Revue d'Evidence-Based Medicine



Dépistage de l'ostéoporose par ultrasons?



Minerva 2005 Volume 4 Numéro 3 Page 46 - 48

Professions de santé


Analyse de
Hodson J, Marsh J. Quantitative ultrasound and risk factor enquiry as predictors of postmenopausal osteoporosis: comparative study in primary care. BMJ 2003;326:1250-1.


Question clinique
Quel est l’intérêt d’un examen de la structure osseuse par ultrasons pour l’identification des femmes à haut risque d’ostéoporose?


Conclusion
Cette étude montre que l’utilisation d’une mesure ultrasonique osseuse pourrait être utilisée en médecine générale pour améliorer le dépistage des patientes à risque d’ostéoporose (casefinding). Actuellement, l’ostéodensitométrie à rayons X reste la référence pour établir le diagnostic de l’ostéoporose. Le dépistage généralisé de l’ostéoporose n’est pas à recommander mais un case-finding des patients à haut risque est scientifiquement justifié. Les facteurs prédictifs d’un risque élevé sont principalement une ménopause précoce (<45 ans), une anamnèse familiale d’ostéoporose sévère, une précédente fracture non traumatique, un tabagisme, une vie sédentaire et la consommation de certains médicaments (tels que corticostéroïdes, anti-épileptiques et hormones thyroïdiennes).


 

Résumé

Contexte

Actuellement, les recommandations pour la première ligne visent à identifier les risques d’ostéoporose à partir d’une anamnèse spécifique reprenant les facteurs de risque classiques de l’ostéoporose. La valeur de ce dépistage n’avait pas encore été comparée à celle d’un examen ultrasonique.

Population étudiée

Deux cents femmes âgées de 60 à 69 ans ont été recrutées dans 7 consultations de médecine générale en Angleterre en raison soit d’un risque perçu (48%) soit par intérêt (52%).Les facteurs de risque de l’ostéoporose retenus étaient: indice de masse corporelle inférieur à 19 kg/m²; perte staturale supérieure à 5 cm; cyphose dorsale; fracture proximale du fémur chez la mère; ménopause précoce ou hystérectomie avant l’âge de 45 ans; aménorrhée secondaire depuis plus d’un an; corticostéroïdothérapie de plus de 6 mois à une dose quotidienne supérieure ou égale à 7,5 mg/j de prednisolone; fracture après l’âge de 50 ans; suspicion radiologique d’ostéoporose.

Protocole d’étude

Dans cette étude transversale, une infirmière de référence a pratiqué chez les patientes une mesure ultrasonique du calcanéum (densitomètre Sahara). Un médecin généraliste a par ailleurs procédé à un relevé anamnestique des facteurs de risque de l’ostéoporose. Dans un deuxième temps, les patientes ont eu une mesure de densitométrie osseuse par rayons X à double énergie (Dual energy X ray absorptiometry (DXA), test de référence) 1.

Mesure des résultats

La validité des différents types de dépistage est comparée à celle du DXA selon diverses mesures: sensibilité, spécificité, valeur prédictive positive et valeur prédictive négative, présentées avec leurs intervalles de confiance à 95%.

Résultats

Sur 190 patientes évaluées, 31 présentaient une ostéoporose documentée par DXA, 113 au moins 1 facteur de risque anamnestique pour l’ostéoporose et 49 un score T ou T-score indique de combien d’écarts-types une valeur s’écarte de la moyenne dans une population en bonne santé. Le T-score de la masse corporelle par exemple est la masse corporelle exprimée en écarts-types par rapport à la moyenne de la masse corporelle qu’un adulte doit atteindre. Les masses corporelles des hommes et des femmes sont différentes. Pour les personnes âgées, le T-score est souvent négatif et devient de plus en plus négatif au fur et à mesure que la personne avance en âge.">T-score < -1,7 à l’examen ultrasonique (seuil défini rétrospectivement et correspondant au percentile 25 de la population étudiée). Les qualités des différents tests sont détaillées ci-dessous (voir tableau). L’association de l’échographie au questionnaire augmente la sensibilité de 22% et ne réduit la spécificité que de 4%.

