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Minerva étant une revue d'Evidence-Based Medicine promeut la diffusion d'une information scientifique indépendante et apporte une analyse critique des publications pertinentes dans la littérature internationale.


Sommaire mai 2024


La thérapie cognitivo-comportementale avec ou sans exercice est-elle efficace contre la peur de tomber ?

Page 69 - page 73 

Stas P.  

Cette synthèse méthodique avec méta-analyse, qui a été correctement menée d’un point de vue méthodologique, ayant inclus des RCTs menées en ouvert, dans lesquelles l’évaluation de l’effet n’a pas été effectuée en aveugle ou dont l’insu est indéterminé, montre que la thérapie cognitivo-comportementale (TCC), associée ou non à de l’exercice, réduit, dans une mesure limitée, la peur de tomber chez les personnes âgées vivant à domicile. L’effet se maintient toutefois plus de 6 mois après l’intervention. On n’a observé ni diminution ni augmentation du nombre de chutes ou du nombre de personnes faisant une chute. Ces résultats appuient le recours à la TCC dans le cadre d’une approche multidisciplinaire de prévention des chutes.


Efficacité de la télérevalidation chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque

Page 74 - page 77 

Uvin K.  

Cette synthèse méthodique avec méta-analyse d’études contrôlées randomisées montre que la télérevalidation chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque, par comparaison avec la prise en charge standard, est favorable pour la VO2 max, la fréquence cardiaque au repos, le test de marche de 6 minutes, la qualité de vie et le risque de réhospitalisation. Il ne semble y avoir aucune valeur ajoutée de la télérevalidation par rapport à la revalidation cardiaque supervisée classique, mais cette conclusion repose sur un nombre limité d’études. Dans l’ensemble, la synthèse méthodique et les études incluses sont de bonne qualité méthodologique. Toutefois, un biais de publication ne peut être exclu. En raison d’une importante hétérogénéité clinique entre les études, en termes de population étudiée, d’interventions et de critères de jugement, la méta-analyse ne permet pas de tirer de conclusions concrètes.


Prévenir le déclin cognitif chez les personnes âgées atteintes d’un trouble auditif ?

Page 78 - page 81 

Vandenborre D.  

Cette RCT multicentrique menée en ouvert montre que, par comparaison avec une éducation à la santé, une aide auditive associée à une technologie d’assistance ne montre pas d’efficacité supplémentaire après trois ans sur les fonctions cognitives des personnes âgées présentant une perte auditive. L’intervention s’est avérée utile dans un sous-groupe présentant davantage de facteurs de risque de déclin cognitif. Il serait utile d’étudier plus en détail ces résultats sur un échantillon plus large avec des critères de jugement pertinents.


Des antibiotiques topiques en cas de conjonctivite bactérienne aiguë ?

Page 82 - page 85 

De Sutter A.  

Cette mise à jour d’une revue systématique de la Cochrane avec méta-analyse montre que le traitement antibiotique topique de la conjonctivite bactérienne augmente légèrement les chances de guérison clinique et microbiologique. Les taux de guérison élevés avec le placebo confirment également le caractère spontanément résolutif de l’affection. La décision s’appuie sur des études présentant de possibles lacunes méthodologiques, ce qui fait que la certitude des preuves est modérée. Les deux seules études menées en médecine générale ne montrent aucun bénéfice statistiquement significatif de l'acide fusidique et du chloramphénicol topiques. Il n’existe pas non plus de preuves concluantes montrant que les quinolones seraient plus efficaces que les autres antibiotiques. Il n’est donc pas nécessaire de modifier les guides de pratique clinique : l’attentisme reste la première approche. Mais si l’on opte pour un antibiotique, on évitera les quinolones.


Efficacité de la thérapie cognitivo-fonctionnelle, avec ou sans biofeedback des mouvements, dans les lombalgies chroniques

Page 85 - page 90 

Simons E.  

