Revue d'Evidence-Based Medicine



Efficacité d’un traitement antihypertenseur chez des patients âgés de plus de 65 ans



Minerva 2014 Volume 13 Numéro 3 Page 28 - 29

Professions de santé


Analyse de
Briasoulis A, Agarwal V, Tousoulis D, Stefanadis C. Effects of antihypertensive treatment in patients over 65 years of age: a meta-analysis of randomized controlled studies. Heart 2014;100:317-23.


Question clinique
Quelle est l’efficacité d’un traitement médicamenteux chez des personnes hypertendues âgées de plus de 65 ans en termes de mortalité globale, de mortalité cardiovasculaire, d’AVC et d’insuffisance cardiaque ?


Conclusion
Malgré ses limites méthodologiques importantes, cette méta-analyse confirme qu’une diminution des chiffres tensionnels avec un traitement antihypertenseur chez des patients âgés > 65 ans hypertendus montre une efficacité sur des critères forts : mortalité globale et cardiovasculaire, AVC et insuffisance cardiaque. Ce bénéfice est proportionnel à la diminution de la PAS, et dans une moindre mesure à celle de la PAD. Cette étude ne permet pas de conclure quant aux valeurs cibles à atteindre dans cette catégorie d’âge avec un traitement antihypertenseur.


 

 


Texte sous la responsabilité de la rédaction francophone

 

 

Contexte

Le débat sur l’efficacité d’un traitement antihypertenseur chez les personnes âgées de plus de 65 ans et fort âgées hypertendues est un sujet intéressant et moderne, la prévalence de l’hypertension étant forte dans cette population et la littérature spécifique très pauvre dans ce domaine. Pour les personnes âgées de plus de 80 ans, les données scientifiques sont encore plus rares ; la seule RCT effectuée est l’étude HYVET (1), précédemment analysée dans la revue Minerva (2). Pour des raisons éthiques, cette étude a été prématurément arrêtée, avant l’observation d’une réduction significative des AVC, en raison d’une réduction significative des mortalités globale et cardiovasculaire après 2 ans chez les patients avec un traitement initial par indapamide avec ajout éventuel de perindopril versus placebo. Cette étude avait choisi des chiffres cibles de PA de 150/80 mmHg.

Une sommation des résultats de toutes les RCTs incluant des populations hypertendues âgées de plus de 65 ans restait nécessaire pour déterminer les preuves d’efficacité d’un traitement antihypertenseur dans cette population, en précisant aussi les éventuelles valeurs cibles dans cette tranche d’âge.

 

Résumé

Méthodologie

Synthèse méthodique avec méta-analyses

 

Sources consultées

  • bases de données : MEDLINE (PubMed), EMBASE, Cochrane CRCT (1970 à décembre 2012)
  • consultation des listes de référence des articles trouvés et des synthèses concernant les statines.

Etudes sélectionnées

  • RCTs évaluant l’intérêt d’un traitement antihypertenseur versus placebo ou autre traitement chez des personnes âgées > 65 ans et évaluant leur efficacité en termes de mortalité globale ou cardiovasculaire, d’AVC ou d’insuffisance cardiaque
  • études publiées en anglais, dans des journaux avec revue par des pairs
  • exclusion des études ne mentionnant pas une des variables suivantes : nombre d’évènements dans les 2 groupes, durée de l’étude, moyenne de survenue d’évènements pertinents dans la population étudiée, description du sexe, de l’âge, d’un status d’HTA, des traitements concomitants, modification des chiffres tensionnels versus valeurs initiales
  • inclusion finale de 18 RCTs.

Population étudiée

  • 55 569 patients hypertendus et 59 285 patients “contrôle”, d’un âge moyen de 71 ans
  • suivis sur une moyenne de 3,44 ans
  • analyses de 2 groupes distincts : études versus placebo et études comparant l’efficacité de différents médicaments antihypertenseurs.

Mesure des résultats

  • critères de jugement primaires : mortalité globale, mortalité cardiovasculaire, AVC, insuffisance cardiaque
  • critères secondaires : aucun n’est défini.