 

Tableau: Qualités diagnostiques (avec IC à 95%) des différentes approches prédictives du risque d’ostéoporose postménopausique.

 

Questionnaire

Ultrasonographie quantitative

Association des deux

Sensibilité

68% (50-82)

71% (54-85)

90% (77-98)

Spécificité

42% (35-50)

83% (77-88)

38% (30-45)

Valeur prédictive d’un test positif

19% (12-26)

45% (32-59)

22% (15-30)

Valeur prédictive d’un test négatif

87% (78-93)

94% (89-97)

95% (88-99)

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que l’association d’une technique ultrasonique à l’anamnèse permet d’améliorer l’identification des femmes à haut risque d’ostéoporose. Des études complémentaires et une analyse coût/efficacité sont cependant nécessaires.

Financement

L’étude a été partiellement financée par le “Centre for Primary Health Care Studies” de l’Université de Warwick (E.U.).

Conflits d’intérêt

Non mentionnés.

Discussion


Ultrasonographie quantitative

Les techniques ultrasoniques ont l’avantage d’être réalisées à l’aide d’appareils peu encombrants, portables, relativement peu onéreux et n’induisant aucune radiation ionisante. Ces caractéristiques en feraient a priori un outil intéressant pour un usage en médecine générale. Il faut savoir que les appareils à ultrasons mesurent la vélocité d’une onde ultrasonique et son atténuation à travers une structure osseuse périphérique (calcanéum, tibia, rotule…). Le résultat obtenu dépend non seulement de la masse osseuse, mais également des propriétés mécaniques de l’os (micro-architecture, minéralisation, élasticité…). Il ne s’agit donc pas d’une technique de quantification du contenu minéral osseux. Parmi les faiblesses des techniques ultrasoniques, on retiendra un coefficient de variation élevé de l’ordre de 3 à 5%, l’absence de standardisation des appareils de mesure et l’absence de normes permettant de lier une valeur ultrasonique à un risque individuel de fracture. Les auteurs de cet article précisent d’ailleurs qu’il n’existe pas de valeur seuil reconnue et qu’ils ont opté arbitrairement et rétrospectivement pour leur évaluation un seuil correspondant à -1,7 déviation standard (T-score -1,7) dans leur évaluation.

Association d’une ultrasonographie quantitative et de l’anamnèse

Si la sensibilité du recueil des facteurs de risque cliniques (68%) et des résultats de l’examen ultrasonique (71%) est similaire, c’est surtout l’utilisation conjointe des deux méthodes qui s’avère ici intéressante. L’association d’une anamnèse orientée et d’un examen ultrasonique aurait ainsi permis de dépister dans cette population 90% des patientes ostéoporotiques.

On peut donc retenir que la mise en évidence d’une valeur ultrasonique correspondant à un T-score <-1,7 sur l’appareil Sahara est l’équivalent d’un facteur de risque d’ostéoporose. Les résultats présentés cadrent bien avec l’utilisation que l’on peut attendre des ultrasons à l’heure actuelle, à savoir un meilleur dépistage des patientes à risque d’ostéoporose. La mise en évidence d’une valeur basse lors d’un examen à ultrasons, avec un seuil différent pour chaque type d’appareil, justifie d’orienter la patiente vers un examen d’ostéodensitométrie par DXA.Seule cette dernière analyse permettra de préciser si le contenu minéral osseux correspond effectivement à une ostéoporose et c’est également sur base du résultat de la DXA que le praticien belge pourra solliciter le remboursement d’un traitement anti-résorbeur (alendronate, risédronate, raloxifène), dont l’efficacité est prouvée uniquement en cas de T-score inférieur à -2,5 2.

