Revue d'Evidence-Based Medicine



Les programmes de soins intégrés, multidisciplinaires, améliorent-ils la prise en charge du patient atteint de BPCO ?



Minerva 2014 Volume 13 Numéro 7 Page 88 - 89

Professions de santé


Analyse de
Kruis AL, Smidt N, Assendelft WJ, et al. Integrated disease management interventions for patients with chronic obstructive pulmonary disease. Cochrane Database Syst Rev 2013, Issue 10.


Question clinique
Quelle est l’efficacité d’une intervention thérapeutique intégrée (multidimensionnelle et multidisciplinaire) chez des patients souffrant de BPCO en termes de qualité de vie, de tolérance à l’effort et d’exacerbations ?



Contexte

La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), maladie complexe et progressive, avec des manifestations systémiques et diverses comorbidités, est responsable de traitements pharmacologiques aux coûts élevés, d’une perte de tolérance à l’exercice, d’une diminution de la qualité de vie, d’exacerbations plus ou moins fréquentes, d’hospitalisations et d’un risque accru de mortalité. Une prise en charge holistique comprenant une approche pharmacologique et non pharmacologique multidisciplinaire (réentraînement, éducation, autogestion) est de plus en plus conseillée (1) afin de réduire les symptômes, d’éviter la fragmentation des soins et de contenir les coûts.

 

Résumé

 

Méthodologie 

Synthèse méthodique avec méta-analyse

Sources consultées

  • bases de données : Cochrane Airways Group Register of trials, MEDLINE, EMBASE et CINAHL entre 1990 et avril 2012, sans restriction de langue.

Etudes sélectionnées

  • inclusion de 26 RCTs dont 2 avec randomisation par grappes, comparant la prise en charge intégrée (≥ 2 composantes), multidisciplinaires (≥ 2 professionnels de santé) et d’une durée > 3 mois versus contrôle
  • suivi de 3 à 24 mois dans les études.

Population étudiée

  • 2 997 patients atteints de BPCO (11 pays) inclus ; âge moyen de 68 ans, 68% d’hommes, VEMS moyen de 44% des valeurs prédites.

Mesure des résultats

  • critères de jugement primaires : score de qualité de vie (Saint Georges Respiratory Questionnaire (SGRQ), le questionnaire Chronic Respiratory Questionnaire (CRQ) ou autre score), tolérance à l’exercice (test de marche de 6 minutes ou capacité maximale à l’effort), les exacerbations (nombre de patients avec au moins une exacerbation à court et à long terme, nombre moyen d’exacerbations, hospitalisations)
  • critères de jugement secondaires : dyspnée, mortalité, fonction pulmonaire, anxiété et dépression.

Résultats

  • critères de jugement primaires :
    • voir tableau
    • analyses en sous-groupes (exploratoires) : pas de différence pour l’estimation de la qualité de vie et la tolérance à l’exercice selon le cadre des études (soins primaires ou secondaires) ; pincement des différences des moyennes entre le groupe contrôle et le groupe soins intégrés lorsque le groupe contrôle comprenait un traitement mono disciplinaire en plus des soins usuels ; versus études avec autogestion comme composante principale, amélioration plus significative sur la qualité de vie et la capacité d’exercice d’un entrainement physique
  • critères de jugement secondaires :
    • aucun effet indésirable n’est relevé
    • mortalité des patients similaire entre les deux groupes.

 

Tableau. Résultats pour les critères de jugement primaires pour un programme de soins intégrés (PSI) versus contrôle, exprimés en différence moyenne (DM) ou relative (OR, Rapport de cotes) (avec IC à 95%).

 

Critère

Efficacité absolue/relative (IC à 95%)

Nombre de sujets (Nombre d’études)

Niveau de preuve GRADE

SGRQ

DM -3,71 (-5,83 à -1,59)

1 425 (13)

élevé

Capacité fonctionnelle à l’effort

Test de marche de 6 minutes

DM 43,86 mètres (21,83 à 65,89)

838 (14)

modéré*

Nombre d’hospitalisations pour exacerbations

OR 0,68 (0,47 à 0,99)

1 470 (7)

élevé

Nombre de jours d’hospitalisation par patient

DM -3,78 (5,9 à -1,67)

741 (6)

élevé

* Hétérogénéité importante entre les résultats des études ; une analyse de sensibilité faite après retrait des études de faible qualité, ne montre plus qu’une amélioration moyenne de 15,15 mètres.

