Revue d'Evidence-Based Medicine



AINS pour les lombalgies



Minerva 2008 Volume 7 Numéro 5 Page 72 - 73

Professions de santé


Analyse de
Roelofs PD, Deyo RA, Koes BW, et al. Non-steroidal anti-inflammatory drugs for low back pain. Cochrane Database Syst Rev 2008, Issue 1.


Question clinique
Quelle est l’efficacité des AINS, sélectifs ou non sélectifs des COX-2, versus placebo ou autres traitements et l’un comparé à l’autre chez des patients souffrant de lombalgies aiguës ou chroniques ?


Conclusion
Cette synthèse méthodique avec méta-analyse montre, chez des patients souffrant de lombalgies aiguës ou chroniques, l’efficacité des AINS versus placebo. Cette efficacité est cependant de faible ampleur, non observée en cas de présence d’une sciatique, non supérieure à celle d’autres médicaments calmant la douleur et mal évaluée versus traitements non médicamenteux. Le risque d’effets indésirables des AINS doit être mis en balance avec ce bénéfice limité.


 

Résumé

 

Contexte

Les affections du dos sont, avec les problèmes respiratoires aigus, les premiers motifs de consultation chez les hommes âgés de 15 à 44 ans (1). Une prescription d’AINS est fréquente en cas de lombalgies, mentionnée comme option thérapeutique après l’échec du paracétamol dans les guidelines aussi bien pour les lombalgies aiguës (2) que chroniques (3). Une mise à jour de l’efficacité et de la sécurité relatives des AINS dans cette indication était utile.

 

Méthodologie

Synthèse méthodique et méta-analyse

 

Sources consultées

  • bases de données MEDLINE, EMBASE, CINAHL et Cochrane Library (jusqu’en juin 2007)
  • références dans les synthèses et les articles.

Etudes sélectionnées

  • RCTs et études contrôlées en double aveugle
  • évaluant les AINS en cas de lombalgies non spécifiques avec ou sans sciatique
  • versus placebo, autres médicaments (analgésiques narcotiques, myorelaxants), autres traitements ou autres AINS
  • publications en anglais, néerlandais ou allemand.

Population concernée

  • 11 237 patients âgés ≥ 18 ans, traités pour une lombalgie non spécifique avec ou sans sciatique, aiguë (au maximum 12 semaines) ou chronique (plus de 12 semaines)
  • exclusion en cas de : infection causale, cancer, métastase, ostéoporose, arthrite rhumatoïde, fracture.

Mesure des résultats

  • critères de jugement primaires : intensité de la douleur (EVA ou échelle numérique), mesure globale (par ex. amélioration globale), status fonctionnel lombaire spécifique, reprise du travail, effets indésirables
  • critères secondaires : résultats physiologiques (par ex. flexibilité spinale), status fonctionnel général
  • analyse en protocole d’investigation et pour la méthode d’analyse. Des études sont dites hétérogènes quand elles divergent entre elles pour ces critères. S’il n’y a pas d’hétérogénéité statistique montrée, nous pouvons, dans une méta-analyse, utiliser le modèle d’effets fixes qui présuppose qu’il n’y a qu’une seule valeur sous-jacente pour l’effet constaté. Suivant ce modèle, une variation des effets observés est liée au hasard.">modèle d’effets fixes ou aléatoires selon l’absence ou la présence d’une hétérogénéité statistique.

Résultats

65 études incluses dont 28 études (42%) de haute qualité

 

