Revue d'Evidence-Based Medicine



Intérêt (relatif) de l’aclidinium en cas de BPCO ?



Minerva 2013 Volume 12 Numéro 3 Page 32 - 33

Professions de santé


Analyse de
Jones PW, Singh D, Bateman ED, et al. Efficacy and safety of twice-daily aclidinium bromide in COPD patients : the ATTAIN study. Eur Respir J 2012;40:830-6.


Question clinique
Quelles sont l’efficacité et la sécurité du bromure d’aclidinium versus placebo ou tiotropium chez des patients souffrant d’une BPCO avec VEMS/CV(F) <0,70 et VEMS<80% des valeurs prédites ?


Conclusion
Les données publiées concernant le bromure d’aclidinium dans le traitement de la BPCO se limitent à apporter des preuves d’une efficacité sur des critères spirométriques, à court terme, et pour les plus fortes doses (2 x 400 μg/j), sans preuve d’un intérêt sur la prévention des exacerbations modérées et sévères (nécessitant une hospitalisation).


 

 

Texte sous la responsabilité de la rédaction francophone


 

Contexte

Suivant l’ancienne version du guide de pratique GOLD (1), un bronchodilatateur à longue durée d’action était recommandé, chez des patients souffrant de BPCO et avec, à la spirométrie post-bronchodilatation, un rapport VEMS/CV(F) < 70%, à partir d’un VEMs < 80% des valeurs prédites, seuil unique (non adapté à l’individu) par ailleurs contestable. La proposition de GOLD 2011 (2) d’y ajouter les patients avec un VEMS ≥ 80% et « davantage de symptômes/exacerbations » ne repose pas sur des preuves solides et ce consensus ne fait pas l’unanimité. Les bronchodilatateurs à longue durée d’action sont soit des bêta2-mimétiques à longue durée d’action (salmétérol, formotérol et indacatérol), soit des anticholinergiques à longue durée d’action. Le seul anticholinergique inhalé à longue durée d’action était, à ce jour, le tiotropium. Un autre arrive sur le marché, le bromure d’aclidinium. Quelles sont les données actuellement disponibles pour situer son intérêt ?

 

Résumé

Population étudiée

  • 828 patients avec BPCO (critères GOLD, rapport VEMS/CVF <70% et VEMS <80%), âgés d’au moins 40 ans (âge moyen de 62 ans), (ex)fumeurs avec ≥10 paquets-années (avec une bonne technique d’inhalation)
  • critères d’exclusion : asthme présent ou passé, infection respiratoire ou exacerbation de BPCO dans les 6 semaines précédentes (ou 3 mois si hospitalisation), affection pulmonaire autre qu’une BPCO, status cardiaque instable (y compris infarctus du myocarde) dans les 6 mois précédents, contre-indication aux anticholinergiques.

Protocole d’étude

  • étude randomisée, contrôlée versus placebo, en double-aveugle, multicentrique, multinationale
  • intervention : après une période d’inclusion de 2 semaines, soit bromure d’aclidinium inhalé 200 μg (n=280) soit 400 μg (n=272) 2 x/j, soit un placebo (n=276) tous administrés via un inhalateur à poudre sèche multidoseur (Genuair®)
  • cotraitements chroniques autorisés : salbutamol sauf dans les 6 heures pre test, corticostéroïdes inhalés (CSI), théophyllines retard, corticostéroïdes systémiques à la dose de 10 mg/j ou 20 mg/2 j d’équivalent prednisone, oxygénothérapie <15 h/j
  • contrôle spirométrique aux semaines 1, 4, 8, 12, 18 et 24 et 0,5, 1, 2 et 3 h post-dose lors de 5 de ces contrôles
  • exacerbations de BPCO définies par des symptômes sur 2 jours consécutifs entrainant une utilisation accrue de bronchodilatateurs à courte durée d’action et/ou d’un CSI, d’un antibiotique (= exacerbation légère) et/ou d’un corticostéroïde systémique (exacerbation modérée) ou une hospitalisation (exacerbation sévère)
  • durée d’étude : 24 semaines.

