Revue d'Evidence-Based Medicine



Cet enfant a-t-il une appendicite ?



Minerva 2013 Volume 12 Numéro 5 Page 60 - 61

Professions de santé


Analyse de
Kulik DM, Uleryk EM, Maguire JL. Does this child have appendicitis? A systematic review of clinical prediction rules for children with acute abdominal pain. J Clin Epidemiol 2013;66:95-104.


Question clinique
Quelle est la performance des scores cliniques disponibles pour le diagnostic d'une appendicite chez les enfants souffrant de douleurs abdominales aiguës ?


Conclusion
Cette synthèse ne permet pas d'identifier un score clinique prédictif suffisamment performant et validé pour le diagnostic de l'appendicite aigüe chez l'enfant, notamment en première ligne de soins.


 

 

Texte sous la responsabilité de la rédaction francophone


 

Contexte

L'appendicite aiguë est une affection fréquente avec un risque d'incidence au cours d’une vie de 7 à 9% (1) et un pic d'incidence durant la seconde décade (2). La morbidité de cette affection chez l'enfant est haute avec des taux de perforation évalués entre 12,5 et 30% en-dessous de 18 ans (3) et jusqu'à 74% pour les enfants de moins de 5 ans (4). Le diagnostic de l'appendicite reste un défi et l'apport de l’imagerie dans ce domaine reste partiel, à plus forte raison en première ligne. Dans ce contexte, un moyen de diagnostic rapide et non-invasif de l'appendicite chez l'enfant, à l'instar d'un score clinique prédictif (SCP), serait le bienvenu.

 

Résumé

Méthodologie

Synthèse méthodique, sans méta-analyse

Sources consultées

  • bases de données : MEDLINE et EMBASE (de 1950 à 2012)
  • listes de références des articles identifiés
  • pas de restriction de langue.

Études sélectionnées

  • critères d’inclusion : études prospectives ou rétrospectives évaluant un SCP de l'appendicite dans des situations de douleurs abdominales aiguës (< 1 semaine) chez des patients de 0 à 18 ans, ou sans restriction d'âge si analyse séparée pour les enfants ; études de dérivation ou de validation d’un SCP, ou d’évaluation de son impact ; un SCP est un outil de prise de décision clinique incluant au moins 3 variables prédictives (obtenues par l'anamnèse, l'examen clinique ou par des tests diagnostiques simples), donnant la probabilité d’un résultat ou suggérant une ligne d’action diagnostique ou thérapeutique chez un individu particulier, et n’est ni une analyse de décision ni un guide de pratique
  • critères d’exclusion : non mentionnés
  • parmi 369 publications identifiées, sélection de 12 études (5 de dérivation et 7 de validation), analysant 6 SCP différents.

Population étudiée

  • 4 201 enfants, d'âge variable selon les études, avec suspicion d'appendicite, moyenne de 192 par étude (écarts de 70 à 1 170)
  • SCP déterminés en milieu hospitalier, en service d’urgences pour 11 études
  • fréquence des appendicites lors de l’intervention chirurgicale : de 14% à 80% selon les études.
  • scores évalués : Migration, Anorexia, Nausea/vomiting, Tenderness in the right lower quadrant, Rebound pain, Elevation in temperature, Leukocytosis >103/mcl (neutrophils >75%), Shift to the left (MANTRELS/Alvarado Score), Modified Alvarado Score (- neutrophilia), Pediatric Appendicitis Score (PAS, - rebound tenderness, + cough/percussion/hopping tenderness), et 3 autres SCP.

  

Mesure des résultats

  • évaluation de la qualité méthodologique des études selon une grille comprenant 17 items
  • évaluation de la performance d’un SCP (sensibilité, spécificité et rapport de vraisemblance négatif permet d’estimer dans quelle mesure une maladie chez un patient est moins plausible après un résultat de test négatif. C’est la relation entre la probabilité d’un test négatif chez les malades et chez les non-malades. LR- = (1 – sensibilité) / spécificité. Ce nombre est plus petit que 1. Un test diagnostique informe d’autant plus que le LR- se rapproche de 0.">rapport de vraisemblance négatif (RVN) avec IC à 95%) avec des seuils de performance selon les chiffres de sensibilité (>95%) et de RVN <0,1
  • hiérarchie de la validation d’un SCP suivant sa simple dérivation (niveau 4, le plus faible), sa validation dans 1 échantillon (niveau 3), sa validation dans plusieurs contextes (niveau 2), l’évaluation d’un impact favorable de son utilisation (niveau 1).

