Revue d'Evidence-Based Medicine



Traitement de l'épicondylite



Minerva 2003 Volume 2 Numéro 3 Page 41 - 43

Professions de santé


Analyse de
Smidt N, van der Windt D, Assendelft W, et al. Corticosteroid injections, physiotherapy, or a wait-and-see policy for lateral epicondylitis: a randomised controlled trial. Lancet 2002;359:657-62.


Question clinique
Quelle est l’efficacité d’une temporisation par rapport à des infiltrations de corticoïdes ou à la physiothérapie dans le traitement de l’épicondylite ?


Conclusion
D’après cette étude, il semble que dans le traitement de l’épicondylite, à long terme (après 52 semaines), une temporisation ou la physiothérapie montrent un meilleur résultat que les infiltrations avec un corticostéroïde. Les infiltrations ont un effet bénéfique uniquement à court terme (après 6 semaines). Cette étude conforte donc le NHG-standaard qui préconise une temporisation avec, si nécessaire, des avis ergonomiques et des anti-douleurs.Une infiltration avec des corticoïdes ne sera faite qu’en cas de douleur prononcée et inconfort. Cette attitude sera toujours adoptée en concertation avec le patient.


 

Contexte

L’épicondylite ou tennis-elbow est une lésion de surcharge des tendons extenseurs rattachés à l’épicondyle humérale. L’incidence est évaluée de 4 à 7 pour 1000 patients par an. Annuellement, 1 à 3% de la population adulte pourrait présenter un épisode d’épicondylite. Un épisode dure de 6 et 24 mois et la plupart des patients sont rétablis dans l’année.

Des études comparant les effets de la physiothérapie, d’infiltrations de corticostéroïdes et d’un traitement avec des AINS ont été jusqu’à présent de faible valeur méthodologique et statistique. Par manque d’études et au vu de la bonne évolution de la maladie, une recommandation de temporisation s’accompagnant de conseils ergonomiques et d’administration d’antidouleurs a été émise par le Nederlandse Standaard 1. Cette étude examine l’efficacité des différentes approches thérapeutiques.

Population étudiée

Dans cette étude ont été inclus 185 adultes, âgés de 18 à 70 ans, avec un âge moyen de 40 ans, dont la moitié étaient des femmes. Ils avaient tous une douleur à la face externe du coude, augmentée à la pression locale et à la dorsiflexion forcée du poignet. Les patients qui avaient été traités dans les 6 mois précédents par physiothérapie et infiltrations de corticostéroïdes ont été exclus. Les autres critères d’exclusion étaient : symptômes du coude bilatéraux, symptomatologie inférieure à 6 semaines, signes indiquant une autre origine de douleur au coude (par exemple, une radiculopathie cervicale), malformation congénitale ou acquise du coude, dislocation du coude, déchirures tendineuses et fracture récente dans la région du coude, affections musculosquelettiques systémiques ou neurologiques et contre-indications aux corticostéroïdes. Chez 25 % des participants, la douleur était aiguë au départ et 32 % avaient des antécédents de douleur du coude. À l’inclusion, les épisodes douloureux duraient en moyenne 11 semaines (quartiles (P75 et P25) et décrit ainsi les limites entre lesquelles les 50% moyens des résultats sont situés.">IQR 8-21). Après randomisation, les valeurs de référence des critères de jugement sont équitablement réparties entre les 3 groupes. C’est ainsi que les patients ont évalué, au début de l’étude, l’intensité de leur douleur à 60 sur 100 et la perte de fonction à 45 sur 100.

Méthodologie de recherche

Dans cette étude randomisée, en double aveugle, contrôlée versus placebo, 259 patients qui consultent leur médecin généraliste pour une épicondylite sont dirigés vers un des 5 centres de recherche. Un physiothérapeute contrôle le fait que les patients correspondent aux critères de sélection. Finalement, 185 patients sont randomisés, après stratification pour la durée de la plainte et le centre de recherche. Un groupe (n = 59) est avisé d’attendre une amélioration spontanée. Pendant les 6 semaines de la recherche, ils consultent une fois leur médecin généraliste qui leur donne un avis ergonomique et une prescription d’anti-douleur (paracétamol ou AINS). Dans le deuxième groupe (n = 62), les patients reçoivent, pendant 6 semaines, au maximum 3 infiltrations locales avec 1 cc de triamcinolone 10 mg/cc avec 1 cc de lidocaïne 2%.

Le troisième groupe (n = 64) reçoit, pendant 6 semaines, 9 séances de traitements par ultrasons pulsés et des pétrissages profonds Ce groupe reçoit également un programme d’exercices avec étirement progressif des poignets et avant-bras ainsi que des exercices musculaires et pratiques. Le suivi s’est prolongé 3, 6, 12, 26 et 52 semaines après la randomisation.

