Revue d'Evidence-Based Medicine



Lecture critique d’une méta-analyse



Minerva 2008 Volume 7 Numéro 5 Page 80 - 80

Professions de santé


 

Formation médicale continue ~ Concepts et outils en EBM

La rédaction consacre une rubrique ‘Formation médicale continue’ (FMC) à l’explicitation de concepts et outils en Evidence-Based Medicine (EBM). Voici le cinquième article dans la série concernant les méta-analyses, biais de publication dans la littérature, hétérogénéité des études, qualité des méta-analyses, lecture critique d’une méta-analyse.

Publications précédentes:

 

Evaluation de la qualité méthodologique des méta-analyses  Minerva 2008;7(1):16

Hétérogénéité dans les synthèses méthodiques et méta-analyses MinervaF 2007;6(10):160

Biais de publication : identification et essai de correction  MinervaF 2007;6(9):144

Synthèse méthodique et méta-analyse : première approche MinervaF 2007;6(2):18

 

Quand un praticien aborde la lecture critique d’une méta-analyse (MA), il cherche à répondre aux questions suivantes : cette publication peut-elle m’apporter des éléments valides et utiles pour ma pratique quotidienne, autrement dit, est-elle cliniquement pertinente et statistiquement valide, exempte de biais ?

La pertinence clinique de la méta-analyse porte d’abord sur la question de recherche : est-ce une affection, situation, que je rencontre chez mes patients ? Les patients inclus dans la MA sont-ils représentatifs de ceux qui me consultent ? Le traitement évalué, comme le traitement de référence, sont-ils de bons choix ? Il faut aussi, comme pour toute publication, vérifier si les critères de jugement utilisés sont adéquats : critères forts et non intermédiaires, cliniquement pertinents. La taille de l’effet (effect size) observée au terme de la sommation des résultats nous renseignera également sur la pertinence clinique des résultats issus de la méta-analyse.

L’évaluation de la qualité méthodologique de la méta-analyse doit, elle, prendre différents éléments en considération.

La recherche effectuée dans la littérature

La recherche doit être décrite et avoir été systématique, effectuée dans plusieurs bases de données, mais aussi être, de préférence, exhaustive, avec une recherche de données non publiées. Une méta-analyse n’incluant qu’un choix arbitraire de certaines études ne peut donner une conclusion représentative de l’ensemble de la littérature. Elle doit évaluer le risque de biais de publication (1). Elle doit, ensuite, effectuer une sélection parmi les études, sur base de critères d’évaluation validés (au minimum les critères de Jadad). Les motifs d’exclusion des études doivent être précisés.

L’extraction et l’analyse des résultats

L’extraction des données doit être faite par plusieurs personnes (au moins deux) et avoir été contrôlée. Une recherche de l’hétérogénéité des résultats des différentes études doit être effectuée, au moyen de techniques statistiques adéquates (2). En cas de présence d’une hétérogénéité statistique, un modèle d’analyse adéquat doit être utilisé (modèle d’effets aléatoires). Une analyse de sensibilité peut se révéler riche en information : elle peut, par exemple, porter sur la qualité méthodologique des études et montrer une absence de bénéfice en considérant uniquement les études de qualité supérieure alors qu’un bénéfice est observé pour l’ensemble des études. Elle peut également proposer l’exclusion des études amenant une hétérogénéité.

Les résultats mentionnés

Seuls les résultats des études ayant une qualité méthodologique suffisante doivent être sommés (poolés). Ils doivent aussi être pondérés en fonction de la précision des différentes études ; cette précision dépend principalement du nombre de sujets inclus (mais aussi de l’incidence des événements). Une étude incluant de nombreux patients aura donc une influence prépondérante dans une méta-analyse par rapport à de petites études, pouvant ainsi « gommer » leurs résultats. Dans la méta-analyse de Salpeter par exemple (3), l’étude SMART (4) qui présente des limites méthodologiques et d’inférence, pèse très fort sur les résultats, ce qui « contamine la méta-analyse » avec des éléments de toxicité non observés aussi nettement dans les autres RCTs.

 

 

Interprétation: aspects techniques

Afin de minimiser le risque de tirer une conclusion globale erronée, il faut choisir, dans une méta-analyse une valeur p plus petite que 0,05. C’est généralement une valeur p<0,01 qui est proposée. Les analyses en sous-groupes, réalisées à partir de données issues de plusieurs études, appellent à la même prudence que celles effectuées dans une RCT (5) étant donné la répétition des tests qui permet presque toujours d’obtenir finalement un résultat significatif. Enfin, le Nombre de Sujets à Traiter (NST) donné dans une méta-analyse doit être considéré avec précaution (6,7), principalement en raison des différences entre les études (entre autres pour le risque de base) et également parce qu’il faut, dans l’interprétation des données d’une méta-analyse pour un individu donné, tenir compte de son propre risque initial. Dans le cas où seule la méta-analyse montre un résultat significatif, au contraire de la totalité ou de la majorité des études incluses, un certain consensus est d’application : le résultat de la méta-analyse n’est pas suffisant (8).

 

Interprétation: conclusions cliniques

Comme nous l’avons vu dans un précédent éditorial (9), différentes méta-analyses sur un même sujet peuvent aboutir à des conclusions différentes. Le praticien devra donc, toujours, aborder la lecture d’une méta-analyse de manière critique, comme celle de toute publication, muni des quelques outils nécessaires. Nous espérons, au terme de ces cinq articles, l’avoir aidé dans cette démarche.

 

Références

  1. Chevalier P, van Driel M, Vermeire E. Biais de publication: identification et essai de correction. MinervaF 2007;6(9):144.
  2. Chevalier P, van Driel M, Vermeire E. Hétérogénéité dans les synthèses méthodiques et méta-analyses. Minerva 2007;6(10):160.
  3. Salpeter SR, Buckley NS, Ormiston TM, Salpeter EE. Meta-analysis: effect of long-acting beta-agonists on severe asthma exacerbations and asthma-related deaths. Ann Intern Med 2006;144:904-12.
  4. Nelson HS, Weiss ST, Bleecker ER, et al; SMART Study Group. The salmeterol multicenter asthma research trial: a comparison of usual pharmacotherapy for asthma or usual pharmacotherapy plus salmeterol. Chest 2006;129:15-26.
  5. Chevalier P, van Driel M. Les pièges des analyses en sous-groupes. MinervaF 2007;6(1):1.
  6. Smeeth L, Haines A, Ebrahim S. Numbers needed to treat derived from meta-analyses – sometimes informative, usually misleading. BMJ 1999;318:1548-51. .
  7. Marx A, Bucher HC. Numbers needed to treat derived from meta-analysis: a word of caution. Evid Based Med 2003;8:36-7.
  8. Cucherat M. Méta-analyse des essais thérapeutiques. Ed Masson 1997, p. 390.
  9. Chevalier P, van Driel M, Vermeire E. Evaluation de la qualité méthodologique des méta-analyses. MinervaF 2008;7(1):16.

 

Concepts et outils en EBM: Lecture critique d’une méta-analyse



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