Cette étude randomisée contrôlée multicentrique montre que chez des patients présentant une lombalgie chronique invalidante la thérapie cognitivo-fonctionnelle, avec ou sans biofeedback, est plus efficace que la prise en charge classique, dans la douleur et la limitation des activités, jusqu’à un an après l’intervention. Elle n’a pas montré de plus-value de l’adjonction du biofeedback via des capteurs à la thérapie cognitivo-fonctionnelle. Les nombreux conflits d’intérêt des auteurs, l’importante hétérogénéité du groupe témoin, une confiance initiale plus élevée dans le traitement parmi les participants des groupes intervention et un éventuel biais dû à des réponses socialement souhaitables pour le critère de jugement peuvent avoir influencé les résultats.


Prise en charge de la fragilité cognitive : une méta-analyse en réseau d’études randomisées


17 04 2024 

Dequiedt C.  

Cette revue méthodique avec méta-analyse en réseau étudiant l’efficacité d’interventions non pharmacologiques dans la prise en charge de la fragilité cognitive (entité clinique hétérogène combinant fragilité physique et déclin cognitif sans démence) montre que pratiquer de manière collective des exercices à composantes multiples semble être le plus bénéfique en termes de fonctions cognitives et d’état de fragilité et qu’une intervention nutritionnelle semble la plus efficace chez les patients hospitalisés. Les exercices aérobies et la double tâche sont également efficaces en termes de fragilité cognitive. Aucun élément ne montre un risque majoré en termes de sécurité. Cette étude présente plusieurs limitations appelant à la prudence quant à l’extrapolation de ses résultats (hétérogénéité importante entre les études, faible niveau de preuves de celle-ci et caractéristiques de la population étudiée).


Existe-t-il un intérêt à réaliser une thérapie manuelle ciblée sur un niveau vertébral spécifique en cas de lombalgie non spécifique ?


17 04 2024 

Saubry MI.  

Cette revue de la littérature avec méta-analyse, correctement menée sur le plan méthodologique, ne montre pas de bénéfice sur la douleur ou les capacités fonctionnelles ou d'effets indésirables de la thérapie manuelle ciblée ou non sur le niveau vertébral le plus symptomatique chez des patients atteints de lombalgie non spécifique avec ou sans irradiation dans le membre inférieur.


Absence de signaux d’alerte pour prédire le type de fracture en cas de lombalgies aiguës


17 04 2024 

Sculier J.P.  

Cette synthèse méthodique de la Cochrane montre que quelques signaux d’alarme sont prometteurs. En soins primaires, « âge avancé » est informatif pour « fracture vertébrale non précisée » et « traumatisme » et « utilisation de corticostéroïdes » sont tous deux informatifs pour « fracture vertébrale non précisée » et « fracture vertébrale ostéoporotique ». En soins secondaires, « âge avancé » est informatif pour une « fracture vertébrale ostéoporotique » et « traumatisme » est informatif pour une « fracture vertébrale non précisée ». En soins tertiaires, la « présence d'une contusion/abrasion » est informative pour une « fracture vertébrale par compression ». Les combinaisons de signaux d'alarme sont également informatives et pourraient être plus utiles pour aider les cliniciens à prendre des décisions que les tests individuels seuls. Pour Minerva, par manque de données ad hoc dans la littérature, cette revue de la Cochrane ne change pas la pratique et doit inciter à plus de recherche.


Un programme d’exercices intensifs ou légers pour soulager l’arthrose du genou ?


17 04 2024 

Rombouts J.J., De Jonghe M.  

Cette étude randomisée contrôlée de supériorité réalisée en Norvège et en Suède, en soins ambulatoires, de bonne qualité méthodologique malgré quelques limites, n’apporte pas d’arguments en faveur de la supériorité d’un programme d’exercices intensifs sur un programme plus léger en termes de diminution de la douleur ou de récupération des capacités fonctionnelles chez des patients présentant une arthrose du genou douloureuse depuis au moins 3 mois et limitant leurs fonctions. Toutefois, les résultats montrent une amélioration significative des capacités sportives et des activités de loisir, mais ce n’est qu’un domaine d’un score plus global, et l’effet attendu serait au mieux léger.