  • AINS versus placebo

    • en cas de lombalgies aiguës, efficacité statistiquement supérieure des AINS versus placebo en termes de réduction de la douleur (moyenne pondérée" data-content="En mettant en commun les résultats individuels d’études dans une méta-analyse, une pondération statistique peut être attribuée aux résultats des études incluses. En attribuant ce facteur de pondération, il est possible d’attribuer dans l’analyse plus de poids aux études réalisées auprès de populations numériquement plus importantes ou de meilleure qualité méthodologique. La Différence Moyenne Pondérée est le résultat d’une méta-analyse incluant des études dont les résultats sont exprimés en variables continues (rapportées avec moyenne et écart type) pondérées et mises en commun.">DMP -8,39 ; IC à 95% de -12,68 à -4,10 pour les lombalgies sans sciatique) et d’amélioration globale (RR 1,19 ; IC à 95% de 1,07 à 1,33), moindre recours à d’autres analgésiques mais au prix d’une augmentation significative des effets indésirables pour toute lombalgie non spécifique (aiguë ou chronique)
    • en cas de sciatique aiguë, pas de différence entre AINS et placebo (études hétérogènes)
    • en cas de lombalgies chroniques, efficacité statistiquement supérieure des AINS versus placebo en termes de réduction de la douleur (DMP -12,40 ; IC à 95% de -15,53 à -9,26).
  •  

  • AINS versus autres médicaments

    • Preuves modérées d’une efficacité non supérieure des AINS versus autres médicaments (paracétamol, analgésiques narcotiques, myorelaxants) en cas de lombalgies aiguës.
  •  

  • AINS versus AINS

    • Preuves fortes d’une efficacité semblable des différents types d’AINS, y compris les COX-2 sélectifs (COXIBs).
  •  

  • AINS versus traitements non médicamenteux

    • Etudes de faible qualité avec résultats non concordants.
  •  

  • Effets indésirables

    • Moins d’effets indésirables pour les COXIBs, pour le placebo et le paracétamol versus AINS et pour les AINS versus myorelaxants et analgésiques narcotiques.

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que les AINS sont efficaces en termes de soulagement symptomatique à court terme chez des patients présentant des lombalgies aiguës et chroniques sans sciatique. La taille de l’effet est cependant faible, sans efficacité supérieure d’un type d’AINS. Les AINS sélectifs de la COX-2 montrent, dans les études incluses, une moindre incidence d’effets indésirables mais des études récentes ont montré, dans des populations spécifiques, un risque cardiovasculaire accru avec ces médicaments.

Financement

Dutch Health Insurance Board.

Conflits d’intérêt 

Pas de conflit déclaré.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Cette synthèse méthodique avec méta-analyse respecte une méthodologie d’élaboration fort correcte. Deux chercheurs ont, indépendamment l’un de l’autre, extrait les données et évalué leur qualité méthodologique (critères du Cochrane Back Review Group) et la pertinence clinique de leurs résultats. Une méta-analyse n’a été effectuée qu’en cas d’homogénéité clinique. En cas d’absence d’une telle homogénéité, une analyse qualitative a été effectuée. Les auteurs de la synthèse méthodique ont analysé la qualité méthodologique des études et en ont tenu compte dans l’énoncé du degré de preuve (par exemple, preuve forte = résultats concordants de plusieurs RCTs de haute qualité). Ils ont aussi pratiqué une analyse de sensibilité en excluant les études de faible qualité, sans observer cependant de modification pour la direction des conclusions. Ils mentionnent les nombreuses limites des études originales. La plupart des études incluent de faibles populations et n’ont pas de suivi à long terme. Le processus de randomisation n’est pas décrit dans plusieurs études. L’exclusion de co-interventions n’est souvent pas imposée. L’observance n’est souvent pas évaluée ou pas mentionnée. La durée de suivi des études est jugée inadéquate par rapport à l’indication dans plus de la moitié des études. Les auteurs signalent la présence d’un biais de publication. Ils font aussi remarquer que dans les études les plus récentes concernant les lombalgies chroniques, seuls les patients présentant une amélioration importante avec les AINS au cours d’une période d’inclusion sont repris dans l’étude, ce qui peut conduire à la fois à une surestimation de l’effet des AINS et à une sous-estimation de leurs effets indésirables.

Mise en perspective des résultats

Cette synthèse montre une efficacité supérieure des AINS versus placebo en cas de lombalgie aiguë ou chronique sans sciatique pour la sédation de la douleur et l’amélioration globale. L’amélioration est cependant de faible ampleur et évaluée uniquement à court terme (2 à 14 jours en cas de douleur aiguë ; 4 à 12 semaines en cas de douleur chronique).