Pour l’avenir

Dans l’avenir, il est possible que des techniques ultrasoniques puissent être utilisées pour déterminer directement le risque de fracture, au même titre que la DXA aujourd’hui. Des travaux récents vont dans le sens de ce développement 3. Cette étude prospective d’observation de la population, EPIC-Norfolk, a analysé la prédiction du risque total de fracture et du risque de fracture de hanche chez l’homme et la femme par la mesure ultrasonique quantitative du calcanéum. Environ 15 000 hommes et femmes âgés de 42 à 82 ans ont été suivis durant 1 à 9 ans. Les résultats de cette étude ont montré que les hommes et les femmes situés dans les 10% inférieurs dans la distribution par la BUA (Broadband ultrasound attenuation) au niveau du calcanéum avaient un risque relatif de fracture de 4,44 (IC à 95% de 2,24 à 8,89, p<0,0001) en comparaison de ceux qui se trouvaient dans les 30% supérieurs de cette distribution. Une chute d’environ 1 ET dans la BUA (20dB/MHz) était associée à un risque relatif de fracture de 1,95 (IC à 95% de 1,50 à 2,52, p<0,0001) indépendamment du sexe, de l’âge, des habitudes tabagiques et d’un antécédent de fracture (analyse en modèle de régression de Cox).Les auteurs soulignent que des résultats d’études suggèrent que de petites modifications dans l’activité physique comme la marche ou l’absorption de vitamine D peuvent être associées à des différences de la santé de l’os ou du risque de fracture. Les auteurs concluent qu’une mesure ultrasonique du calcanéum, simple et sans effets indésirables, peut fortement prédire le risque total de fracture ainsi que le risque de fracture de hanche. Ils concluent cependant que la prédiction de fracture au moyen d’une échographie ne détermine qu’un seul critère parmi plusieurs nécessaires afin de pouvoir recommander des programmes de dépistage. Leurs résultats soulignent l’importance de l’état osseux dans la détermination du risque de fracture, mais ils font aussi ressortir le défi d’identifier des interventions pour améliorer l’état osseux dans la population. Avant de pouvoir généraliser l’utilisation des techniques échographiques, celles-ci doivent être standardisées, des seuils doivent être définis, correspondant étroitement avec une augmentation du risque de fracture et une technologie plus adéquate avec un coefficient de variation plus petit est nécessaire.

 

Conclusion

Cette étude montre que l’utilisation d’une mesure ultrasonique osseuse pourrait être utilisée en médecine générale pour améliorer le dépistage des patientes à risque d’ostéoporose (casefinding). Actuellement, l’ostéodensitométrie à rayons X reste la référence pour établir le diagnostic de l’ostéoporose. Le dépistage généralisé de l’ostéoporose n’est pas à recommander mais un case-finding des patients à haut risque est scientifiquement justifié 4. Les facteurs prédictifs d’un risque élevé sont principalement une ménopause précoce (<45 ans), une anamnèse familiale d’ostéoporose sévère, une précédente fracture non traumatique, un tabagisme, une vie sédentaire et la consommation de certains médicaments (tels que corticostéroïdes, anti-épileptiques et hormones thyroïdiennes) 4.

 

Références

  1. Kanis JA, Melton LJ, Christiansen C et al. The diagnosis of osteoporosis. J Bone Miner Res 1994;9:1137-41.
  2. Black DM, Thompson DE, Bauer DC et al, for the FIT Research Group. Fracture risk reduction with alendronate in women with osteoporosis: the Fracture Intervention Trial. J Clin Endocrinol Metab 2000;85:4118-24.
  3. Khaw KT, Reeve J, Luben R et al. Prediction of total and hip fracture risk in men and women by quantitative ultrasound of the calcaneus: EPIC-Norfolk prospective population study. Lancet 2004;363:197-202.
  4. Numéro à thème. Osteoporosis. Huisarts Nu (Minerva) 2001;30(2):64-93.
Dépistage de l'ostéoporose par ultrasons?

Auteurs

Boutsen Y.
Service de Rhumatologie, Cliniques Universitaires de Mont Godinne, Yvoir, UCL
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