Bénéfices de la prise en charge logopédique chez les personnes nées avec une fente labio-palatine ?


17 04 2024 

Tonon C.  

Cette revue systématique avec méta-analyse conclut à une amélioration de la parole chez 75% des individus atteints de fente labiale et/ou palatine suite à la prise en charge logopédique. Cette revue systématique présente toutefois plusieurs limites, notamment une hétérogénéité significative entre les études, de petites tailles d'échantillons, une faible rigueur méthodologique des études incluses et la prédominance d'un risque de biais modéré à sérieux selon les études. Les résultats doivent donc être interprétés avec prudence. De futurs essais cliniques avec une taille d’échantillon plus importante et une meilleure qualité méthodologique sont nécessaires.



La thérapie cognitivo-comportementale avec ou sans exercice est-elle efficace contre la peur de tomber ?

Contexte

Minerva a déjà publié des commentaires traitant de plusieurs études portant sur l’effet de diverses interventions de prévention des chutes chez les personnes âgées (1-14). Nous y mettions alors l’accent principalement sur le nombre de chutes et sur le nombre de personnes qui chutent. Mais outre ces critères d’évaluation objectifs, la peur de tomber, chez les personnes âgées, peut être associée à une restriction volontaire des activités. La crainte constante de faire une chute ne dépend pas du risque objectif de tomber (15,16). Une méta-analyse récente chez les personnes âgées a montré que la peur de tomber concerne 28 à 34% d’entre elles (17). De plus, cette peur peut s’accroître avec l’âge (18) et avec le nombre de chutes (19). La peur peut avoir un effet légèrement protecteur en augmentant la prudence (20), mais, si elle est sévère, la peur de tomber peut être associée à divers comportements inadaptés, tels que la restriction volontaire des activités (21), une réduction de la participation sociale (22) et une diminution de la qualité de vie (23). L’efficacité de la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) a déjà été étudiée et constatée dans divers troubles psychologiques (24). Un effet positif sur la peur de tomber a également été montré dans une précédente synthèse méthodique (25). 

 

 

Résumé

 

Méthodologie

 

Synthèse méthodique et méta-analyse (26).

 

Sources consultées 

  • CENTRAL, MEDLINE Ovid, Embase Ovid, CINAHL Plus, PsycINFO, AME ; jusqu’au 11 janvier 2023
  • la plate-forme internationale d’enregistrement des essais cliniques de l’Organisation mondiale de la santé et ClinicalTrials.gov ; jusqu’au 11 janvier 2023 
  • les listes de références des études incluses et les rapports de congrès de l’International Conference on Fall Prevention and Protection 2010-2022
  • la collecte des études publiées et non publiées auprès des experts
  • pas de restriction quant au statut de publication
  • uniquement des publications en anglais et en allemand.

 

Études sélectionnées 

  • critères d’inclusion : études randomisées contrôlées (RCT), quasi-RCT et RCT en grappes qui comparaient la thérapie cognitivo-comportementale (TCC), avec ou sans exercice, à une intervention placebo ou à la prise en charge habituelle pour réduire la peur de tomber chez des personnes âgées vivant à domicile (≥ 60 ans) 
  • critères d’exclusion : études menées auprès de populations ayant des affections cliniques spécifiques (telles que AVC, maladie de Parkinson, ostéoporose ou sclérose en plaques) ou une démence modérée ou sévère (score au test de Folstein (MMSE) : 0-20)
  • finalement, inclusion de 12 études, dont 11 ont été incluses dans la méta-analyse ; 8 RCTs et 4 RCTs en grappes ; menées aux États-Unis (N = 5), en Allemagne (N = 2), aux Pays-Bas (N = 2), en Suède (N = 1), à Taïwan (N = 1), au Royaume-Uni (N = 1) 
  • les études comparaient la TCC (N = 3 ; n = 831) ou la TCC + exercice (N = 11 ; n = 3 088) à la prise en charge habituelle (N = 8, n = 2631) ou à une intervention placebo telle qu’un groupe de discussion (N = 2, n = 664), une éducation nutritionnelle (N = 1, n = 166) et une éducation sur la prévention des chutes (N = 1, n = 42) 
  • toutes les interventions étaient sous supervision, individuelles (N = 5) ou en groupe (5 à 15 participants par groupe) (N = 7)
  • les interventions variaient quant au temps de contact (6 à 156 heures), à l’intensité (de trois fois par semaine à une fois par mois) et à la durée (de 8 à 48 semaines). 