Résultats

  • qualité des études : grande variabilité, entre 4 et 16 des 17 critères de qualité rencontrés ; meilleure qualité des études de validation et dans les études publiées dans les 5 dernières années
  • validation d’un SPC : scores de PAS et d’Alvarado de niveau 2 ; autres SPC de niveau 4
  • performance des SPC : sensibilité de 65 % à 99 % et RVN de 0 à 0,344 ; seules 3 études de dérivation et 1 étude de validation (avec le score PAS) atteignent un des deux seuils de performance (sensibilité >95 % et RVN <0,1), mais aucune n’atteint les deux.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que les scores cliniques prédictifs « PAS » et « Alvarado » sont les scores les mieux validés mais qu'ils ne rencontrent pas les seuils de performance habituellement admis. Un score clinique prédictif (SCP) de haute qualité, bien validé et performant de façon concordante n'a pas été identifié. D'autres études sont nécessaires avant qu'un SPC ne puisse être utilisé en routine chez les enfants suspects d'appendicite.

Financement

Non mentionné

Conflits d’intérêt

Non mentionné.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Les auteurs ont suivi une méthodologie rigoureuse en suivant, entre autres, un canevas d'analyse des SCP en pédiatrie, canevas proposé dans une publication récente de Maguire (5). Il n'y a pas de terme Mesh spécifique pour ces SPC et la stratégie de recherche de Maguire a dû être utilisée. L'hétérogénéité des études, notamment en termes d'âge des enfants et des variables prédictives évaluées, n'a pas permis de réaliser une méta-analyse. Les auteurs soulignent le manque de puissance de certaines études, l’absence de fiabilité, de reproductibilité et/ou de définition précise de certains facteurs prédictifs, un non respect de l’insu pour l’évaluation du facteur prédictif ou du résultat, un manque de mention de certains résultats.

Aussi, il n'existe pas d’examen de référence universellement admis pour le diagnostic de l'appendicite pré-opératoire auquel comparer l'approche par SCP, même si l’échographie (sensibilité et spécificité d’environ 80%) et plus encore le scanner (sensibilité et spécificité d’environ 90%) peuvent fortement contribuer au diagnostic (6). Un scanner à faible irradiation semble aussi performant (7). Le critère diagnostique formel est histologique (post)opératoire.

Ces scores sont déterminés/validés en milieu hospitalier (examen biologique pour 5 sur 6).

Interprétation et mise en perspective des résultats

Les populations d’enfants incluses dans les différentes études sont variables. Il s’agissait tantôt de « tous les enfants se présentant aux urgences avec des douleurs abdominales aiguës », tantôt des « enfants référés par le médecin généraliste avec suspicion d'appendicite », soit des enfants subissant une appendicectomie (6 études sur 12). Dans ce dernier cas, il s’agit d’une population fictive en ce sens qu’elle n’est pas une population rencontrée dans une démarche clinique.   

La variation de fréquence d’appendicite selon les études (de 14 à 80%) est probablement liée à ces populations d’étude différentes mais peut-être aussi à des différences d'âge des enfants, de saison ou de région géographique pour l'étude. Un test est plus performant si la prévalence est plus forte.

Les auteurs proposent davantage de rigueur dans les futures études : prendre en compte les enfants non hospitalisés par les services d’urgence, avec suivi de ceux-ci, et pas uniquement les enfants appendicectomisés. Rappelons qu'en cas d'appendicite aiguë non compliquée, si une appendicectomie est universellement recommandée comme traitement de premier choix, la question d'une attitude conservatrice avec antibiothérapie se pose (8). Ils proposent aussi d’inclure tous les enfants (0 à 18 ans) avec suspicion d’appendicite depuis moins d’une semaine et avec étude sur un an.

