Revue d'Evidence-Based Medicine



Eradiquer l’HP : traitement séquentiel ou de référence actuel?



Minerva 2009 Volume 8 Numéro 5 Page 54 - 55

Professions de santé


Analyse de
Jafri NS, Hornung CA, Howden CW. Meta-analysis: sequential therapy appears superior to standard therapy for Helicobacter pylori infection in patients naive to treatment. Ann Intern Med 2008;148:923-31.


Question clinique
Un traitement séquentiel est-il supérieur à un traitement de référence actuel pour l’éradication de l’Helicobacter pylori chez des patients sans antécédent de traitement d’éradication ?


Conclusion
Cette étude conclut qu’un traitement séquentiel d’éradication de l’Helicobacter pylori est plus efficace qu’un traitement de référence classique chez des patients Hp positifs non encore traités pour éradication. Les arguments sont cependant actuellement insuffisants pour préférer, en Belgique, ce traitement séquentiel au traitement de référence actuel chez ce type de patients.


 

Contexte

L’échec d’un traitement d’éradication de l’Helicobacter pylori (Hp) a été universellement davantage signalé ces dernières années (1). Le traitement de référence actuel, constitué d’un inhibiteur de la pompe à protons (IPP) et de deux antibiotiques montre un échec chez un patient sur quatre, échec attribué à une résistance croissante de l’Hp à la clarithromycine et au métronidazole (2-4). Il est donc bien utile d’évaluer l’efficacité d’autres schémas thérapeutiques, tels qu’un traitement séquentiel.

 

Résumé

 

Méthodologie

Synthèse méthodique et méta-analyse

 

Sources consultées

 

Etudes sélectionnées

  • RCTs comparant un traitement séquentiel de 10 jours avec un traitement de référence de 7 à 10 jours
  • traitement séquentiel : IPP durant 10 jours (le même et au même dosage que dans le groupe contrôle), amoxicilline 1 000 mg durant les 5 premiers jours, clarithromycine  500 mg et tinidazole 500 mg durant les 5 jours suivants, tout traitement
  • traitement de référence : 7 ou 10 jours d’IPP (pantoprazole 40 mg, ésoméprazole/oméprazole/rabéprazole 20 mg) ou ranitidine 400 mg + clarithromycine 500 mg + amoxicilline 1 000 mg, tout médicament BID
  • diagnostic d’une infection Hp et évaluation de son éradication (minimum 4 semaines après le traitement) par biopsie et analyse histologique ou test à l’uréase, test de l’antigène fécal, ou test respiratoire à l’urée
  • parmi les 85 articles localisés, seuls 10 sont inclus.

 

Population étudiée

  • total de 2 747 patients Hp positifs, naïfs d’un traitement d’éradication et sans prise d’IPP, de ranitidine, d’autre anti H2, ni de bismuth depuis au moins un mois.

 

Mesure des résultats

  • pourcentage de patients avec éradication Hp post traitement
  • mesure : risque relatif d’échec d’éradication de l’Hp chez des patients sous traitement séquentiel versus de référence, réduction de risque absolue et relative dans le groupe traitement séquentiel
  • recherche d’hétérogénéité par le test I² et d’un biais de publication par funnel plot.

 

Résultats

  • éradication de l’Hp : 93,4% (IC à 95% de 91,3 à 95,5) post traitement séquentiel et 76,9% (IC à 95% de 71,0 à 82,8) post traitement de référence
  • RRR de 71% (IC à 95% de 64 à 77) et RAR de 16% (14 à 19%) dans le groupe traitement séquentiel
  • observance d’environ 97% (90 à 100%) dans les deux groupes.

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent qu’un traitement séquentiel paraît supérieur à un traitement de référence en termes d’éradication de l’Helicobacter pylori. Si des RCTs effectuées dans d’autres régions confirment ces résultats, un traitement séquentiel de 10 jours pourrait devenir une référence chez des patients Hp positifs n’ayant pas encore reçu de traitement d’éradication.

 

Financement

Non mentionné.

 

Conflits d’intérêt

Le dernier auteur a reçu des honoraires des firmes AstraZeneca, Meretek et Santarus.

 

Discussion

 

Considérations sur la méthodologie

Une des faiblesses de cette étude est liée au fait que les auteurs accordent peu d’intérêt à la pathologie nécessitant une éradication de l’Hp (motif non mentionné dans 3 RCTs). Malgré des critères d’inclusion et d’exclusion stricts, une importante hétérogénéité clinique entre les études est donc possible. D’autre part, aucune hétérogénéité statistique n’est mise en évidence.

Une deuxième limite (mentionnée par les auteurs eux-mêmes) est la localisation unique des études en Italie. La résistance de l’Hp à la clarithromycine et aux imidazoles est beaucoup plus élevée en Europe du Sud que dans nos régions. En Europe du Nord, la résistance de l’Hp à la clarithromycine avoisine probablement les 5% et celle du métronidazole les 30% (1). La population étudiée ne peut donc être assimilée à la population Hp positive en Belgique et en Hollande.

Le troisième handicap est l’évaluation d’une résistance de l’Hp à la clarithromycine et au métronidazole limitée à 2 des 10 RCTs. Les auteurs mentionnent des chiffres de 7% de résistance à l’érythromycine et de 13% pour la clarithromycine ou les dérivés de l’imidazole. Ces chiffres ne correspondent pas à ceux qui sont, par ailleurs, connus en Europe du Sud pour l’érythromycine et le métronidazole (2).

En raison du nombre faible d’études, l’exclusion d’un biais de publication n’est pas possible. Seules 5 études présentent une qualité méthodologique suffisante (score de Jadad ≥ 3) ; en ne tenant compte que des études de qualité, le résultat est un peu moins bon (RAR de 14% au lieu de 16).