 

Population étudiée 

  • 3197 participants (de 42 à 540 par étude), dont 1653 dans un groupe d’intervention et 1544 dans un groupe témoin ; selon l’étude, il y avait 43,6 à 89,6% de femmes, et l’âge moyen était de 73 à 83 ans ; le pourcentage moyen de chutes (nombre de participants ayant fait au moins une chute au cours des 6-12 mois précédents) était, au départ, de 44,4% (de 17,8% à 64,3%).

 

Mesure des résultats 

  • principal critère de jugement : peur de tomber immédiatement après l’intervention (dans le mois qui suit la fin de l’intervention), jusqu’à 6 mois après l’intervention (maintien de l’effet à court terme) et jusqu’à plus de 6 mois après l’intervention (maintien de l’effet à long terme), mesurée à l’aide d’un questionnaire comportant un ou plusieurs items évaluant la confiance dans l’exécution de certaines activités sans tomber (équilibre) et la peur de tomber lors de certaines activités
  • critères de jugement secondaires :
    • restriction volontaire des activités
    • nombre de chutes ou nombre de personnes faisant une chute
    • dépression 
    • angoisse
    • effets indésirables (tels que développement de nouveaux symptômes, détresse, symptômes émotionnels)
    • qualité de vie
    • charge du traitement (coût, temps du praticien et du participant) et observance du traitement 
  • méta-analyse à effets aléatoires avec des résultats exprimés en différence moyenne (standardisée) pour les critères de jugement continus et en risque relatif pour les critères de jugement dichotomiques
  • analyses de sous-groupes selon la tranche d’âge (< 75 ans versus ≥ 75 ans), le type de groupe témoin (placebo versus prise en charge habituelle), TCC versus TCC + exercice, le programme « A Matter of Balance » (AMB) (intervention spécifique) versus autres interventions, intervention en groupe versus intervention individuelle.

 

Résultats 

  • résultats du principal critère de jugement (voir tableau) : il y avait une diminution statistiquement significative de la peur de tomber avec la TCC, avec ou sans exercice, par comparaison avec le groupe témoin, immédiatement après l’intervention (N = 11, n = 2357), à court terme (jusqu’à 6 mois ; N = 8, n = 1784) et à long terme (après 6 mois ; N = 5, n = 1185)

 

 

 

Totalité des groupes d’intervention

TCC sans exercice

TCC avec exercice

Immédiatement après l’intervention

N = 11, n = 2357

DMS -0,23

IC à 95% de -0,36 à -0,11

I² = 48%

GRADE niveau de preuve modéré

N = 3, n = 472

DMS -0,31

IC à 95% de -0,56 à -0,05

I² = 25%

 

N = 10, n = 1885

DMS -0,22

IC à 95% de -0,36 à -0,07

I² = 53%

À court terme (jusqu’à 6 mois)

N = 8, n = 1784

DMS -0,24

IC à 95% de -0,41 à -0,07

I² = 63%

GRADE faible niveau de preuve

N = 2, n = 404

DMS -0,27

IC à 95% de -0,47 à -0,07

I² = 0%

N = 7, n = 1 80

DMS -0,24

IC à 95% de -0,46 à -0,02

I² = 72%

À long terme (après 6 mois)