  

Résultats

  • dans les études contrôlées versus placebo, pour les 4 critères de jugement primaires, le traitement actif se montre significativement plus efficace : OR de mortalité globale de 0,85 (avec IC à 95 % de 0,78 à 0,92), OR de mortalité cardiovasculaire de 0,78 (IC à 95 % de 0,70 à 0,88), OR d’AVC de 0,85 (IC à 95 % de 0,78 à 0,92) et OR d’insuffisance cardiaque de 0,54 (IC à 95 % de 0,44 à 0,66) ; la diminution de pression artérielle enregistrée est de 27/11 mmHg pour le traitement actif et de 14/5 mmHg dans le groupe contrôle
  • dans les études comparant différents médicaments antihypertenseurs : pas de différence significative pour les différents critères de jugement malgré une différence significative en termes de diminution des chiffres tensionnels : différence de PAS de - 2,37 mmHg (IC à 95 % de - 0,42 à - 4,31; p = 0,02) et différence de PAD de - 0,73 mmHg (IC à 95 % de - 0,05 à - 1,45 ; p = 0,05) ; la diminution de risque est proportionnelle à la diminution de la pression artérielle
  • analyse en méta-régression : diminution de risque pour les 4 critères de jugement primaires proportionnelle et linéairement correlée à la diminution de la PAS mais non correlée à l’âge : par exemple, coefficient de la pente de 0,017 (IC à 95 % de 0,008 à 0,027, p < 0,0001) pour la mortalité cardiovasculaire.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent qu’une diminution des chiffres tensionnels sous les seuils de 150/80 mmHg chez les sujets hypertendus âgés de plus de 65 ans est associée à un bénéfice important en termes d’AVC, d’insuffisance cardiaque, de mortalité cardiovasculaire et globale, indépendamment du schéma médicamenteux utilisé. Dans la population étudiée, c’est la diminution de la PAS plutôt que celle de la PAD qui est associée à la diminution du risque cardiovasculaire.

Financement

Les auteurs mentionnent une absence de financement externe.

Conflits d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas en avoir.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Les points positifs de cette méta-analyse sont la recherche exhaustive dans la littérature, une extraction des données par 2 auteurs indépendamment l’un de l’autre, la recherche d’un risque de biais de recrutement dans chaque étude et d’un biais de publication (absent au funnel plot), une recherche du risque de biais selon la méthodologie proposée par la Cochrane Collaboration (14 études à bas risque, 4 à haut risque), l’absence de financement de la recherche.

Les aspects négatifs en sont les suivants. Les auteurs se sont basés sur l’âge moyen des patients dans les études (> 65 ans). Les données des patients < 65 ans auraient pu être exclues en consultant les données individuelles des études mais cet (important) effort n’a pas été fourni. En outre, hors âge et sexe, aucune autre caractéristique des patients inclus dans les différentes études n’est rapportée. Le nombre total de patients inclus dans les méta-analyses propres à chacun des 4 critères de jugement est variable, ce qui montre que ces 4 critères n’étaient pas tous repris dans chacune des études incluses. C’est peut-être une des explications de l’hétérogénéité modérée à substantielle constatée au test I2 dans les méta-analyses comparant différents traitements antihypertenseurs, et modérée dans les études versus placebo. Soulignons que les auteurs ont inclus dans leurs méta-analyses les résultats des études qu’ils jugeaient à haut risque de biais.

Interprétation des résultats

Il est étonnant qu’une recherche qui vise à préciser le traitement et les valeurs cibles en cas d’hypertension chez des personnes âgées de plus de 65 ans se base sur des études non initialement élaborées pour cette population cible, les auteurs ne s’efforçant pas non plus de sélectionner plus précisément cette population. Toutes les études ont recruté des patients à partir de 50 - 55 ans (sauf l’étude HYVET qui a ciblé les octogénaires). Ces milliers de personnes “non âgées” ont influencé les résultats. Toutes les études ciblaient des chiffres tensionnels de 140/80-90 mmHg sauf l’étude HYVET (150/80 mmHg). L’analyse de ces études ne permet donc pas de définir des valeurs cibles optimales. Les auteurs ne peuvent montrer qu’un élément : une efficacité thérapeutique plus grande en termes de diminution de la PAS qui est inversément corrélée avec une diminution des évènements cardiovasculaires et de la mortalité. Cette observation n’est pas neuve. Pour la PAD, cette étude montre une relation uniquement pour les critères de mortalité cardiovasculaire et d’AVC.

Dans leur ensemble, les résultats ne sont pas surprenants : il est connu qu’une diminution des chiffres tensionnels a un effet favorable sur la mortalité et sur la morbidité chez des sujets hypertendus, quel que soit le médicament antihypertenseur. L’étude HYVET l’a confirmé pour les octogénaires. Nous nous attendions à ce qu’il en soit de même chez les personnes âgées de plus de 65 ans.

