Revue d'Evidence-Based Medicine



Soins de fin de vie : besoin de preuves aussi ?



Minerva 2008 Volume 7 Numéro 10 Page 145 - 145

Professions de santé


 

 

Les preuves

Ce numéro de Minerva comporte une analyse, de longueur inhabituelle, d’une synthèse méthodique de la littérature qui a servi de base à l’élaboration de recommandations (1,2). Elle concerne les soins apportés aux patients en fin de vie, domaine particulier du vaste champ des soins dits palliatifs (pour les distinguer de soins curatifs). Pourquoi ce choix d’une analyse plus extensive ? Cette publication concernant les soins palliatifs a été sélectionnée principalement parce qu’elle concerne un domaine rarement abordé dans Minerva et cependant de grande importance pour la première ligne de soins, mais aussi parce qu’elle proposait une démarche d’analyse de méthodologie Evidence-Based Medicine dans un domaine où les opinions d’experts sont plus nombreuses que les études randomisées contrôlées. Citons un précédent exemple de ce type de démarche dans l’analyse des résultats des soins palliatifs. A la fin du siècle dernier (pas plus de 10 ans !), dans les formations en soins palliatifs, la médroxyprogestérone était recommandée « pour ralentir et/ou atténuer la perte de poids et l’anorexie chez les patients atteints de cancer avancé ». Une étude rigoureuse des études d’évaluation concluait que ce médicament permettait au mieux un maintien ou une prise de poids de 3 kg (valeur médiane) mais sans impact sur la qualité de vie (3). Conclusion EBM nette. Qu’apporte cette absence de preuve d’efficacité sur des échelles validées de qualité de vie ?

Entre preuves et qualité de fin de vie

Klara Brunnhuber et coll. se sont également livrés au difficile exercice de recherche de preuves en soins palliatifs dans la littérature (4). Ces auteurs utilisent la stricte méthode de recherche et d’évaluation du BMJ Clinical Evidence. Ils mentionnent une « synthèse des preuves » trouvées concernant l’évaluation des symptômes et de leurs traitements. Ils abordent aussi les aspects relationnels patient-soignant, les besoins en soins et les préférences des patients dans les stades avancés de leur maladie, la coordination des soins. Tous ces aspects sont cependant traités dans un autre chapitre que celui de la « synthèse des preuves », intitulé « background ». Ce dernier reprend, par exemple, différentes observations : un niveau de stress plus élevé pour le soignant est associé à une augmentation des symptômes des patients, à des institutionnalisations plus fréquentes, à une réduction de la qualité des soins. En établissant un lien causal du stress vers la réduction de qualité, des auteurs se sont mis à la recherche de moyens pour diminuer le stress des soignants, par exemple en promouvant le travail en équipe pluridisciplinaire. La littérature n’apporte que des preuves faibles à modérées que des interventions de soignants, surtout multifacettaires et ciblées individuellement, diminuent le poids de l’affection, en fait parce que les études sont rares (dans les sources classiques) et non parce qu’elles sont contradictoires dans leurs résultats. Le domaine des études de qualité, moins bien connu, est peut-être aussi mal exploré. Même si la diminution du poids de l’affection est faible pour les soignants, quand ce poids est énorme, des preuves faibles à modérées ne sont-elles pas suffisantes ?

La valeur de la preuve

Le poids de la preuve est une question. Le critère d’évaluation en est une autre. Une modification du poids de la maladie et/ou de la satisfaction du patient, du soignant ou de l’aidant naturel, une diminution des hospitalisations : tous ces critères évoluent-ils nécessairement dans le même sens, avec la même ampleur ? Si non, lequel ou lesquels faut-il privilégier ? Quelles preuves sont-elles possibles et nécessaires pour évaluer les interventions en termes de qualité de vie du patient d’abord, mais aussi de son entourage (famille, proches, aidants naturels) et des soignants professionnels ? Sont-elles aussi toujours des outils adéquats pour prendre connaissance des croyances, des peurs et des espérances d’un individu particulier, de l’évolution de ces éléments en fonction de son état physique et de son cheminement psychologique face à la mort, ou sont-elles plutôt conçues pour évaluer nos soins ? Nous rejoignons ici une autre importante interrogation : la juste place des soins en fin de vie.

Qualité de fin de vie et soins

Dans sa définition des objectifs et principes des soins palliatifs, l’OMS (5) rappelle qu’il faut considérer la mort comme une partie de la vie et un processus normal, ne pas hâter ni retarder la mort, utiliser une approche en équipe pour rencontrer les besoins des patients et de leur famille, y compris le processus de deuil, initier rapidement des soins palliatifs dans l’évolution de la maladie d’un patient, même s’il reçoit encore des traitements pour prolonger sa vie (chimio-, radiothérapie). Ces objectifs mentionnent l’importance de soins palliatifs mais aussi leur place facilitatrice mais non envahissante dans cette période de fin de vie, parmi d’autres aspects.

Le questionnement EBM dans l’analyse des soins n’est qu’un des points de vue d’approche de la fin de vie, actuellement plus ou moins bien adapté à l’évaluation des soins dans cette période de la vie. Le questionnement éthique est un autre point de vue qui implique aussi les différents soignants et les interpellent bien au-delà des soins qu’ils peuvent donner.

 

Références

  1. Sturtewagen JP, Chevalier P. Soins palliatifs en fin de vie : des preuves ? MinervaF 2008;7(9):148-51.
  2. Lorenz KA, Lynn J, Dy SM, et al. Evidence for improving palliative care at the end of life: a systematic review. Ann Intern Med 2008;148:147-59.
  3. Médroxyprogestérone et soins palliatifs. Pas d’impact sur la qualité de vie. Rev Prescr 2000;20:338-9.
  4. Brunnhuber K, Nash SA, Meier DE, et al. Putting evidence into practice: palliative care. Report United Health Foundation. London. BMJ Group, 2008.
  5. Cancer control: knowledge into action: WHO Guide for effective programmes. Palliative care. World Health Organisation, 2007.
Soins de fin de vie : besoin de preuves aussi ?

Auteurs

Chevalier P.
médecin généraliste
COI :

Soenen K.
Minerva
COI :

Sturtewagen J.P.
Projekt Farmaka, Gent
COI :

Van Halewyn M.
SSMG et Centre Académique de Médecine Générale, UCL
COI :

Glossaire

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