N = 5, n = 1185

DMS -0,28

IC à 95% de -0,40 à -0,15

I² = 14

GRADE niveau de preuve modéré

N = 1, n = 314

DMS -0,38

IC à 95% de -0,60 à -0,15

N = 4, n = 871

DMS -0,24

IC à 95% de -0,39 à -0,08

I² = 19%


    

  • résultats des critères de jugement secondaires :
    • restriction volontaire des activités (N = 1, n = 312) : amélioration statistiquement significative avec la TCC (sans exercice), par comparaison avec la prise en charge habituelle (différence moyenne de -2,57 avec IC à 95% de -4,67 à -0,47 ; faible niveau de preuve)
    • nombre de chutes ou nombre de personnes faisant une chute (formant 1 critère de jugement) : pas d’amélioration avec la TCC sans exercice ni avec la TCC avec exercice, par comparaison avec le groupe témoin
    • dépression : amélioration statistiquement significative avec la TCC (sans exercice (N = 1, n = 314 ; différence moyenne de -1,26 avec IC à 95% de -1,96 à -0,56), mais pas avec la TCC avec exercice
    • peur : pas d’amélioration avec la TCC sans exercice
    • effets indésirables : aucune donnée disponible
    • qualité de vie : pas d’amélioration avec la TCC, avec ou sans exercice
    • coût du traitement : aucune donnée disponible.

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que la thérapie cognitivo-comportementale (TCC), avec ou sans exercice, réduit probablement la peur de tomber immédiatement après l’intervention chez les personnes âgées vivant à domicile (niveau de preuve modéré). Les améliorations peuvent se maintenir jusqu’à six mois (faible niveau de preuve) et probablement aussi au-delà de six mois (niveau de preuve modéré) après l’intervention. D’autres études sont nécessaires pour accroître la force des preuves du maintien de l’effet jusqu’à six mois. Concernant les critères de jugement secondaires, nous ne savons pas si la TCC de la peur de tomber réduit l’incidence des chutes (très faible niveau de preuve). La TCC de la peur de tomber peut néanmoins réduire le degré de restriction volontaire des activités et le degré de dépression (faible niveau de preuve). Aucune étude n’a rapporté d’effets indésirables. De nouvelles études pourraient examiner différentes populations (par exemple, les résidents de maisons de repos ou les personnes qui ont des comorbidités), des interventions ayant différentes caractéristiques (telles que la durée) ou différents groupes témoins (comme la TCC par comparaison avec l’exercice), ou ajouter des critères de jugement (tels qu’une analyse de la marche). De nouvelles synthèses méthodiques devraient pouvoir rechercher des critères de jugement secondaires spécifiques.

 

Financement de l’étude

Financement par le Groupe de travail « Old Age Psychiatry and Psychotherapy », University Hospital of Psychiatry (Bern, Suisse), University of Bern, Graduate School for Health Sciences, AGAPLESION Bethesda Clinic Ulm (Ulm, Allemagne), Institute for Evidence in Medicine, Medical Center - University of Freiburg (Freiburg, Allemagne) et Geriatric Research Institute, University of Ulm (Ulm, Allemagne).

 

Conflits d’intérêt des auteurs

Deux auteurs ont reçu, durant la synthèse, un financement de Age Stifung pour le développement d’une intervention de TCC visant à réduire la peur de tomber chez les résidents de maisons de repos et de soins ; cette étude ne répondait pas aux critères d’inclusion de la synthèse ; une troisième était impliquée dans une étude qui a été incluse dans la synthèse, mais elle était indépendante de la décision concernant la sélection des études, de l’évaluation du risque de biais et de l’extraction des données pour la synthèse.

