Revue d'Evidence-Based Medicine



Traitement antihypertenseur : monothérapie ou association ?



Minerva 2010 Volume 9 Numéro 9 Page 102 - 103

Professions de santé


Analyse de
Wald DS, Law M, Morris JK, et al. Combination therapy versus monotherapy in reducing blood pressure: meta-analysis on 11 000 participants from 42 trials. Am J Med 2009;122:290-300.


Question clinique
Quel est l’effet antihypertenseur complémentaire d’une association de deux antihypertenseurs (thiazide, bêta-bloquant, antagoniste calcique ou IEC) versus monothérapie ou doublement des doses du même antihypertenseur ?


Conclusion
Cette méta-analyse d’anciennes études montre que l’association d’antihypertenseurs parmi les thiazides, bêta-bloquants, antagonistes calciques et IEC diminue davantage les chiffres tensionnels qu’un doublement de la dose d’un de ces antihypertenseurs chez des patients sans comorbidité cardiovasculaire mais avec hypertension persistante sous monothérapie. Les nombreuses limites de cette méta-analyse en rendent les résultats peu fiables.


 

Contexte

Le traitement initial recommandé pour traiter un patient hypertendu est une faible dose d’un diurétique thiazidé (1). Ce traitement ne suffit souvent pas et une augmentation de dose ou un ajout d’un autre antihypertenseur est nécessaire. La méta-analyse de Law (2,3) a montré un avantage probable en faveur de l’association. Cette observation reste cependant à étayer davantage et le meilleur type d’association d’antihypertenseurs reste à déterminer.

 

Résumé

 

Méthodologie

Synthèse méthodique avec méta-analyse

 

Sources consultées

 

Etudes sélectionnées

  • critères d’inclusion : études randomisées, contrôlées versus placebo avec protocole factoriel évaluant au moins 2 des 4 classes principales d’antihypertenseurs (thiazides, bêta-bloquants, IEC, antagonistes calciques)
  • critères d’exclusion : durée d’étude <2 semaines, pas de bras placebo, pas de randomisation
  • inclusion de 42 RCTs (n=10 968) parmi les 778 isolées
  • 10 études avec thiazide + bêta-bloquant, 10 avec thiazide + IEC, 5 avec thiazide + antagoniste calcique, 2 avec bêta-bloquant + IEC, 6 avec bêta-bloquant + antagoniste calcique, 9 avec antagoniste calcique + IEC.

 

Population étudiée

  • patients suivis en consultation de cliniques d’hypertension hospitalières, âge moyen entre 46 et 71 ans, PAS avant traitement entre 136 et 173 mmHg et PAD entre 84 et 110 mmHg, traitement antihypertenseur évalué durant  4 à 12 semaines
  • généralement avec une HTA essentielle, non compliquée, sans anamnèse d’ischémie coronarienne, d’AVC, de diabète ou d’insuffisance rénale.

 

Mesure des résultats

  • diminution des chiffres de pression artérielle attribuable à chaque classe thérapeutique en particulier, d’une dose de référence doublée pour chaque classe et de chacune des associations
  • comparaison entre les valeurs atteintes et les valeurs attendues pour chaque association
  • rapport entre les valeurs atteintes et l’effet complémentaire attendu de l’association versus monothérapie
  • rapport entre les valeurs atteintes et l’effet complémentaire attendu pour l’association de 2 antihypertenseurs versus doublement de dose d’un seul.

 

Résultats

  • diminution moyenne de la PAS en monothérapie et en association avec 1 autre antihypertenseur
    • thiazide : 7,3 mmHg et 14,6 mmHg 
    • bêta-bloquant : 9,3 mmHg et 18,9 mmHg
    • IEC : 6,8 mmHg et 13,9 mmHg
    • antagoniste calcique : 8,4 mmHg et 14,3 mmHg
  • bonne correspondance entre les chiffres atteints et ceux attendus pour chaque association
  • rapport moyen entre les valeurs atteintes et l’effet complémentaire attendu de l’association versus monothérapie : 1,01 avec IC à 95% de 0,90 à 1,12
  • rapport moyen entre les valeurs atteintes et l’effet complémentaire attendu pour l’association de 2 antihypertenseurs versus doublement de dose d’un seul : 0,22 avec IC à 95% de 0,19 à 0,25.