Autres études

Les études de suivi en protocole ouvert des recherches CHEP et SystEUR (3), la RCT HYVET et son étude de suivi en protocole ouvert ont toutes montré un même effet bénéfique d’un traitement antihypertenseur chez les personnes âgées. Ces études ne concernaient que des populations spécifiques : sujets avec hypertension artérielle systolique isolée, personnes fort âgées particulièrement en bonne santé. L’étude d’observation prospective de Leiden (4) est donc très intéressante dans le domaine. Elle a suivi durant 3,2 ans toutes les personnes âgées de plus de 85 ans (n = 572, 67 % de femmes) dans cette ville, entre 1997 et 1999. Leur pression artérielle moyenne initiale était de 155/77 mmHg, leur pression différentielle de 78 mmHg. Les personnes âgées avec des chiffres plus élevés présentent moins de troubles cognitifs et d’altérations physiques. Il s’agit de critères de jugement secondaires mais ils sont vraisemblablement les plus pertinents dans cette catégorie d’âge.

Une synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration de 2009 (5), incluant les études pour les personnes de plus de 60 ans (15 études, 24 055 sujets, 4,5 ans de suivi), montrait des résultats semblables à ceux de la méta-analyse ici commentée : réduction de la mortalité et de la morbidité grâce à un traitement de l’hypertension (diurétique thiazidé souvent en premier choix) avec un RR de 0,72 avec IC à 95 % de 0,68 à 0,72.

Les valeurs cibles optimales à atteindre dans ce groupe d’âge reste une question de recherche importante. Une réponse ne peut être apportée que par des études comparant différentes valeurs cibles. Seules 2 études effectuées au Japon (6,7) sont actuellement disponibles. Elles ont inclus des patients âgés présentant une hypertension artérielle systolique isolée et un risque cardiovasculaire faible à modéré. Elles ne montrent pas de plus-value de valeurs cibles de PAS < 140 mmHg versus PAS située entre 140 et 149 mmHg. Pour conclure avec des preuves suffisantes qu’il s’agit-là des valeurs à recommander, il reste nécessaire de confirmer ces observations faites dans une population asiatique également dans une population occidentale.

 

Conclusion de Minerva

Malgré ses limites méthodologiques importantes, cette méta-analyse confirme qu’une diminution des chiffres tensionnels avec un traitement antihypertenseur chez des patients âgés > 65 ans hypertendus montre une efficacité sur des critères forts : mortalité globale et cardiovasculaire, AVC et insuffisance cardiaque. Ce bénéfice est proportionnel à la diminution de la PAS, et dans une moindre mesure à celle de la PAD. Cette étude ne permet pas de conclure quant aux valeurs cibles à atteindre dans cette catégorie d’âge avec un traitement antihypertenseur.

 

Pour la pratique

Les personnes âgées de plus de 65 ans bénéficient également de l’effet favorable d’un traitement antihypertenseur qui est généralement obtenu dans les études avec un diurétique thiazidé en premier choix (8). Les valeurs cibles de pression artérielle à atteindre sont fixées dans la RBP belge révisée en 2009 (8) et dans un consensus étatsunien de 2011 (9) à 140/90 mmHg. Cette méta-analyse ne permet pas de remettre ces chiffres en cause. Chez les personnes de plus de 80 ans, des valeurs plus hautes (150/80-90 mmHg) sont de plus en plus souvent proposées.

 

Références

  1. Beckett N, Peters R, Tuomilehto J, et al; HYVET Study Group. Immediate and late benefits of treating very elderly people with hypertension: results from active treatment extension to Hypertension in the Very Elderly randomized controlled trial. BMJ 2012;344:d7541.
  2. De Cort P. Traitement de l’hypertension chez les plus âgés. Minerva online 28/02/2013.
  3. De Cort P. Laaggedoseerde thiaziden: eerste keus bij systolische hypertensie. Minerva 2000;29(7):329-30.
  4. Sabayan B, Oleksik AM, Maier AB, et al. High blood pressure and resilience to physical and cognitive decline in the oldest old: the Leiden 85-plus Study. J Am Geriatr Soc 2012;60:2014-9.
  5. Musini VM, Tejani AM, Bassett K, et al. Pharmacotherapy for hypertension in the elderly. Coctrane Database Syst Rev 2009, Issue 4.
  6. Ogihara T, Saruta T, Rakugi H, et al. Target blood pressure for treatment of isolated systolic hypertension in the elderly: valsartan in elderly isolated systolic hypertension study. Hypertension 2010;56:196-202.
  7. JATOS Study Group. Principal results of the Japanese trial to assess optimal systolic blood pressure in elderly hypertensive patients (JATOS). Hypertens Res 2008;31:2115-27.
  8. De Cort P, Christiaens T, Phlips H, et al. Hypertensie (herziening). Huisarts Nu 2009;38:340-61.
  9. ACCF/AHA 2011 expert consensus document of hypertension in the elderly: a report of the American college of cardiology foundation task force on clinical expert consensus documents; Circulation 2011;123:2434-506.
Efficacité d’un traitement antihypertenseur chez des patients âgés de plus de 65 ans



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