Revue d'Evidence-Based Medicine



Le choix du patient déterminant pour l’efficacité du traitement



Minerva 2011 Volume 10 Numéro 9 Page 105 - 105

Professions de santé


 

 

Dans un récent éditorial, Minerva insistait à nouveau sur l’importance d’une communication correcte dans le cadre d’une prise de décision partagée entre le patient et son médecin traitant pour le choix d’un traitement : dans ce cadre l’expertise clinique et scientifique du médecin est respectée tout comme les souhaits du patient (1). Cet aspect souhaits du patient a, entre autres, été illustré dans une analyse publiée par Minerva (2). Des patients se plaignant de gonarthrose ont été traités par ibuprofène en administration locale ou orale. Le lien entre l’efficacité (semblable) des 2 traitements et préférence du patient a été évalué. La tolérance des patients et/ou leur acceptation/banalisation d’effets indésirables pour un traitement étai(en)t plus importante(s) s’ils le percevaient comme bénéfique pour eux.

 

Dans quelle mesure le choix du patient peut-il améliorer les résultats d’un traitement ? Particulièrement pour des affections avec une composante émotionnelle importante telles que la dépression, une influence notable de la préférence du patient sur les résultats thérapeutiques est attendue. La littérature concernant ce domaine montre cependant des controverses. Un traitement médicamenteux est souvent comparé à une psychothérapie, sans montrer de différence (3), ou avec des résultats plus favorables en tenant compte de la préférence du patient (4,5). Les études présentant des résultats positifs sont de qualité méthodologique faible par manque de bras placebo ou pauvreté d’échantillon.

 

Mergl et coll. (6) ont analysé post hoc les données d’une étude clinique randomisée, contrôlée versus placebo comparant l’efficacité de la sertraline (titrée de 50 à 200 mg/j) versus traitement comportemental cognitif (TCC) chez des patients présentant des symptômes dépressifs légers à modérés (score HAMD médian de 16 ; valeurs extrêmes de 12 à 20). Les patients ont été interrogés quant à leur choix préférentiel de traitement. L’influence positive de ce choix personnel n’est apparente qu’après 10 semaines dans le groupe sous TCC (n = 51) : les patients inclus dans ce groupe ayant, initialement, marqué leur préférence pour une TCC et l’ayant effectivement reçu ont un score au HAMD nettement meilleur (p<0,001) : 8,04 points avec IC à 95% de 4,00 à 12,07, résultat statistiquement significatif et cliniquement pertinent.

Dans le bras sertraline (n = 66), une corrélation entre préférence du patient et efficacité du traitement n’est pas significative : de 2,86 points avec IC à 95% de -0,22 à 5,93 et p = 0,07. Un résultat semblable est observé pour les critères réponse thérapeutique et chance de rémission. Les patients préférant une TCC et la recevant ont de meilleurs résultats. La préférence du patient pèse probablement d’autant plus qu’une attente d’une approche comportementale est importante. Soulignons que le nombre de patients est faible dans les deux groupes.

 

Le concept de “discrete choice experiment (DCE)” est entre-temps de plus en plus rencontré dans la littérature médicale, concept introduit il y a 10 ans déjà (7,8). Nous avons abordé dans un éditorial de Minerva ce concept de DCE, méthode de recherche issue du monde économique. Le patient reçoit des scénarii présentant des caractéristiques propres et le patient choisit, sur base de ces caractéristiques, son scénario préféré (9). Un DCE (10) a été récemment évalué pour la dépression : comme dans l’étude de Mergl (6), une préférence nette pour une psychothérapie versus pharmacothérapie est observée.

 

Un dialogue avec le patient concernant le choix du traitement est toujours important, d’autant plus si la préférence du patient peut influencer l’effet du traitement. Ce dialogue est même crucial quand la préférence du patient est éventuellement dommageable pour sa santé (benzodiazépines, antibiothérapie inutile) (1). L’étude de Mergl (6) peut alimenter notre réflexion. Certaines questions persistent cependant :

- de quelle information les patients disposent-ils quand ils avouent leur préférence ?

- que savons-nous de l’unique item du questionnaire FMP (Fragebogen zur Messung der Psychotherapiemotivation) recherchant la préférence ?

- que faisons-nous quand nous modifions la préférence du patient au fil du temps ?

- que faire quand un patient n’a pas de préférence (groupe de patients exclus dans l’étude de Mergl) ?

- que faire quand l’absence de traitement est une option et la préférence du patient ?

De nombreux défis de recherche et dans la pratique quotidienne nous attendent, pour pouvoir implanter une approche centrée sur le patient. La prise en considération de la préférence du patient n’est qu’un des nombreux aspects permettant d’arriver à des soins personnalisés (personalised care) (11). Mergl et coll. nous encouragent à poursuivre dans cette voie.

 

 

 

Références

  1. Poelman T. Quand le patient et le médecin ont des attentes différentes… MinervaF 2011;10(5):53.
  2. Chevalier P. Ibuprofène local ou oral : la préférence du patient. MinervaF 2008;7(6):96.
  3. Leukin Y, Derubeis RJ, Gallop R, et al. The relation of patients’ treatment preferences to outcome in a randomized clinical trial. Behav Ther 2007;38:209-17.
  4. Kocsis JH, Leon AC, Markowitz JC, et al. Patient preference as a moderator of outcome for chronic forms of major depressive disorder treated with nefazodone, cognitive behavioral analysis system of psychotherapy, or their combination. J Clin Psychiatry 2009;70:354-61.
  5. Raue PJ, Schulberg HC, Heo M, et al. Patients’ depression treatment preferences and intiation, adherence, and outcome: a randomized primary care study. Psychiatr Serv 2009;60:337-43.
  6. Mergl R, Henkel V, Allgaier AK, et al. Are treatment preferences relevant in response to serotonergic antidepressants and cognitive behavioral therapy in depressed primary care patients? Results from a randomized controlled trial including a patients’ choice arm. Psychotherapy Psychosom 2011;80:39-47.
  7. Ratcliffe J, Longworth L. Investigating the structural reliability of a discrete choice experiment within health technology assessment. Int J Technol Assess Health Care 2002;18:139-44.
  8. Scott A, Watson MS, Ross S. Eliciting preferences of the community for out of hours care provided by general practictioners: a stated preference discrete choice experiment. Soc Sci Med 2003;56:803-14.
  9. Chevalier P, Laperche J. Le docteur m’a bien visité. MinervaF 2009;8(2):13.
  10. Wittink MN, Cary M, TenHave T,et al. Towards patient-centered care for depression: conjoint methods to tailor treatment based on preferences. Patient 2010;3:145-57.
  11. Alexopoulos GS. Personalizing the care of geriatric depression. Am J Psychiatry 2008;165:790-2.
Le choix du patient déterminant pour l’efficacité du traitement

Auteurs

Desplenter F.
Z.org KU Leuven, UPC KU Leuven; Klinische Farmacologie en Farmacotherapie, KU Leuven
COI :

Laekeman G.
em. Klinische Farmacologie en Farmacotherapie, KU Leuven
COI :

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