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que dans la population étudiée de patients avec BPCO, le programme de soins intégrés améliore la qualité de vie spécifique, la capacité d’exercice mais aussi réduit le taux des hospitalisations ainsi que la durée de celles-ci.

 

Financement de l’étude

Leiden University Medical Centre, Institute for Medical Technology Assessment Rotterdam, et « The Netherlands Organisation for Health Research and Development ».

 

Conflits d’intérêt des auteurs

6 auteurs sur 8 participent à l’essai RECODE ; un auteur impliqué dans une étude pharmaco-économique incluse dans cette synthèse ; un autre auteur impliqué dans des programmes éducatifs du domaine concerné ; le dernier auteur ne déclare aucun conflit.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Les risques de biais dans la réalisation de la synthèse méthodique ont été réduits par une définition à priori de l’intervention évaluée (soins intégrés dans le cadre de la BPCO) (2,3), une stratégie de recherche claire, tendant à l’exhaustivité et réalisée de manière indépendante par deux auteurs. Toute étude exclue a par ailleurs fait l’objet d’une troisième évaluation.

Globalement les auteurs jugent les études retenues de qualité méthodologique modérée à bonne selon les outils de détection de risque de biais utilisés par la Cochrane Collaboration.

Les niveaux de preuve sont évalués selon le système GRADE.

Les analyses ont été faites en modèle d’effets aléatoires. L’hétérogénéité évaluée par le test I2 a été investiguée par analyse de sous-groupes. Des analyses de sensibilité prévues a priori (sensitivity analysis) ont été effectuées pour les effecteurs primaires afin d’explorer les différences dans la taille des effets et la robustesse des conclusions. Les auteurs ne mentionnent pas de funnel plot réalisé à la recherche d’un éventuel biais de publication.

Trois études publiées en 2012 n’ont pas été incluses dans la revue systématique car non évaluées par les auteurs (4-6).

Mise en perspective des résultats

La prise en charge optimale des patients atteints de BPCO pose toujours question car contrairement à l’asthme, le traitement pharmacologique ne modifie pas l’évolution de la maladie. L’arrêt du tabac et l’oxygénothérapie sont les seules interventions qui peuvent modifier le pronostic de cette pathologie.

Les résultats de cette synthèse méthodique montrent un effet bénéfique des soins intégrés pour ces patients. L’efficacité à long terme reste cependant à déterminer car le suivi des études incorporées dans l’estimation des effets est limité à 12 mois, ce qui pour une pathologie chronique est trop court.

Cette étude complète les synthèses précédentes par la récolte d’études supplémentaires ce qui permet d’augmenter la puissance statistique et de quantifier les différents critères de jugement. Les autres différences avec les synthèses antérieures viennent des définitions plus ou moins variables du concept de soins intégrés et des durées de suivi exigées pour l’inclusion (7-9).

L’inclusion de 26 RCTs réalisées dans le monde entier et dans différents types de cadre de soins accroît la validité externe mais ceci au prix d’une hétérogénéité des prises en charge dans les bras contrôles. Les analyses en sous-groupes mettent en lumière que la différence de l’effet induit par le programme global des soins intégrés est plus faible quand, dans le bras contrôle, un des éléments repris dans ce programme est inclus en sus des soins usuels. Les bénéfices en termes de qualité de vie mesurés par le SGRQ se situent en dessous d’une différence de score jugée cliniquement pertinente. La distance supplémentaire parcourue au test de marche de 6 minutes n’est que de 15 mètres si l’on ne retient que les études de qualité satisfaisante ce qui est bien en-dessous de la pertinence clinique (35 mètres). Les auteurs calculent un NST de 15 (avec IC à 95% de 9 à 505) pour éviter une hospitalisation pour problèmes respiratoires. Ce chiffre doit être considéré comme purement indicatif car il repose sur la sommation pondérée des résultats d’études dans lesquelles les bras contrôles ne reçoivent pas exactement le même traitement. La durée des études va de 3 à 12 mois ce qui implique un niveau de risque constant dans le temps. Cette hypothèse est probablement trop forte pour une pathologie comme la BPCO. Enfin, l’amplitude de l’IC à 95% souligne l’imprécision de cette estimation.