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que le pouvoir antihypertenseur d’une association parmi les 4 classes évaluées peut être estimé en additionnant le pouvoir de chacun de ces médicaments. Le pouvoir antihypertenseur complémentaire d’une association est environ 5 fois supérieur au doublement de dose de chaque antihypertenseur en particulier.

 

Financement

Aucun.

 

Conflits d’intérêt

3 des 5 auteurs sont impliqués dans la mise au point ou le brevet d’une association médicamenteuse pour la prévention cardiovasculaire.

 

Discussion

 

Considérations sur la méthodologie

La recherche dans la littérature et la sélection d’articles (par 2 chercheurs) semblent correctement effectuées. L’absence d’un funnel plot ne nous permet pas d’estimer le risque d’un biais de publication. Les auteurs ne discutent pas de la qualité des études pourtant indiquée dans un tableau qui nous apprend qu’il s’agit dans plus de la moitié des cas de petites études (17 études avec ≤ 50 patients), d’études anciennes avec un suivi fort court. Les résultats des 9 études incluant plus de 500 patients influencent donc très probablement les résultats de la méta-analyse. Aucunforest plot est un graphique représentant les résultats des diverses études incluses dans une méta-analyse. Les résultats de chaque étude sont représentés sous la forme d’un carré (ou point), avec intervalles de confiance, et placés les uns en regard des autres. Les résultats sont également sommés, regroupés sous la forme d’un losange donnant une évaluation de l’effet global. L’ensemble du graphique a la forme d’un arbre. Le logo de la Cochrane Collaboration est un exemple d’un forest plot. Les études représentées examinent l’effet sur la mortalité néonatale de l’administration d’un traitement de corticostéroïdes auprès de femmes risquant un accouchement prématuré. Le résultat de la méta-analyse montre que le fait d’administrer des corticostéroïdes réduit significativement le taux de mortalité des nouveau-nés."> forest plot n’est donné ce qui ne nous permet pas d’apprécier la pondération faite entre les résultats d’étude. Les caractéristiques initiales des patients inclus ne sont pas mentionnées. Les auteurs détaillent bien les modes de calcul pour les différents critères de jugement mais ne font pas d’analyse d’hétérogénéité systématique. Ils ont recours à une analyse en modèle d’effets fixes. Cette méta-analyse comporte donc de nombreuses limites méthodologiques.

 

Mise en perspective des résultats

Seule une petite étude (n=47) comparant bêta-bloquant et IEC a été publiée après 2000, en raison du choix d’études contrôlées versus placebo, incluant des patients sans complication cardiovasculaire ni diabète ni insuffisance rénale avec recrutement, à une exception près, en deuxième ligne de soins. Pour les mêmes raisons, les sartans ne sont pas inclus dans cette méta-analyse. L’avantage est cependant que la population concernée est relativement homogène, constituée de patients hypertendus par ailleurs sains, avec évaluation ciblée sur l’action antihypertensive d’un traitement. Cette méta-analyse montre une nette différence entre une monothérapie et un placebo pour les doses de référence des thiazides, bêta-bloquants, IEC et antagonistes calciques mais en raison, entre autres, de l’hétérogénéité des doses utilisées, une différence en termes de pouvoir antihypertenseur (diminution des chiffres) ne peut être précisée. L’observation qu’une association thérapeutique apporte un effet égal à la somme corrigée des effets des 2 médicaments associés confirme la méta-analyse de Law (2,3). La méta-analyse de Wald y ajoute l’observation d’un pouvoir antihypertenseur environ 5 fois plus important d’une association versus doublement des doses d’un antihypertenseur en particulier. La méta-analyse de Law précisait aussi qu’une diminution de moitié de la dose de référence en diminue l’efficacité d’un cinquième seulement mais avec une réduction des effets indésirables de 80%, du moins pour les thiazides et les antagonistes calciques. La méta-analyse de Wald ne s’intéresse pas aux effets indésirables.