 

 

Discussion

 

Évaluation de la méthodologie

Cette synthèse méthodique de la Cochrane été menée correctement sur le plan méthodologique. Toutes les études incluses sont des RCTs (en grappes) dont le risque de biais a été évalué à l’aide de l’outil Cochrane RoB 1. Étant donné que la nature de l’intervention ne permet pas de mettre en aveugle les participants et le personnel, toutes les études présentaient un risque élevé de biais de performance. Mais également pour les biais de détection (insu des évaluateurs), le risque était élevé (N = 3) ou incertain (N = 9) dans toutes les études. Cela est dû au fait que la mesure des résultats était basée sur l’auto-évaluation des participants. Vu l’absence d’insu, la force des preuves de tous les résultats du principal critère d’évaluation a été rétrogradée d’un niveau. Un biais de publication n’a pas pu être montré pour le principal critère de jugement (peur de tomber). Des résultats similaires ont été obtenus avec les analyses de sensibilité prenant en compte, entre autres, l’hétérogénéité statistique et le risque de biais.

 

Évaluation des résultats

La présente synthèse méthodique montre des résultats prometteurs pour l’utilisation de la TCC, seule ou en combinaison avec de l’exercice, en vue de réduire la peur de tomber et d’éviter la restriction volontaire des activités. La différence cliniquement pertinente pour le principal critère de jugement (peur de tomber) est déterminée séparément dans chaque étude et dépend de l’échelle utilisée. C’est pourquoi une différence moyenne standardisée (DMS) est utilisée pour présenter les résultats des méta-analyses, les tailles d’effet trouvées étant généralement interprétées comme 0,2 signifiant un « petit effet », 0,3 à 0,8 signifiant un « effet modéré » et > 0,8 signifiant un « effet important » (27). L’effet sur le principal critère de jugement est certes un petit effet, mais il se maintient tout de même au-delà de 6 mois après l’intervention. Les analyses de sous-groupes (basées sur l’âge, le type de groupe témoin, le type d’intervention, l’intervention en groupe ou l’intervention individuelle) montrent des résultats comparables, ce qui conforte la robustesse des résultats. 
Aucun effet n’est constaté sur le nombre de chutes ou sur le nombre de personnes faisant une chute. D’une part, cela peut indiquer que la réduction de la peur n’entraîne pas un comportement excessivement imprudent et davantage de chutes ou de personnes faisant une chute. D’un autre côté, il faut également garder à l’esprit que la TCC en elle-même ne vise pas à diminuer le nombre de chutes, contrairement à la TCC avec exercice. Mais là non plus, il n’y a pas eu de réduction du nombre de chutes ou du nombre de personnes faisant une chute. 
Il n’y a pas de résultats concernant les coûts (tant financiers qu’en termes de temps pour les praticiens et les participants) et les effets indésirables des interventions car ces données n’ont pas été suffisamment rapportées dans les études incluses. De ce fait, il n’est pas possible de peser les effets constatés, qui sont plutôt faibles (voir ci-dessus), face aux coûts éventuels de l’intervention. Les effets secondaires attendus d’une intervention psychothérapeutique sont toutefois probablement limités. 
La présente synthèse méthodique a exclu les personnes âgées ayant des comorbidités (telles qu’un accident vasculaire cérébral, la maladie de Parkinson, une démence, etc.) et les personnes vivant en milieu résidentiel (comme les maisons de repos et de soins). Les résultats ne peuvent donc pas être extrapolés à ces groupes de personnes âgées. Comme de nombreuses personnes âgées séjournent dans des maisons de repos et de soins et présentent des comorbidités, il est certain qu’il faut des recherches plus approfondies incluant ces groupes cibles. 

 

Que disent les guides de pratique clinique ?

Le guide de pratique clinique élaboré par le Groupe de travail Développement de Guides de pratique de Première Ligne (Werkgroep Ontwikkeling Richtlijnen Eerste Lijn, WOREL) (28) recommande de déterminer si la peur de tomber limite la réalisation des activités (1B) et d’encourager et inclure les activités dans les plans d’intervention individuels (2B). De plus, il est recommandé d’identifier les éventuelles idées fausses de la personne à propos des chutes et du risque de chute (1B). La TCC est spécifiquement recommandée en association avec des exercices physiques pour réduire le risque de chute et diminuer la peur de tomber (1B). Un ancien guide de pratique clinique du Centre d’expertise pour la prévention des chutes et des fractures - Flandre (Expertisecentrum Val- en fractuurpreventie Vlaanderen) (29) recommande également d’être sensibilisé à la peur de tomber comme facteur de risque de chute chez les personnes âgées vivant à domicile (1B). Les programmes d’exercices sont recommandés comme traitement, mais il est souligné qu’il n’existe pas suffisamment de preuves pour recommander des programmes d’exercices sur le long terme. 