Mesure des résultats

  • critère de jugement primaire : modification du VEMs à la semaine 24, pre dose
  • critères secondaires : meilleure valeur de VEMs dans les 3h post dose matinale, status sanitaire au St George’s Respiratory Questionnaire (SGRQ), dyspnée au Transitional Dyspnoea Index (TDI)
  • exacerbations et effets indésirables également mentionnés dans la publication
  • analyse en ITTm : au moins 1 dose du médicament à évaluer, et au moins 2 évaluations spirométriques (initiale et 1 autre)
  • analyse LOCF.

Résultats

  • 9 patients randomisés non inclus dans l’analyse en ITT
  • critère primaire, VEMs à 24 semaines versus valeur initiale : différence versus placebo de 99 ± 22 ml (p<0,0001) pour le groupe 2 x 200 μg et de 128 ± 22 ml (p<0,0001) pour le groupe 2 x 400 μg
  • critères secondaires
    • meilleur VEMS : différence de 185 ± 23 ml (p<0,0001) et de 209 ± 24 ml (p<0,0001) versus placebo
    • SGRQ : amélioration de - 3,8 ± 1,1 points et -4,6 ± 1,1 versus placebo (p>0,0001 pour les 2) ; davantage de patients avec une amélioration pertinente ≥ 4 points : 56% et 57,3% versus 41,0% (OR de 1,83 et 1,87, IC non donnés, p<0,001 pour les 2)
    • TDI : amélioration de 0,6 ± 0,3 (p<0,05) et 1,0 ± 0,3 (p<0,001) unités ; davantage de patients avec une amélioration pertinente ≥1 unité : 53,3% (p<0,05) et 56,9% (p<0,01) versus 45,5% (OR de 1,47 et 1,68, IC non donnés)
    • exacerbation de BPCO : rapport de fréquence par patient-année pour toutes les exacerbations de 0,72 (IC à 95% de 0,52 à 0,99, p<0,05) et 0,67 (IC à 95% de 0,48 à 0,94, p<0,05) ; pour les exacerbations modérées ou sévères, différences non statistiquement significatives
  • effets indésirables : au total, pas de différence significative ; pas de différence pour la sècheresse de bouche, plus d’infections urinaires sous aclidinium 200 μg, et numériquement davantage de céphalées et de rhinopharyngites.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que l’administration d’aclidinium deux fois par jour améliore la bronchodilatation , le status sanitaire et la dyspnée et est bien tolérée chez des patients présentant une BPCO.

Financement de l’étude 

Almirall SA, Barcelone, Espagne et Forest Laboratories Inc, New-York, USA.

Conflits d’intérêt des auteurs 

4 auteurs ont reçu de plusieurs firmes des honoraires pour consultance ou autres prestations ; les 5 autres auteurs sont employés par une des 2 firmes sponsors.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Les auteurs se sont basés sur une puissance de 90% pour fixer la nécessité d’inclure 244 patients pour montrer une différence de 90 ml dans l’évolution du VEMS. Il est très étonnant qu’ils aient choisi d’emblée une différence non cliniquement pertinente. Les auteurs mentionnent, sans aucune justification, que la taille de l’échantillon offre également une puissance suffisante pour montrer des différences pour les critères secondaires : c’est aussi curieux que non fondé.

La définition d’exacerbation légère est tellement floue qu’elle permet l’inclusion d’évènements qui ne correspondent pas aux critères classiques.

Interprétation des résultats

Le bromure d’aclidinium est un antagoniste muscarinique à longue durée d’action. Il a d’abord été étudié en 1 dose quotidienne à 200 μg mais l’amélioration de VEMS observée n’atteignait pas le seuil minimal de 100-140 ml jugé cliniquement pertinent. Il a ensuite été étudié avec des doses de 2 x 200 μg et 2 x 400 μg/j (3,4) sur de courtes durées (respectivement 2 et 12 semaines).