Une autre limite reconnue par les auteurs est l’absence de publication du protocole de l’étude ce qui ne permet pas d’évaluer un éventuel biais de rapport sélectif des résultats. En effet, seuls 6 des 14 auteurs contactés ont pu fournir des données complémentaires.

 

Conclusion de Minerva

Cette méta-analyse montre qu’un programme de soins intégrés (multidimensionnel et multidisciplinaire) chez des patients souffrant de BPCO apporte une amélioration cliniquement pertinente de la qualité de vie avec une diminution du risque et de la durée d’hospitalisation. Au vu des nombreuses limites soulignées, cette synthèse méthodique n’apporte pas de preuves d’un haut niveau.

 

Pour la pratique

Le guide de pratique GOLD concernant la BPCO (10) n’aborde pas spécifiquement les programmes de soins intégrés pour la BPCO. Dans le guide de pratique de NICE (11), sur base d’opinions émises par des comités d’experts ou des autorités reconnues (GRADE D), des programmes de soins intégrés sont recommandés chez les patients souffrant de BPCO. La méta-analyse ici évaluée confirme l’intérêt d’une telle approche pour certains critères de jugement, sans apporter de niveau de preuves de haut niveau.

 

 

Références

  1. Nici L, ZuWallack R, American Thoracic Society Subcommittee on Integrated Care of the COPD Patient. An official American Thoracic Society workshop report: the Integrated Care of The COPD Patient Proc Am Thorac Soc 2012;9:9-18.
  2. Peytremann-Bridevaux I, Burnand B. Disease management: a proposal for a new definition. Int J Integr Care 2009;9:e16.
  3. Schrijvers G. Disease management: a proposal for a new definition. Int J Integr Care 2009;9:e06.
  4. Baumann HJ, Kluge S, Rummel K, et al. Low intensity, long-term outpatient rehabilitation in COPD: a randomized controlled trial. Respir Res 2012;13:86.
  5. Zwar NA, Hermiz O,Comino E, et al. Care of patients with a diagnosis of chronic obstructive pulmonary disease: a cluster randomized controlled trial. Med J Aust 2012;197:394-8.
  6. Fan VS, Gaziano JM, Lew R, et al. A comprehensive care management program to prevent chronic obstructive pulmonary disease hospitalizations: a randomized controlled trial. Ann Intern Med 2012;156:673-83.
  7. Lemmens KM, Nieboer AP, Huijsman R. A systematic review of integrated use of disease-management interventions in asthma and COPD. Respir Med 2009;103:670–91.
  8. Steuten LM, Lemmens KM, Nieboer AP, et al. Identifying potentially cost effective chronic care programs for people with COPD. Int J Chron Obstruct Pulm Dis 2009;4:87–100.
  9. Adams SG, Smith PK, Allan PF, et al. Systematic review of the chronic care model in chronic obstructive pulmonary disease prevention and management. Arch Intern Med 2007;167:551–61.
  10. GOLD. Global Strategy for Diagnosis Management and Prevention of COPD. January 2014.
  11. National Clinical Guideline Centre. (2010). Chronic obstructive pulmonary disease: management of chronic obstructive pulmonary disease in adults in primary and secondary care. London: National Clinical Guideline Centre. Available from: http://guidance.nice.org.uk/CG101/Guidance/pdf/English

 

Les programmes de soins intégrés, multidisciplinaires, améliorent-ils la prise en charge du patient atteint de BPCO ?



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