Revue d'Evidence-Based Medicine



Intérêt (relatif) du glycopyrronium en cas de BPCO ?



Minerva 2014 Volume 13 Numéro 1 Page 4 - 5

Professions de santé


Analyse de
Kerwin E, Hébert J, Gallagher N, et al. Efficacy and safety of NVA237 versus placebo and tiotropium in patients with COPD: the GLOW2 study. Eur Respir J 2012;40:1106-14.


Question clinique
L’anticholinergique glycopyrronium est-il efficace et sûr en cas de BPCO chez des adultes âgés d’au moins 40 ans, versus placebo et versus un autre traitement anticholinergique ?


Conclusion
Cette RCT en double aveugle pour le glycopyrronium versus placebo montre une plus-value statistiquement significative du glycopyrronium pour différents critères spirométriques (dont l’évolution du VEMS, critère primaire). Elle montre également des résultats favorables pour certains critères cliniques (exacerbations, score de dyspnée) mais non cliniquement pertinents pour la qualité de vie (SGRQ), tous critères de jugement secondaires, ce qui demande donc confirmation. Le bras tiotropium est un témoin actif, en protocole ouvert, et l’absence de différence constatée au point de vue efficacité et sécurité du glycopyrronium versus tiotropium est donc indicative.


 

 


Texte sous la responsabilité de la rédaction francophone

 

 

Contexte

Les bronchodilatateurs à longue durée d’action font partie des traitements recommandés en cas de BPCO (1). Le seul bronchodilatateur anticholinergique à longue durée d’action (LAMA pour long-acting muscarinic antagonist) ayant l’indication BPCO était jusqu’il y a peu le tiotropium. L’aclidinium est un autre anticholinergique à longue durée d’action enregistré dans cette indication (2). Un troisième anticholinergique à longue durée d’action, déjà utilisé dans d’autres indications enregistrées (anesthésie) ou off-label (soins palliatifs), le bromure de glycopyrronium, vient également d’être enregistré et commercialisé en Belgique. Il était donc important de situer son intérêt (éventuel) dans la stratégie de prise en charge de la BPCO.

 

 

Résumé

 

Population étudiée

  • 1 066 patients, âgés d’au moins 40 ans (moyenne de 63 - 64 ans), avec tabagisme ≥ 10 années-paquets, VEMS post bronchodilatation < 80 % et ≥ 30 % des valeurs prédites, VEMS/CV < 0,70 ; 63-65 % d’hommes ; seuls 26 % des sujets ont une ou plusieurs exacerbations de BPCO dans l’année précédente
  • critères d’exclusion : infection des voies respiratoires basses < 6 semaines, autre pathologie respiratoire, asthme, cancer, syndrome du QT long ou QTc > 450 ms pour les hommes et > 470 ms pour les femmes, hyperplasie prostatique symptomatique, obstruction du col de la vessie, insuffisance rénale, rétention urinaire, glaucome à angle fermé, déficience en alpha1 antitrypsine.

 

Protocole d’étude

  • étude randomisée, contrôlée versus placebo, en double aveugle, multicentrique, avec un bras tiotropium en protocole ouvert
  • traitement : glycopyrronium 50 mcg (n = 513) versus placebo (n = 245) (administrés tous deux via un inhalateur Breezhaler) 1 x/j ou du tiotropium 18 mcg (via un Handihaler) en ouvert (n = 253) 1x/j
  • durée de l’étude : période de lavage allant de 2 (LABA et ICS/LABA) à 7 jours (LAMA), période d’inclusion de 14 jours et période de traitement de 52 semaines.

