraliste
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