Revue d'Evidence-Based Medicine



Comment interpréter un funnel plot ?



Minerva 2014 Volume 13 Numéro 2 Page 25 - 25

Professions de santé


 


Texte sous la responsabilité de la rédaction néerlandophone

 

Lorsque les chercheurs d’une synthèse méthodique avec méta-analyse ne trouvent pas toutes les informations utiles concernant une question de recherche déterminée, le risque est réel qu’un biais de mention fausse les résultats de la méta-analyse. Ne pas retrouver toutes les études pertinentes peut s’expliquer par la restriction quant à la langue de publication – imposée par les auteurs eux-mêmes – (biais de langue de publication) ou être dû au fait qu’on passe à côté d’études peu souvent citées au cours d’une recherche manuelle (complémentaire) dans les listes de références des études déjà trouvées (biais de citation). Dans les deux cas, il s’agit le plus souvent d’études plus petites qui sont moins fréquemment publiées et citées dans les revues paraissant en anglais. Cependant, le biais dans le signalement peut aussi être lié à la non publication de certaines études (biais de publication). Les études qui démontrent un effet favorable d’un nouveau traitement ont beaucoup plus de chances d’être publiées que celles qui ne démontrent aucune différence ou trouvent des résultats défavorables (1,2). Un récent éditorial sur des conclusions contradictoires de deux méta-analyses, qui examinaient l’effet des inhibiteurs de la neuraminidase sur la prévention des infections des voies respiratoires basses en cas de grippe (3), illustre l’importance de détecter un éventuel biais dans le signalement avant de tirer des conclusions. Un funnel plot (graphique en entonnoir), qui permet de représenter les estimations ponctuelles en fonction de la taille de l’échantillon pour chaque étude, pourra être utile à cet effet. …

 

Pour chaque étude, la moyenne de toutes les mesures donne une estimation ponctuelle de l’effet réel de l’intervention sur laquelle porte l’étude. La précision de chaque estimation ponctuelle est déterminée par l’erreur standard. Celle-ci est proportionnelle à la déviation standard – la distribution des mesures autour de la moyenne – et inversement proportionnelle à la taille de l’échantillon (4,5). Si l’échantillon est de grande taille, l’erreur standard sera donc petite, et l’estimation ponctuelle de l’échantillon approchera la valeur réelle du critère de jugement dans la population. En rassemblant dans une synthèse méthodique toutes les études portant sur une question de recherche déterminée, on augmente la taille de l’échantillon, et la moyenne de toutes les estimations ponctuelles des différentes études donnera une estimation ponctuelle plus précise de l’effet réel. Il est ainsi apparu que le risque relatif moyen de toutes les études qui ont examiné l’effet des bilans de santé préventifs sur la mortalité était égal à 0,99 (IC à 95 % de 0,95 à 1,03) (6). Contrairement à ce que certaines études ont individuellement montré, l’extension de l’échantillon a révélé que l’intervention était sans effet.

 

On peut tracer un graphique de dispersion (scatter plot) en reportant sur l’axe des x le risque relatif moyen ainsi que les risques relatifs des différentes études (voir Figure A). Comme il existe de petites différences fortuites entre les études (par exemple les petites différences dans les caractéristiques de base), il y aura statistiquement environ autant d’études d’un côté que de l’autre de la ligne pointillée (risque relatif moyen). L’axe des y correspond à l’inverse de l’erreur standard de chaque étude. L’erreur standard est inversement proportionnelle à la taille de l’échantillon, les études plus grandes donneront une estimation plus précise de l’effet (voir ci-dessus); elles se placeront non seulement plus haut sur l’axe des y, mais seront aussi plus rapprochées de la moyenne de la méta-analyse. A l’inverse, les études plus petites seront plus dispersées et se situeront à la base du graphique de dispersion. Si les études sont en nombre suffisant, on arrive ainsi à la forme évasée typique du funnel plot (7). Dans notre exemple, cette forme évasée est moins nette car basée sur un petit nombre d’études (N < 10). Néanmoins, la symétrie nous permet de conclure que, si l’on ne peut affirmer l’existence d’un biais dans le signalement, on ne peut pas non plus l’exclure complètement.

 

Figure A. Funnel plot pour des études examinant l’effet des bilans de santé préventifs sur la mortalité totale (6).

 

 

 

Imaginons maintenant que les auteurs aient omis quelques études plus petites montrant une augmentation du risque relatif sur la mortalité (voir figure B). Le funnel plot aurait été asymétrique, et le risque relatif moyen aurait été, par exemple de 0,9, au lieu de 1. Dans ce cas, l’asymétrie du funnel plot nous aurait averti de l’existence d’un biais dans le signalement, sous une forme ou une autre.

 

Figure B. Funnel plot hypothétique pour des études examinant l’effet des bilans de santé préventifs sur la mortalité totale.

 

 

 

Un funnel plot asymétrique peut cependant aussi être dû à d’autres facteurs, comme l’hétérogénéité entre les études incluses (8). En reportant sur le funnel plot les erreurs standards calculées respectivement pour les limites inférieure et supérieure de l’intervalle de confiance à 95 % du résultat moyen, on obtient la pente d’une diagonale sous laquelle devraient se situer 95 % des études trouvées (9). Si un trop grand nombre d’études se situent en dehors de cette zone (voir figure C), l’asymétrie du funnel plot s’explique probablement par l’hétérogénéité entre les études analysées.

 

Figure C. Funnel plot hypothétique pour des études examinant l’effet des bilans de santé préventifs sur la mortalité totale.

 

Sources figures: Krogsbøll LT, Jørgensen K, Larsen CG, Gøtzsche PC. General health checks in adults for reducing morbidity and mortality from disease: Cochrane systematic review and meta-analysis. BMJ 2012;345:e7191.

 

Conclusion

Dans un funnel plot, les estimations ponctuelles des différentes études, après une recherche systématique dans la littérature, sont reportées sur l’axe des x, de même que la moyenne de la méta-analyse. L’erreur standard des différentes études est reportée sur l’axe des y. Si le nombre d’études est suffisant (> 10), il est possible de montrer l’existence d’un biais de signalement ou de l’exclure, en fonction de la symétrie du funnel plot.

 

 

Références

  1. Chevalier P, van Driel M, Vermeire E. Biais de publication : identification et essai de correction. MinervaF 2007;6(9):144.
  2. Roland M. La Revue Minerva: indépendante et complète? [Editorial] MinervaF 2004;3(4):52.
  3. Michiels B. Repenser les synthèses d'évidence. [Editorial] MinervaF 2012;11(10):118.
  4. Sedgwick P. Standard deviation versus standard error. BMJ 2011;343:d8010.
  5. Sedgwick P. Standard error of the mean. BMJ 2013;346:f532.
  6. Baeten R. Bilans de santé préventifs : un bénéfice pour la santé ? MinervaF 2014;13(2):15-6.
  7. Sedgwick P. Meta-analyses: How to read a funnel plot? BMJ 2013;346:f1342.
  8. Higgins JPT, Green S. Cochrane handbook for systematic reviews of interventions. Part 2: General methods for Cochrane reviews. Chapter 10: Addressing reporting biases.
  9. Sterne JA, Harbord RM. Funnel plots in meta-analysis. The Stata Journal 2004;4:127-41.

 

 

Comment interpréter un funnel plot ?

Auteurs

Poelman T.
Vakgroep Volksgezondheid en Eerstelijnszorg, UGent
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