 

Mesure des résultats

  • critère de jugement primaire : modification moyenne du VEMS versus placebo (mesure prise en fin de dose avant la prise suivante) après 12 semaines de traitement
  • critères secondaires : dyspnée (évaluée sur le score TDI) à la semaine 26, l’état de santé (au score SGRQ) à la semaine 52, délai de survenue de la première exacerbation modérée à sévère de BPCO, dose journalière moyenne de recours au salbutamol, mesurée sur les 52 semaines de l’étude, ainsi que la capacité inspiratoire, le VEMS et la CVF mesurés à la fin du J1 et aux semaines 26 et 52.

 

Résultats

  • arrêts de traitement : seuls 76 % des patients terminent l’étude, avec davantage d’arrêts sous placebo (28,3 %)
  • critère de jugement primaire : détérioration du VEMS dans les 3 groupes ; versus placebo, dégradation moyenne moindre du VEMS de 97 ml (IC à 95 % de 64,6 à 130,2) sous glycopyrronium et de 83 ml (45,6 à 121,4) pour le tiotropium, à la semaine 12 ; un avantage reste observé aux semaines 26 et 52 mais avec une détérioration ultérieure du VEMS dans les 3 bras
  • critères secondaires :
    • score TDI à la semaine 26 : 2,13 sous glycopyrronium, 1,32 sous placebo, avec une différence donc de 0,81 avec IC à 95 % de 0,299 à 1,320 ; p = 0,002 ; résultats semblables pour le tiotropium (2,26 ± 0,281) avec une différence de 0,94 avec IC à 95 % de 0,356 à 1,521 et p = 0,002
    • SGRQ à la semaine 52 : différence statistiquement significative mais cliniquement non pertinente versus placebo pour le glycopyrronium (et le tiotropium)
    • délai pour la première exacerbation modérée à sévère à 52 semaines : significativement allongé versus placebo pour le glycopyrronium : HR de 0,66 avec IC à 95 % de 0,52 à 0,85, p = 0,001 et NST de 13 ; résultats semblables pour le tiotropium versus placebo : HR de 0,61 avec IC à 95 % de 0,456 à 0,821 et p = 0,001
    • recours au salbutamol : significativement moindre versus placebo sous glycopyrronium (p = 0,039) (et sous tiotropium)
    • l’effet bronchodilatateur du glycopyrronium est plus rapide que celui du tiotropium après la première administration
  • effets indésirables : globalement pas de différence entre les 3 groupes ; davantage d’exacerbations dans le groupe placebo ; nombre d’effets indésirables sévères plus élevés dans le groupe placebo et dans le groupe tiotropium, sans analyse statistique; soulignons la survenue d’une fibrillation auriculaire chez 4 patients dans le groupe glycopyrronium (0.8 %) et 0 dans le groupe placebo.

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que l’administration de glycopyrronium apporte une amélioration significative de la fonction pulmonaire, de la dyspnée, de l’état de santé, des exacerbations et un recours moindre au bronchodilatateur à courte durée d’action versus placebo, effets comparables à celui du tiotropium. Le glycopyrronium peut constituer une alternative lors du choix d’un LAMA chez des patients avec BPCO.

 

Financement de l’étude 

Novartis Pharma AG.

 

Conflits d’intérêt des auteurs 

Le premier auteur a été orateur, responsable de recherche ou dans des comités d’avis pour de nombreuses firmes dont Novartis, le deuxième a été consultant pour cette firme ; les 6 autres auteurs sont employés par Novartis.

 

 

Discussion

 

Considérations sur la méthodologie

La conception et le protocole de cette étude suscitent de nombreuses réflexions. Le protocole est en double aveugle pour le glycopyrronium versus placebo mais ouvert pour le bras tiotropium, à considérer donc comme un comparateur actif, sans comparaison directe possible entre les deux traitements actifs.

Le choix du critère primaire est bien curieux pour une étude prévue sur 52 semaines, puisqu’il s’agit d’un critère intermédiaire et évalué à 12 semaines seulement. Les autres critères (secondaires) sont évalués à des termes différents (12, 26 et 52 semaines) sans justification de la part des auteurs.