Une efficacité supérieure des AINS par rapport aux autres médicaments n’est pas montrée (résultats discordants) pour l’ensemble des lombalgies et dans les lombalgies aiguës, ils ne sont pas plus efficaces (preuves modérées). Les études comparant AINS et manipulation vertébrale, physiothérapie et repos au lit sont de piètre qualité, ce qui ne permet pas d’en tirer des conclusions valides. Peu d’études ayant évalué une administration intramusculaire ou locale (sous forme de gel), il n’est également pas possible de tirer des conclusions quant à la meilleure voie d’administration des AINS en cas de lombalgies. En cas de sciatique, les études ne montrent pas d’efficacité supérieure des AINS versus placebo.

Effets indésirables

Les études incluses dans cette méta-analyse montrent des effets indésirables fréquemment déclarés (douleurs abdominales, diarrhée, œdème, sécheresse de bouche, troubles d’équilibre, céphalées, fatigue), en général légers à modérés. La faiblesse des échantillons inclus dans les différentes études ne permet pas d’en tirer un enseignement quant à la fréquence de survenue des effets indésirables avec les AINS. Ceux-ci sont par ailleurs bien identifiés dans le domaine gastro-intestinal surtout, mais aussi le risque d’augmentation de la pression artérielle ou d’insuffisance cardiaque en cas d’HTA, de diabète ou d’insuffisance rénale et le risque d’aggravation d’une insuffisance rénale. Rappelons aussi que les COXIBs occasionnent un risque accru d’événements cardiovasculaires sérieux (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, décès d’origine cardiovasculaire) versus placebo ou versus naproxène mais non versus AINS non spécifiques (à hautes doses) dans leur ensemble (4,5). Les différents COXIBs et autres AINS que la naproxène ont, très probablement, un profil de risque différent au point de vue cardiovasculaire (6,7) comme au point de vue digestif (8).

 

Conclusion

Cette synthèse méthodique avec méta-analyse montre, chez des patients souffrant de lombalgies aiguës ou chroniques, l’efficacité des AINS versus placebo. Cette efficacité est cependant de faible ampleur, non observée en cas de présence d’une sciatique, non supérieure à celle d’autres médicaments calmant la douleur et mal évaluée versus traitements non médicamenteux. Le risque d’effets indésirables des AINS doit être mis en balance avec ce bénéfice limité.

 

Références

  1. L’état de santé des Français selon l’âge. Rev Prescr 2005;258:137-8.
  2. van Tulder M, Becker A, Bekkering T, et al; COST B13 Working Group on Guidelines for the Management of Acute Low Back Pain in Primary Care. Chapter 3. European guidelines for the management of acute nonspecific low back pain in primary care. Eur Spine J 2006;15(Suppl 2):S169-91.
  3. Airaksinen O, Brox JI, Cedraschi C, et al; COST B13 Working Group on Guidelines for Chronic Low Back Pain. Chapter 4. European guidelines for the management of chronic nonspecific low back pain. Eur Spine J 2006;15(Suppl 2):S192-300.
  4. Kearney PM, Baigent C, Godwin J et al. Do selective cyclo-oxygenase-2 inhibitors and traditional non-steroidal anti-inflammatory drugs increase the risk of atherothrombosis? Meta-analysis of randomised trials. BMJ 2006;332:1302-8.
  5. Chevalier P. COXIBs, autres AINS et risque athérothrombotique. Minerva F 2007;6(1):8-10.
  6. Cannon CP, Curtis SP, FitzGerald GA, et al; MEDAL Steering Committee. Cardiovascular outcomes with etoricoxib and diclofenac in patients with osteoarthritis and rheumatoid arthritis in the Multinational Etoricoxib and Diclofenac Arthritis Long-term (MEDAL) programme: a randomised comparison. Lancet 2006;368:1771-81.
  7. Chevalier P. Etoricoxib et diclofenac: risque cardiovasculaire identique. MinervaF 2007;6(2):28-30.
  8. Henry D, Lim LLY, Garcia Rodriguez LA, et al. Variability in risk of gastrointestinal complications with individual non-steroidal anti-inflammatory drugs: results of a collaborative meta-analysis. BMJ 1996;312:1563-6.
AINS pour les lombalgies



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