Mesure des résultats

Un des résultats immédiats est une amélioration globale, d’après le patient. On parle de succès uniquement lorsque le patient présente une guérison ou une amélioration importante. D’autres résultats primaires sont l’intensité de la plainte principale, la douleur pendant la journée et l’inconfort. La fonctionnalité est appréciée en investiguant les situations provoquant des douleurs du coude. La gravité des plaintes est appréciée par un physiothérapeute. Les critères de jugement sont la force maximale à la préhension, la force déployée en cas de préhension nondouloureuse, la douleur provoquée par la pression sur le coude et la satisfaction du patient. Tous les résultats sont scorés.

Afin de mieux pouvoir comparer, ces échelles sont transformées en une échelle de 100 points. Il est demandé au patient de tenir un livre de bord pour les analgésiques utilisés, les médecins généralistes, les spécialistes et les physiothérapeutes consultés. Cette analyse est faite enintention de traiter doit être complétée par une imputation de ces résultats manquants dans les différents bras d’étude."> intention de traiter.

Résultats

6 semaines après randomisation, 92 % des patients du groupe avec infiltrations rapportent des résultats favorables pour 47 % du groupe avec physiothérapie et 32 % du groupe temporisation. Après 52 semaines, le résultat est très favorable chez 69 % des patients du groupe avec infiltrations, chez 91 % du groupe avec physiothérapie et chez 83 % avec temporisation. Tant pour les critères de jugement primaires que secondaires, on voit après 6 semaines, dans le groupe avec infiltration, significativement plus d’amélioration comparé au groupe temporisation et au groupe physiothérapie. Après 26 et 52 semaines, les résultats sont cependant significativement meilleurs dans le groupe avec physiothérapie que dans le groupe avec infiltration. Les différences avec le groupe temporisation n’étaient pas significatives. Des différences significatives n’ont pas été trouvées entre le groupe avec physiothérapie et le groupe temporisation. Pendant l’intervention, 34 % des participants du groupe temporisation utilisent des anti-douleurs, par rapport à 16 % seulement pour les groupes avec infiltration et physiothérapie. Pendant le suivi, 24 % des patients du groupe temporisation reçoivent un traitement complémentaire, 63 % dans le groupe infiltration et 81% dans le groupe physiothérapie. 47 % des participants rapportent des effets secondaires légers.

L’augmentation de la douleur après traitement et l’irradiation de la douleur surviennent le plus souvent après infiltration (resp. 16% et 27 %) et après physiothérapie (resp. 17% et 42 %).

Les auteurs concluent que les patients doivent être bien informés sur l’effet à court et à long terme des différents traitements pour l’épicondylite. Le bénéfice relatif de la physiothérapie par rapport à une temporisation est minime.

Conflits d’intérêt/financement

Cette étude a été financée par le «Nederlandse College van Zorgverzekeraars » et le «Nederlandse Instituut voor Wetenschappelijke Onderzoek ». Il n’y a pas de conflits d’intérêt mentionnés.

 

Discussion

Ce que nous pouvons affirmer c’est qu’une épicondylite est une affection autolimitante qui guérit après 6 à 24 mois (en moyenne, 9 à 12 mois) et qu’à l’heure actuelle, il n’existe aucune preuve scientifique qu’une méthode thérapeutique active raccourcisse la durée de l’affection. Au vu de ces données, le NHG-Standaard plaide également pour une attitude temporisatrice pour l’épicondylite. Les auteurs ont évalué dans cette étude, la valeur du standard au regard des nombreux traitements souvent pratiqués (infiltrations de corticostéroïdes et physiothérapie).

Méthodologie solide

Cette étude est méthodologiquement bien construite. Il y a une explication claire à cela. Les mêmes auteurs ont publié récemment une synthèse méthodique sur la nécessité d’injections de corticostéroïdes dans l’épicondylite 2, dans laquelle la qualité méthodologique limitée des différentes études leur est apparue. En se remémorant ces erreurs, ils ont laissé peu de place au hasard dans leur RCT. Le profil de la recherche est clair, le contexte de la recherche est la 1re ligne, la sélection et les procédures de randomisation sont rigoureuses. Dans le suivi, pas mal de patients ont encore utilisé des traitements supplémentaires, principalement dans le groupe kinésithérapie (66 % ont prolongé la kinésithérapie de quelques semaines ou ont poursuivi des exercices d’étirement) et dans le groupe avec corticoïdes (34 % ont encore reçu 1 ou plusieurs injections de corticostéroïdes). Les données de cette période de suivi rendent les groupes un peu moins homogènes, mais plaident ainsi encore plus pour une temporisation.