 

 

Conclusion de Minerva


Cette synthèse méthodique avec méta-analyse, qui a été correctement menée d’un point de vue méthodologique, ayant inclus des RCTs menées en ouvert, dans lesquelles l’évaluation de l’effet n’a pas été effectuée en aveugle ou dont l’insu est indéterminé, montre que la thérapie cognitivo-comportementale (TCC), associée ou non à de l’exercice, réduit, dans une mesure limitée, la peur de tomber chez les personnes âgées vivant à domicile. L’effet se maintient toutefois plus de 6 mois après l’intervention. On n’a observé ni diminution ni augmentation du nombre de chutes ou du nombre de personnes faisant une chute. Ces résultats appuient le recours à la TCC dans le cadre d’une approche multidisciplinaire de prévention des chutes. 

 

 


Références 

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  2. Tinetti M, Baker D, King M, et al. Effect of dissemination of evidence in reducing injuries from falls. N Engl J Med 2008;359:252-61. DOI: 10.1056/NEJMoa0801748
  3. Chevalier P. Prévention des chutes au domicile pour les personnes âgées. MinervaF 2010;9(6):66-7
  4. Gillespie LD, Robertson MC, Gillespie WJ, et al. Interventions for preventing falls in older people living in the community. Cochrane Database Syst Rev 2009, Issue 2. DOI: 10.1002/14651858.CD007146.pub2
  5. Chevalier P. Prévention des chutes chez les personnes âgées : efficacité et adhérence à des programmes d’exercices au domicile. MinervaF 2013;12(9):108-9
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  7. Meurrens J, Vlaeyen E, Gielen, E, Milisen K. Efficacité d’une intervention multifactorielle, d’un programme d’exercices et d’un supplément en vitamine D comme stratégie de prévention des chutes chez les personnes âgées habitant à domicile ? Minerva Analyse 15/03/2019
  8. Guirguis-Blake JM, Michael YL, Perdue LA, et al. Interventions to prevent falls in older adults: updated evidence report and systematic review for the US Preventive Services Task Force. JAMA 2018;319:1705-16. DOI: 10.1001/jama.2017.21962
  9. Vlaeyen E, Milisen K. Efficacité des interventions à plusieurs composantes et des interventions multifactorielles dans la prévention des chutes chez les personnes âgées habitant à domicile. Minerva Analyse 15/07/2020
  10. Hopewell S, Adedire O, Copsey BJ, et al. Multifactorial and multiple component interventions for preventing falls in older people living in the community. Cochrane Database Syst Rev 2018, Issue 7. DOI: 10.1002/14651858.CD012221.pub2
  11. De Coninck L. Interventions environnementales visant à prévenir les chutes chez les personnes âgées qui vivent de manière autonome. Minerva Analyse 20/10/2023
  12. Clemson L, Stark S, Pighills AC, et al. Environmental interventions for preventing falls in older people living in the community. Cochrane Database Syst Rev 2023, Issue 3. DOI: 10.1002/14651858.CD013258.pub2
  13. De Coninck L. Supprimer les obstacles dans l’habitation et lutter contre les comportements à risque chez les personnes âgées présentant un risque de chute accru ? Minerva Analyse 20/10/2023
  14. Stark S, Keglovits M, Somerville E, et al. Home hazard removal to reduce falls among community-dwelling older adults: a randomized clinical trial. JAMA Netw Open 2021;4:e2122044. DOI: 10.1001/jamanetworkopen.2021.22044
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Dernière mise à jour du site : 7/05/2024