Analyse


Apixaban pour prolonger un traitement préventif secondaire d’une thromboembolie veineuse ?


28 05 2013

Professions de santé

Analyse de
Agnelli G, Buller H, Cohen A, et al; AMPLIFY-EXT Investigators. Apixaban for extended treatment of venous thromboembolism. N Engl J Med 2013;368:699-708.


Conclusion
Cette RCT montre qu’après la période conventionnelle d’anticoagulation de 6 à 12 mois suite à un évènement thromboembolique, l’administration d’apixaban (2 x 2,5 ou 2 x 5 mg/j) prévient mieux les récidives de thromboembolie veineuse qu’un placebo, dans une population dont environ 1/5ème était à risque accru de récidive. Le risque hémorragique reste à préciser dans la pratique et versus antagoniste de la vitamine K.


 


Texte sous la responsabilité de la rédaction francophone

 

Pour les 3 Nouveaux Anticoagulants Oraux (NAOs) actuellement disponibles en Belgique, le dabigatran, le rivaroxaban et l’apixaban, nous avons déjà commenté dans la revue Minerva deux études avec le rivaroxaban, (étude EINSTEIN-DVT (avec une extension d’étude versus placebo, publication simultanée des 2 études) (1,2) et EINSTEIN -PE (3,4) et l’étude RE-COVER (5,6) avec le dabigatran concernant l’indication traitement et prévention d’une récidive d’un évènement thromboembolique veineux ; l’étude AMPLIFY avec l’apixaban est toujours en cours.

Un avantage clinique réel du rivaroxaban dans cette indication restait difficile à évaluer : non infériorité versus énoxaparine puis antivitamine K dans le traitement initial puis la prévention d’une thrombose veineuse profonde symptomatique, mieux qu’un placebo lors de la poursuite de traitement pendant 6 à 12 mois après un traitement initial de 6 à 12 mois (2).

Pour le dabigatran, une non infériorité était également montrée pour l’efficacité versus héparine (10 jours) puis warfarine sur 6 mois de traitement (6).

Pour les comparaisons entre NAOs et warfarine dans l’indication traitement de la thromboembolie et prévention « initiale » publiées (études EINSTEIN (1) et RE-COVER (5)), il n’y a pas de différence significative entre les deux traitements pour le risque d’hémorragie majeure (critère primaire de sécurité).

Malgré l’absence de résultats connus pour l’étude AMPLIFY avec l’apixaban, une publication récente (7) donne les résultats d’une RCT en double aveugle AMPLIFY-EXT comparant l’administration d’apixaban (2,5 ou 5 mg 2x/j) à celle d’un placebo (1 :1 :1) durant 12 mois après une première période d’anticoagulation de 6 à 12 mois pour thromboembolie veineuse, incluant ainsi des patients ayant terminé l’étude AMPLIFY (34% des 2 486 sujets randomisés). La question de l’utilité d’une poursuite ou non d’un traitement anticoagulant était posée, entre autres au vu d’un risque accru de récidive de thromboembolie veineuse chez environ 1/5ème de la population incluse : cancer actif (1,1 à 2,2 % des patients selon le bras d’étude), immobilisation persistante ou permanente (2,3 à 3,6%), antécédent de TVP ou d’EP (11,8 à 14,5%), génotype prothrombotique connu (3,2 à 4,3 %). Pour le critère d’efficacité primaire composite (récidive de TEV, décès de toute cause) le Risque Relatif est significativement moindre sous apixaban 2,5 mg (RR de 0,33 avec IC à 95% de 0,22 à 0,48) et apixaban 5 mg (RR de 0,36 avec IC à 95% de 0,25 à 0,53).

Après l’arrêt d’un traitement anticoagulant, une récidive thromboembolique est fréquente : une incidence cumulative sur 2 à 8 ans de 19% à 30% est décrite dans des suivis de cohorte (8). Chez des patients sans facteur de risque réversible, une incidence de 6 à 10% par an (9) ou de 40% à 5 ans (10) est observée. Ce sont souvent les contraintes et le risque hémorragique avec un traitement par antagoniste de la vitamine K qui motivent son arrêt.

Qu’il y ait plus de saignements (mais différence non statistiquement significative) sous placebo que sous apixaban dans cette étude AMPLIFY-EXT est lié à un manque de puissance. Idem pour un risque plus élevé avec 2 x 2,5 mg qu’avec 2 x 5 mg : RR 1,93 (IC à 95% de 0,18 à 21,25). Dans l’étude EINSTEIN extension, l’incidence de saignements majeurs est de 0,7% sous rivaroxaban versus 0 % sous placebo. Une évaluation de ce risque dans la pratique pourrait donner des résultats fort différents, comme observé dans l’utilisation des NAOs dans d’autres indications.

 

Conclusion

Cette RCT montre qu’après la période conventionnelle d’anticoagulation de 6 à 12 mois suite à un évènement thromboembolique, l’administration d’apixaban (2 x 2,5 ou 2 x 5 mg/j) prévient mieux les récidives de thromboembolie veineuse qu’un placebo, dans une population dont environ 1/5ème était à risque accru de récidive. Le risque hémorragique reste à préciser dans la pratique et versus antagoniste de la vitamine K.

 

 

Références

  1. EINSTEIN Investigators, Bauersachs R, Berkowitz SD, Brenner B, et al. Oral rivaroxaban for symptomatic venous thromboembolism. N Engl J Med 2010;363:2499-510
  2. Chevalier P. TVP : rivaroxaban ? MinervaF 2011;10(3):36-7.
  3. Büller HR, Prins MH, Lensing AW, et al; EINSTEIN-PE Investigators. Oral rivaroxaban for the treatment of symptomatic pulmonary embolism. N Engl J Med 2012;366:1287-97.
  4. LRM. Rivaroxaban pour traiter une embolie pulmonaire symptomatique ? Minerva online 28/01/2013.
  5. Schulman S, Kearon C, Kakkar AK, et al; RE-COVER Study Group. Dabigatran versus warfarin in the treatment of acute venous thromboembolism. N Engl J Med 2009;361:2342-52
  6. Chevalier P. Dabigatran pour la thromboembolie veineuse. Minerva online 28/08/2010.
  7. Agnelli G, Buller H, Cohen A, et al; AMPLIFY-EXT Investigators. Apixaban for extended treatment of venous thromboembolism. N Engl J Med 2013;368:699-708.
  8. Middeldorp S. Duration of anticoagulation for venous thromboembolism. [Editorial] BMJ 2011;342:d2758.
  9. Becattini C, Agnelli G, Schenone A, et al; WARFASA Investigators. Aspirin for preventing the recurrence of venous thromboembolism. N Engl J Med 2012;366:1959-67.
  10. Prandoni P, Noventa F, Ghirarduzzi A, et al. The risk of recurrent venous thromboembolism after discontinuing anticoagulation in patients with acute proximal deep vein thrombosis or pulmonary embolism: a prospective cohort study in 1,626 patients. Haematologica 2007;92:199-205.
Apixaban pour prolonger un traitement préventif secondaire d’une thromboembolie veineuse ?



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