Revue d'Evidence-Based Medicine



Editorial: Information du patient : comprendre les risques



Minerva 2007 Volume 6 Numéro 8 Page 113 - 113

Professions de santé




Comprendre un tout

Quand un patient de 50 ans vient nous consulter pour un mal de gorge et que nous lui trouvons des chiffres de pression artérielle trop élevés, nous l’invitons à contrôler ces chiffres et, au fil du suivi, nous allons entreprendre, au rythme du patient et avec son assentiment, un bilan de l’ensemble de ses facteurs de risque cardio-vasculaires. Nous établissons ainsi un score de risque pour notre patient. Cette démarche nécessite, entre autres, une information de notre part sur la notion de facteur de risque au point de vue santé dans un ou plusieurs domaine(s) particulier(s). Cette information doit être fiable, c’est-à-dire basée sur des preuves (EBM), adaptée à la personne (compréhensible, adaptée au contexte social, linguistique et culturel du patient). La compréhension, par le patient, de ce qu’est un risque cardio-vasculaire de x% ou un risque d’avoir une glycémie trop élevée par exemple, ou encore du bénéfice de x% qu’il pourrait obtenir grâce à un traitement qui diminuerait le risque, reste un sujet d’étude permanent.

 

Tout comprendre

Woloshin et coll. (1) ont évalué l’intérêt de remettre au patient un document lui donnant les notions nécessaires à la compréhension d’un risque médical qu’il court, explicitant les notions de probabilités et de modifications de probabilités. Ils enregistrent des scores de compréhension « passables » (au moins 75/100) meilleurs dans le groupe ayant reçu la brochure spéciale plutôt qu’une brochure sur un bon état de santé en général. Dans le groupe revenus élevés, les scores « passables » sont respectivement de 81 et 75% et dans le groupe revenus inférieurs de 44 et 26%. Si cette étude montre l’apport possible d’une telle brochure, elle montre aussi l’important fossé de compréhension entre les deux groupes socioculturels, certainement non comblé par cette intervention. Ceci souligne, à nouveau, toute l’importance d’une information adaptée à l’interlocuteur et à ses attentes, dans une relation de confiance qui s’inscrit dans le travail quotidien des professionnels de santé, des associations de malades indépendantes, de l’entourage du patient. Les limites d’une information tout public sont ainsi également rappelées. Certains milieux estiment cependant qu’une telle information est actuellement insuffisante en Europe et qu’elle doit être développée… avec la collaboration étroite des firmes pharmaceutiques.

 

Comprendre les risques

Le Forum Pharmaceutique mis sur pied par la Commission Européenne, et particulièrement son groupe de travail sur l’information-patient, défend en effet la levée de tout obstacle à une communication directe des firmes pharmaceutiques vers les patients. Cinq associations (Health Action International Europe, Association Internationale de la Mutualité, Bureau Européen des Unions de Consommateurs, Collectif Europe et Médicament et l’International Society of Drug Bulletins) se sont regroupées (2,3) pour s’opposer à de tels projets qui représentent un risque très important de diffusion d’une information non strictement fiable (par son caractère incomplet, par l’absence de preuves des arguments avancés), non comparative (vis-à-vis des autres traitements médicamenteux, par rapport aux thérapies non médicamenteuses, face à l’option de ne pas traiter vu l’évolution naturelle de la maladie), ne recadrant pas l’intervention parmi les moyens préventifs et non adaptée à l’utilisateur (2). L’analyse, par ces associations, d’un premier projet élaboré par le groupe de travail européen montre combien ce projet est indigent et éloigné de documents déjà élaborés suivant des critères de rigueur et de transparence par des professionnels de santé en collaboration avec des représentants des patients. Les cinq associations réclament, de commun accord, une information-santé pertinente pour des citoyens responsables (3). Minerva s’associe à cette demande de préserver une information des patients non basée sur une logique commerciale et demeurant pertinente, en rappelant aussi le rôle essentiel des soignants dans la communication individualisée, c’est-à-dire adaptée, d’une information basée sur des preuves.

 

 

Références

 

  1. Woloshin S, Schwartz LM, Welch HG. The effectiveness of a primer to help people understand risk. Ann Intern Med 2007;146:256-65.
  2. Mainmise des firmes sur l'information-santé : une mascarade européenne http://www.prescrire.org/
  3. ISDB http://www.isdbweb.org/pag/index.php

Editorial: Information du patient : comprendre les risques



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