 

Interprétation des résultats

Les patients inclus dans cette étude présentent une BPCO modérée (64,5 %) à sévère (35,5 %) ; 73 % n’ont pas d’exacerbation à l’anamnèse et seuls 6,6 % ont fait au moins 2 exacerbations. Les auteurs ne précisent pas les chiffres pour les patients ne présentant pas d’exacerbation de BPCO durant les 52 semaines d’étude, cependant selon le grahique Kaplan-Meier inclus dans l’étude (figure 5), environ 66 % des sujets sous tiotropium, 63 % de ceux sous glycopyrronium et 55 % de ceux sous placebo ne présentent pas d’exacerbation, soit une différence de 8 % entre glycopyrronium et placebo.

La moindre dégradation du VEMS dans les groupes glycopyrronium et tiotropium versus groupe placebo reste, en valeur absolue, inférieure au seuil clinique généralement admis dans les protocoles d’étude (100-140 ml). Comme signalé dans notre analyse des études avec l’aclidinium (2), dans cette étude GLOW 2, la diminution du VEMS dans le groupe placebo (moyenne diminuée de 85 ml sur 1 an) est également plus importante que ce qui est constaté en général dans la pratique (± 60 ml sur un an). Le fait que les patients de ce groupe placebo aient dû arrêter leur anticholinergique (25 % en prenaient avant la randomisation) pour l’étude pourrait expliquer cette évolution et, en partie, l’ampleur de la différence évolutive.

Les valeurs de VEMS continuent à diminuer graduellement au cours des 52 semaines. Une comparaison à plus long terme reste donc indispensable pour ce médicament aussi.

Pour le score TDI, une différence cliniquement pertinente (1 unité) n’est pas observée aux semaines 12, 26 et 52. Il en va de même pour le SGRQ aux mêmes termes. Le seul bénéfice clinique du glycopyrronium versus placebo enregistré dans cette étude semble être un délai prolongé de survenue d’une exacerbation qui est dans cette étude un critère secondaire d’évaluation : les auteurs donnent sur 52 semaines une incidence de 0,54 sous glycopyronium et 0,80 sous placebo, soit une différence absolue de 0,26 exacerbations modérées à sévères. Ils calculent un NST de 13 sur les 52 semaines (et un NST de 10 pour le tiotropium) d’après les données du graphique Kaplan-Meier, ce qui nous semble correct selon le mode d’estimation proposé par Suissa (3). Enfin, le recours au bronchodilatateur de courte durée d’action bien que statistiquement significatif ne représente en termes absolus qu’un surplus de 0,37 inhalation par jour pour les patients du groupe placebo comparativement au groupe glycopyrronium. La pertinence clinique de ce résultat est probablement nulle.

 

Autres études et alternatives

Cette publication a été précédée, environ un an auparavant, de celle de l’étude GLOW1 (4) comparant le glycopyrronium à un placebo chez 822 patients présentant des caractéristiques semblables à celles des patients inclus dans l’étude GLOW2. Sur une période de traitement de 26 semaines pour cette RCT, la différence moyenne pour le VEMS (critère primaire) est de 113 (± 16,5) ml soit également un chiffre de pertinence clinique discutable. Il y a également une plus-value significative pour la survenue d’exacerbations modérées à sévères ou sévères (avec hospitalisations) et pour le recours à d’autres médicaments inhalés.

Dans l’étude GLOW3 (5), c’est la tolérance à l’effort qui est évaluée chez 108 patients avec BPCO traités par glycopyrronium ou placebo. Le glycopyrronium se montre supérieur au placebo. Les résultats de l’étude en protocole ouvert GLOW 4 qui a inclus 163 patients japonais traités soit par glycopyrronium soit par tiotropium n’ont été publiés que sous la forme d’un abstract lors d‘un congrès. Cette étude concernait la sécurité et la tolérance de ces 2 médicaments et ne montrait pas de différence pour les effets indésirables.