 

Interprétation des résultats

Quel est l’intérêt de l’éradication observée ? Cette étude accorde peu d’intérêt à l’effet de ce traitement d’éradication sur le patient. La première interrogation du clinicien est cependant bien de savoir si ce changement dans le schéma de traitement de patients Hp positifs modifie effectivement le pourcentage de guérison. Parmi les 2 747 patients inclus, le motif de traitement est connu pour 416 patients souffrant d’un ulcère gastrique peptique et pour 1 083 autres souffrant de dyspepsie sans ulcère. Pour les 1 248 patients restants, le diagnostic n’est pas connu. Une éradication de l’Hp s’est montrée utile en matière de prévention et/ou de traitement de la gastrite chronique, de l’ulcère peptique, du lymphome MALT (mucosa-associated lymphoid tissue) et du cancer gastrique opéré. Les controverses persistent, par contre, sur le rôle de l’Helicobacter pylori en cas de symptômes dyspeptiques ; l’efficacité de son éradication sur l’évolution de ces symptômes n’est également pas certaine (5-7). Les auteurs soulignent que les résultats de leur synthèse méthodique et méta-analyse concordent avec ceux de deux précédentes synthèses dont les critères d’inclusion et d’exclusion étaient moins stricts et qui incluaient aussi des études d’observation (8,9).

 

Pour la pratique

Nous ne disposons pas de chiffres épidémiologiques récents en Belgique concernant l’Helicobacter pylori. Un chiffre de 28% de prévalence chez l’adulte est généralement cité, chiffre augmentant avec l’âge et, dans certains sous-groupes (Nord Africains), il peut atteindre plus de 50% (10). Les chiffres de résistance de l’Hp aux antibiotiques classiques ne sont également pas connus avec précision. La proposition faite de commencer par une trithérapie antibiotique chez des patients n’ayant jamais été traités pour une éradication hypothèque des alternatives thérapeutiques ultérieures ; le clinicien se sent donc invité à la prudence vis-à-vis de ces schémas thérapeutiques alternatifs. Dans la pratique quotidienne, il est également important de tenir compte de l’origine ethnique de ces patients. En raison de chiffres de résistance plus élevés dans certains pays, il peut être recommandé d’utiliser des schémas de traitement alternatifs mais en cas d’échec d’un traitement de référence (1,4,11). L’observance ne semble pas influencée, dans les RCTs, par la complexité des schémas. L’expérience nous apprend cependant que le patient moyen éprouve déjà des difficultés à observer un traitement de référence actuel. Se tiendrait-il sans erreur à un traitement séquentiel et jusqu’au bout de celui-ci ?

Il nous semble peu indiqué de conclure sur base de cette méta-analyse présentant des limites (12) qu’un traitement séquentiel est à préférer à un traitement de référence classique, en Belgique.

 

 

Conclusion

Cette étude conclut qu’un traitement séquentiel d’éradication de l’Helicobacter pylori est plus efficace qu’un traitement de référence classique chez des patients Hp positifs non encore traités pour éradication. Les arguments sont cependant actuellement insuffisants pour préférer, en Belgique, ce traitement séquentiel au traitement de référence actuel chez ce type de patients.

 

 

Références

  1. Bohr UR, Malfertheiner P. Eradication of H. pylori infection: the challenge is on if standard therapy fails. Therapeutic Advances in Gastroenterology 2009;2:59-66.
  2. Megraud F. Helicobacter pylori and antibiotic resistance. Gut 2007;56:1502.
  3. Chisholm SA, Teare EL, Davies K, Owen RJ. Surveillance of primary antibiotic resistance of Helicobacter pylori at centres in England and Wales over a six-year period (2000-2005). Euro Surveill 2007;12:E3-4.
  4. Elviss NC, Owen RJ, Breathnach A, et al. Helicobacter pylori antibiotic-resistance patterns and risk factors in adult dyspeptic patients from ethnically diverse populations in central and south London during 2000. J Med Microbiol 2005;54:567-74.
  5. Moayyedi P, Deeks J, Talley NJ, et al. An update of the Cochrane systematic review of Helicobacter pylori eradication therapy in nonulcer dyspepsia: resolving the discrepancy between systematic reviews. Am J Gastroenterol 2003;98:2621-6.
  6. Ferrant L. Efficacité de l'éradication de l'Helicobacter pylori sur le pyrosis et le reflux. MinervaF 2005;4(5):81-2.
  7. Numans ME, De Wit NJ, Dirven JA, et al. NHG-Standaard Maagklachten. Huisarts Wet 2003;46: 690-700.
  8. Moayyedi P. Sequential regimens for Helicobacter pylori eradication. Lancet 2007;370:1010-2.
  9. Zullo A, De Francesco V, Hassan C, et al. The sequential therapy regimen for Helicobacter pylori eradication: a pooled-data analysis. Gut 2007;56:1353-7.
  10. Logan RP, Walker MM. ABC of the upper gastrointestinal tract: Epidemiology and diagnosis of Helicobacter pylori infection. BMJ 2001;323:920-2.
  11. Malfertheiner P, Megraud F, O’Morain C, et al. Current concepts in the management of Helicobacter pylori infection: the Maastricht III Consensus Report. Gut 2007; 56:772-81.
  12. Gatta L, Di Mario F, Zullo A, Vaira D. Errors in a meta-analysis of treatments for Helicobacter pylori infection [Comment]. Ann Intern Med 2008;149: 686.
Eradiquer l’HP : traitement séquentiel ou de référence actuel?

Auteurs

Ferrant L.
Vakgroep eerstelijns- en interdisciplinaire zorg, Centrum voor Huisartsgeneeskunde, Universiteit Antwerpen
COI :

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