Soulignons aussi que les deux SCP les mieux validés (PAS et Alvarado) comprennent un examen biologique (leucocytose/neutrophilie), ce qui pourrait handicaper leurs mise en pratique en première ligne. Le SCP évalué par Kharbanda (9), SPC de dérivation uniquement (niveau 4 de validation des auteurs, donc le plus faible) repose sur les critères suivants : douleur migrant vers la fosse iliaque droite, nausées/vomissements, douleur à la pression du quadrant droit inférieur, douleur au rebond, neutrophilie (≥6,75 x 103/mcl), douleur à la toux/percussion/saut, incapacité de marcher. C’est le test le plus performant, déterminé dans une étude de bonne qualité méthodologique. Il devrait être validé dans d’autres études.

Suivant les résultats de cette synthèse rigoureuse, l’utilisation des ces SCP semble avant tout avoir le mérite d'entretenir les compétences cliniques des médecins et de renforcer leurs aptitudes à l’estimation d’un risque. Du point de vue du médecin généraliste, la recherche d'un SCP performant pour un « abdomen aigu chirurgical », quel qu’en soit la cause, serait peut-être tout aussi pertinente.

Si le test évalué en dérivation par Kharbanda et les tests évalués en validation (Alvarado et PAS) semblent performants, aucun des SCP évalués n’a bénéficié d’une étude d’impact en termes d'éventuels bénéfices pour le patient et/ou la société (niveau 1 des auteurs). Ce constat invite à la prudence quant à l’utilisation de ces SCP en routine.

 

Conclusion de Minerva

Cette synthèse ne permet pas d'identifier un score clinique prédictif suffisamment performant et validé pour le diagnostic de l'appendicite aigüe chez l'enfant, notamment en première ligne de soins.

 

Pour la pratique

Un guide étatsunien de bonne qualité (10) mentionne qu’une stratification du risque de présence d’une appendicite peut être faite suivant la clinique (signes et symptômes) en vue d’orienter vers d’autres examens ou non et vers un traitement ou non (Niveau de Recommandation B, Niveau de Preuve 2 (= études diagnostiques d’observations rétrospectives)). Chez les enfants suspects de présenter une appendicite, une échographie positive permet de confirmer une appendicite, négative ne permet pas de l’exclure. Un CT scan, avec irradiation liée, permet d’exclure ou de confirmer une appendicite (NR B , NP 2).

Cette synthèse n’incite pas à modifier les recommandations actuelles mais invite à valider des Scores Cliniques Prédictifs en médecine générale, entre autres pour le diagnostic de l’appendicite.

 

 

Références

  1. Henderson J, Goldacre MJ, Fairweather JM, Marcovitch H. Conditions accounting for substantial time spent in hospital in children aged 1-14 years. Arch Dis Child 1992;67:83-6.
  2. Körner H, Söndenaa K, Söreide JA, et al. Incidence of acute nonperforated and perforated appendicitis: age-specific and sex-specific analysis. World J Surg 1997;21:313-7.
  3. Gadomski A, Jenkins P. Ruptured appendicitis among children as an indicator of access to care. Health Serv Res 2001;36:129–42.
  4. Nance ML, Adamson WT, Hedrick HL. Appendicitis in the young child: a continuing diagnostic challenge. Pediatr Emerg Care 200016:160-2.
  5. Maguire JL, Kulik DM, Laupacis A, et al. Clinical prediction rules for children: a systematic review. Pediatrics 2011;128:e666-77.
  6. Imagerie des appendicites ; mettre en balance les performances diagnostiques et les risques propres à chaque technique. Rev Prescr 2011;31:757-60.
  7. Kim K, Kim YH, Kim SY, et al. Low-dose abdominal CT for evaluating suspected appendicitis. N Engl J Med 2012;366:1596-605.
  8. Chevalier P. Appendicite aiguë : antibiothérapie ou chirurgie ? MinervaF 2012;11(8):93-4.
  9. Kharbanda AB, Taylor GA, Fishman SJ, Bachur RG. A clinical decision rule to identify children at low risk for appendicitis. Pediatrics 2005;116:709-16.
  10. Howell JM, Eddy OL, Lukens TW, et al; American College of Emergency Physicians. Clinical policy: Critical issues in the evaluation and management of emergency department patients with suspected appendicitis. Ann Emerg Med 2010;55:71-116.
Cet enfant a-t-il une appendicite ?



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