Cette recherche très riche en calculs ne nous éclaire pas sur l’intérêt clinique des diminutions des chiffres tensionnels observées. La durée d’étude est bien trop brève (maximum 12 semaines) pour une telle évaluation, ce qui représente par contre un avantage celui d’une faible proportion de sorties d’étude, source d’erreur d’interprétation possible dans les études de longue durée. Nous disposons de bonnes preuves d’une corrélation directe et indépendante entre la diminution des chiffres tensionnels et une diminution de la morbimortalité cardiovasculaire (4). Une plus-value est également décrite pour certains antihypertenseurs en cas d’hypertension avec comorbidité (5). Une nouvelle méta-analyse de Law (6) montre un bénéfice complémentaire, en sus de l’effet antihypertenseur, pour les bêta-bloquants en termes de diminution des événements cardiovasculaires en post-infarctus (29% ; IC à 95% de 22% à 34%) versus autres antihypertenseurs (15% ; IC à 95% de 11% à 19%) et en termes de prévention de l’AVC pour les antagonistes calciques versus autres antihypertenseurs (RR 0,92 ; IC à 95% de 0,85 à 0,98). L’efficacité d’une trithérapie à faible dose est également évaluée dans cette dernière méta-analyse. Chez des patients âgés de 60 à 69 ans, avec une PAD de 90 mmHg ou une PAS de 150 mmHg, le risque d’incident coronarien diminue de 45% et celui d’AVC de 60% versus respectivement 25% et 35% pour une monothérapie à dose de référence.

 

Pour la pratique

La nouvelle version de la RBP belge concernant l’hypertension artérielle (1) recommande d’initier le traitement avec un diurétique thiazidé (ou apparenté) à faible dose chez les patients hypertendus sans comorbidité. En deuxième choix ou en association avec un diurétique figurent les bêta-bloquants, les IEC/sartans ou les antagonistes calciques en fonction des comorbidités, contre-indications, effets indésirables, interactions et coûts

(GRADE 1A) (1). La méta-analyse de Wald conforte ces recommandations.

 

Conclusion

Cette méta-analyse d’anciennes études montre que l’association d’antihypertenseurs parmi les thiazides, bêta-bloquants, antagonistes calciques et IEC diminue davantage les chiffres tensionnels qu’un doublement de la dose d’un de ces antihypertenseurs chez des patients sans comorbidité cardiovasculaire mais avec hypertension persistante sous monothérapie. Les nombreuses limites de cette méta-analyse en rendent les résultats peu fiables.

 

Références

  1. De Cort P, Christiaens T, Philips H, et al. Aanbeveling voor goede medische praktijkvoering: Hypertensie. Huisarts Nu 2009;38:340-61.
  2. De Cort P. Efficacité de faibles doses d'antihypertenseurs et de leurs associations. MinervaF 2005;4(5):70-2.
  3. Law MR, Wald NJ, Morris JK, Jordan RE.. Value of low dose combination treatment with blood pressure lowering drugs: analysis of 354 randomised trials. BMJ 2003;326:1427-34.
  4. Staessen JA, Wang JG, Thijs L. Cardiovascular prevention and blood pressure reduction: a quantitative overview. J Hypertens 2003;21:1055-76.
  5. Azizi M, Chatellier G, Guyene TT, et al . Additive effects of combined angiotensin-converting enzyme inhibition and angiotensin II antagonism on blood pressure and renin release in sodium depleted normotensives. Circulation 1995;92:825-34.
  6. Law MR, Morris JK, Wald NJ. Use of blood pressure lowering drugs in the prevention of cardiovascular disease: meta-analysis of 147 randomised trials in the context of expectations from prospective epidemiological studies. BMJ 2009;338:b1665.
Traitement antihypertenseur : monothérapie ou association ?



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