 

Effets indésirables

Dans le RCP, les effets indésirables mentionnés comme les plus fréquemment observés dans les études sont : nasopharyngite, insomnie, céphalées, sècheresse buccale, gastroentérite, infection urinaire. L’EMA mentionne dans son rapport (6) avoir demandé une étude de sécurité (Post-Autorisation Safety Study - PASS) en surveillance des incidents cardiovasculaires et cérébrovasculaires qui surviendraient chez des patients traités par le glycopyrronium en inhalation.

 

Conclusion de Minerva

Cette RCT en double aveugle pour le glycopyrronium versus placebo montre une plus-value statistiquement significative du glycopyrronium pour différents critères spirométriques (dont l’évolution du VEMS, critère primaire). Elle montre également des résultats favorables pour certains critères cliniques (exacerbations, score de dyspnée) mais non cliniquement pertinents pour la qualité de vie (SGRQ), tous critères de jugement secondaires, ce qui demande donc confirmation. Le bras tiotropium est un témoin actif, en protocole ouvert, et l’absence de différence constatée au point de vue efficacité et sécurité du glycopyrronium versus tiotropium est donc indicative.

 

 

Pour la pratique

Le guide de pratique de GOLD 2013 propose une prise en charge thérapeutique sur base d’une classification en 4 groupes de patients établis en fonction du risque d’exacerbations et des symptômes. Cette classification ne fait pas l’unanimité parmi les experts belges et n’a pas été validée pour son intérêt dans la prise en charge de la BPCO (7).

Dans le guide de pratique de NICE (8), en cas d’exacerbations ou de dyspnée persistante sous bronchodilatateur à courte durée d’action, c’est un bronchodilatateur à longue durée d’action qui est recommandé, bêta2-mimétique à longue durée d’action (LABA) ou anticholinergique à longue durée d’action (LAMA) (ou LABA/ LAMA + corticostéroïde inhalé si VEMS < 50 % (niveau de preuve faible à modéré)). Le tiotropium est le seul LAMA qui bénéficie d’une évaluation fournie et prolongée. La RCT analysée ici et la littérature publiée ne permettent pas de comparaison rigoureuse entre tiotropium et glycopyrronium, médicament dont l’efficacité et la sécurité à plus long terme restent à déterminer.

 

 

Noms de marque:

Glycopyrronium : Seebri Breezhaler®

Aclidinium : Bretaris®

Tiotropium : Spiriva®

 

 

Références

  1. GOLD. Global Strategy for Diagnosis, Management, and Prevention of COPD. Updated February 2013.
  2. Van Meerhaeghe A, Chevalier P. Intérêt (relatif) de l’aclidinium en cas de BPCO ? MinervaF 2013;12(3):32-3.
  3. Chevalier P. L’estimation du NST : pièges. MinervaF 2013;12(9):116.
  4. D'Urzo A, Ferguson GT, van Noord JA, et al. Efficacy and safety of once-daily NVA237 in patients with moderate-to-severe COPD: the GLOW1 trial. Respir Res 2011;12:156.
  5. Beeh KM, Singh D, Di Scala L, Drollmann A. Once-daily NVA237 improves exercise tolerance from the first dose in patients with COPD: the GLOW3 trial. Int J Chron Obstruct Dis 2012;7:503-13.
  6. EMA. Assessment report Seebri Breezhaler. 1 August 2012. EMA/CHMP/508029/2012.
  7. Chevalier P. BPCO et nouvelle classification GOLD. Minerva online fev 2014.
  8. National Clinical Guideline Centre. (2010) Chronic obstructive pulmonary disease: management of chronic obstructive pulmonary disease in adults in primary and secondary care. London: National Clinical Guideline Centre. Available from: http://guidance.nice.org.uk/CG101/Guidance/pdf/English
Intérêt (relatif) du glycopyrronium en cas de BPCO ?



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