Résultats rapides ou durables ?

Les résultats de cette étude sont clairs. Si l’on opte pour un résultat rapide, malgré la possibilité de rechute, le traitement par infiltration de corticoïdes sera le premier choix. Si l’on souhaite un résultat plus lent mais durable, alors on choisira la kinésithérapie ou la temporisation (la différence pour le choix de la kinésithérapie n’étant pas significative). Ces résultats sont dans la ligne des attentes. Les données sont en concordance avec celles de précédentes recherches 2, 3. La temporisation (en fait, le groupe-contrôle) aurait encore pu présenter un meilleur résultat. Seuls les patients souffrant d’une épicondylite depuis au moins 6 semaines ont été inclus dans cette étude. Le premier grade de tendinites est donc moins bien représenté dans la population étudiée. De ce fait, le % de guérison est influencé négativement dans le groupe temporisation. Les chercheurs ont argumenté ce choix par le fait qu’un traitement actif d’une épicondylite ne devait être pris en considération qu’après 6 semaines.

Le rôle de la kinésithérapie

En approche orthopédique suivant la méthode Cyriax, les injections de corticostéroïdes n’occupent certainement pas la première place. Pour une épicondylite, la kinésithérapie est pratiquée en premier lieu : massages en oblique en profondeur, mais principalement du stretching (exercices d’étirement). Ces deux techniques ont également été utilisées parallèlement aux ultrasons. Le rôle des massages en oblique en profondeur est cependant limité ; pratiqués isolément, ils ne donnent que peu ou pas de résultats. Des massages en oblique en profondeur demandent aussi une technique correcte de la part du kinésithérapeute, sinon une douleur apparaît pendant et après le traitement. La plupart des effets secondaires observés dans toute cette étude, le sont également dans le groupe avec kinésithérapie (27 des 41 patients), sous la forme de douleur irradiant dans le bras et l’avant-bras.

L’avantage des exercices d’étirement consiste dans le fait que le patient peut les faire lui-même. On remarque également dans cette étude que les patients du groupe kinésithérapie continuent à les pratiquer, même après la période d’intervention de 6 semaines. Les valeurs thérapeutiques et préventives de cette méthode devraient être évaluées dans une recherche future.

Autres études

Cette étude a été reprise avec la synthèse méthodique des mêmes auteurs dans Clinical Evidence 4. Dans la synthèse méthodique, on est arrivé à la conclusion qu’à court terme, les infiltrations de corticostéroïdes amélioraient mieux les symptômes que le placebo et les infiltrations d’anesthésiants, les AINS oraux et la physiothérapie. À long terme, les infiltrations de corticoïdes ne présentent plus de bénéfice. Deux synthèses méthodiques ont démontré qu’à court terme, des AINS oraux et topiques peuvent contrôler la douleur. L’effet à long terme n’a pas encore été étudié. Il n’y a pas non plus de RCT comparant les AINS oraux avec les AINS topiques. Une étude avec un nombre limité de personnes suivies pendant 8 semaines a montré que les exercices donnaient un meilleur résultat qu’un traitement par ultrasons.

 

Recommandations pour la pratique

D’après cette étude, il semble que dans le traitement de l’épicondylite, à long terme (après 52 semaines), une temporisation ou la physiothérapie montrent un meilleur résultat que les infiltrations avec un corticostéroïde. Les infiltrations ont un effet bénéfique uniquement à court terme (après 6 semaines).

Cette étude conforte donc le NHG-standaard qui préconise une temporisation avec, si nécessaire, des avis ergonomiques et des anti-douleurs.Une infiltration avec des corticoïdes ne sera faite qu’en cas de douleur prononcée et inconfort 1. Cette attitude sera toujours adoptée en concertation avec le patient.

La rédaction

 

Références

  1. Assendelft WJJ, Rikken SAJJ, Mel M, et al. NHG-Standaard Epicondylitis. Huisarts Wet 1997;40:216.
  2. Smidt N, Assendelft W, van der Windt D, et al. Corticosteroid injections for lateral epicondylitis: a systematic review. Pain 2002;96:23-40.
  3. Hay E, Paterson S, Lewis M, et al. Pragmatic randomised controlled trial of local corticosteroid injections and naproxen for treatment of lateral epicondylitis of elbow in primary care. BMJ 1999;319:964-8.
  4. Assendelft W, Green S, Buchbinder R, et al. Tennis elbow (lateral epicondylitis). Clin Evid 2002;8:1290-300.  
 
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