Revue d'Evidence-Based Medicine



Editorial: Evaluation de nouveaux médicaments: «supérieurs»,«équivalents» ou «non inférieurs»?



Minerva 2006 Volume 5 Numéro 1 Page 1 - 1

Professions de santé


 

La plupart des études cliniques (RCTs) qui évaluent l’efficacité d’un nouveau médicament sont appelées études de «supériorité»; elles visent, en effet, à montrer la plus value d’un nouveau médicament par rapport à un traitement de contrôle. Dans ce cas, usage est fait de tests statistiques se référant à une «hypothèse nulle». Celle-ci suppose qu’il n’y a pas de différence entre les traitements évalués. Quand un nouveau médicament est évalué, les auteurs espèrent rejeter cette hypothèse nulle et, de préférence, à l’avantage de la nouvelle molécule. Si le risque d’erreur est inférieur à 5% (ce qui correspond à une valeur p de 0,05), l’hypothèse nulle peut être rejetée et le résultat est dit «positif»; il y a, dans ce cas, une différence significative entre les deux traitements.

Supposons que nous n’observions pas de différence significative (avec une valeur p>0,05). L’absence d’une différence significative ne signifie pas pour autant que les traitements comparés soient également efficaces 1. Nous pouvons tout au plus affirmer que le résultat est «incertain». Cette incertitude ne peut satisfaire ni les médecins ni les patients. Le nouveau médicament peut être meilleur que celui auquel il est comparé, mais aussi équivalent ou moins performant! Il est également possible que l’étude ne possède pas une puissance suffisante pour pouvoir illustrer une différence. De telles conclusions ne nous sont d’aucune aide dans la pratique quotidienne. Pour nous convaincre de la valeur d’un nouveau médicament, il nous est nécessaire d’avoir réponse à deux questions. En premier lieu, le nouveau médicament est-il plus efficace que ce dont nous disposions, et, en deuxième lieu, s’il n’est pas plus efficace est-il aussi bon que le plus ancien 1,2?

Deux types d’études peuvent répondre à ces questions. Une étude d’«équivalence» est élaborée pour montrer qu’il n’existe pas de différence cliniquement pertinente entre deux traitements, autrement dit, que ces deux médicaments ont un effet favorable semblable dans la pratique 3.

Les études qui concernent la mise sur le marché de nouvelles molécules font souvent appel à un protocole de «non infériorité» 2. Dans une «étude de non infériorité», les auteurs ne désirent pas montrer que le nouveau médicament est «aussi efficace» que le traitement de contrôle, mais bien qu’il n’est «pas moins efficace» que celui-ci. Dans un tel type d’étude, l’hypothèse nulle formulée est différente de celle d’une «étude de supériorité»; elle suppose que le traitement de comparaison est supérieur au nouveau médicament 2,4. L’importance d’une supériorité supposée pertinente dans la pratique est définie au préalable et appelée delta (D): si la différence observée entre les deux traitements est égale ou supérieure à ce critère D, nous pouvons conclure à l’infériorité du nouveau médicament. Les tests statistiques permettent de calculer un rejet de l’hypothèse nulle. Rejeter signifie, dans ce cas-ci, que la différence observée est inférieure à D et donc plus petite que ce que nous estimons important comme différence: le nouveau médicament n’est donc pas «beaucoup» (c’est-à-dire plus que D) moins efficace que le traitement de contrôle. Nous pouvons donc accepter que le nouveau traitement est «non inférieur».

Plusieurs conditions sont liées à la réalisation de telles études 2,5. Les deux médicaments doivent s’être montrés efficaces. Il va de soi que l’importance de la «différence significative D» doit être fixée dans le protocole initial pour éviter que les auteurs ne soient tentés de l’adapter ultérieurement en fonction du résultat souhaité. Dans une étude «classique» de supériorité, les conclusions doivent reposer sur une analyse en intention de traiter. Au contraire, dans une étude de non infériorité, c’est l’analyse par protocole (analyse ne reprenant que les patients qui ont réellement pris le médicament) qui est valide.

Un exemple d’étude de non infériorité a été analysé dans un numéro précédent de Minerva 6 et d’autres suivent. Nous pouvons nous réjouir d’une correspondance entre les protocoles d’étude et la statistique avec les questions pratiques des cliniciens. C’est un pas incontestable sur le chemin des preuves pour la pratique. L’évaluation et l’interprétation de telles études nécessitent cependant quelque connaissance de ses caractéristiques fondamentales. En les éclairant, nous pensons vous être utiles, à vous «utilisateurs» des preuves scientifiques. Retenons que «supérieur» n’est pas équivalent à «non inférieur».

M. van Driel et P. Chevalier

 

Références

  1. Sackett DL. Superiority trials, non-inferiority trials, and prisoners of the 2-sided null hypothesis. Evid Based Med 2004;9:38-9.
  2. Committee for proprietary medicinal products (CPMP). Points to consider on switching between superiority and non-inferiority. EMEA CPMP/EWP/482/99.
  3. Djulbegovic B, Clarke M. Scientific and ethical issues in equivalence trials. JAMA 2001;285:1206-8.
  4. D’Agostino Sr RB, Massaro JM, Sullivan LM. Non-inferiority trials: design concepts and issues - the encounters of academic consultants in statistics. Statist Med 2003;22:169-86. McAlister FA, Sackett DL. Active-control equivalence trials and antihypertensive agents. Am J Med 2001;111:553-8.
  5. Vanwelde A. Kinésithérapie brève ou classique pour les cervicalgies non aiguës? MinervaF 2005;4(9):140-2.

 

 

Editorial: Evaluation de nouveaux médicaments: «supérieurs»,«équivalents» ou «non inférieurs»?

Auteurs

Chevalier P.
médecin généraliste
COI :

van Driel M.
Vakgroep Huisartsgeneeskunde en Eerstelijnsgezondheidszorg, UGent
COI :

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