Cette étude montre une amélioration du VEMs versus valeur initiale de 128 (105 à 140) ml sur les 24 semaines pour la dose de 2 x 400 μg/j, ce qui est donc cliniquement pertinent versus valeur initiale. Pour la dose de 2 x 200 μg, l’amélioration n’est cependant pas pertinente, de 99 (77 à 105) ml. Il faut cependant noter deux éléments importants : 1/ la diminution du VEMS dans le groupe placebo est sensible sur 24 semaines (environ -70ml sur graphique) alors que, dans la pratique, elle est d’environ 60 ml/an chez des patients souffrant d’une BPCO et 2/ sous aclidinium, après une amélioration rapide, le VEMS rediminue graduellement sur 24 semaines. Une comparaison à plus long terme est donc indispensable.

Cette étude cible essentiellement des critères spirométriques. En pratique, ce sont des critères d’évènements cliniques qui sont plus importants. Sans en faire clairement un critère de jugement, ce rapport mentionne les exacerbations de BPCO. Pour les exacerbations modérées ou sévères, il n’y a pas de différence versus placebo. Pour les hospitalisations (= exacerbation sévère), il n’y a donc pas de différence. Versus placebo, l’intérêt de l’aclidinium reste à prouver au point de vue évènements cliniques pertinents.

Autres études

Les publications concernant l’aclidinium sont fort rares. Une étude de phase IIa (3), en permutation sur 3 x 2 semaines, montre chez 30 patients l’intérêt de l’aclidinium 400 μg 2 x/j versus placebo pour le critère évaluation du VEMS sur 24 heures au jour 1 et au jour 15 : chiffres quasi stables sous placebo et amélioration sous aclidinium soit une différence moyenne de 221 (136 à 306) ml au jour 15. Le tiotropium est utilisé comme comparateur actif dans cette étude. Si son efficacité sur le VEMS est de moindre ampleur au jour 1 (p<0,05), au jour 15, il n’y a pas de différence entre les 2 traitements pour ce critère VEMs.

Dans l’étude de phase III ACCORD COPD I (4), un traitement par aclidinium aux doses de 2 x 200 μg et 2 x 400 μg/j est administré versus placebo chez 561 patients présentant une BPCO avec VEMS ≥ 30% mais < 80% des valeurs prédites. Après les 12 semaines de traitement, une amélioration statistiquement significative du VEMS est observée dans les deux groupes aclidinium versus placebo, mais cette différence n’est supérieure au seuil de pertinence clinique que sous traitement 2 x 400 μg. Le maximum d’effet bronchodilatateur sous aclidinium est obtenu dès la première dose. Un effet dépassant le seuil de pertinence clinique est obtenu avec une dose de 2x 400 μg pour le TDI mais non pour le SGRQ. Aucune conclusion n’est possible pour l’incidence d’exacerbations. Les 2 études ACCLAIM, avec à peu près les mêmes auteurs (5), regroupent 843 et 804 patients traités durant 1 an par aclidinium 200 μg 1x/j versus placebo. Elles ne montrent pas de bénéfice pour l’aclidinium pour l’évolution du VEMS et du score SGRQ ; une des 2 études montre un délai de survenue de la première exacerbation (de toute sévérité) augmenté sous aclidinium, avec cette dose de 200 μg, mais l’autre pas.

  

Effets indésirables

Les études citées ci-dessus sont insuffisantes pour estimer correctement le risque d’effets indésirables dans la pratique. Dans l’étude ATTAIN, les sujets présentant une contre-indication aux anticholinergiques étaient exclus d’emblée. Dans le RCP, les effets indésirables survenant dans >1% des cas et plus fréquemment qu’avec un placebo sont : céphalées, rhinopharyngite, toux, diarrhée, sinusite, rhinite, dentalgie, chute, vomissement.

 

Conclusion de Minerva

Les données publiées concernant le bromure d’aclidinium dans le traitement de la BPCO se limitent à apporter des preuves d’une efficacité sur des critères spirométriques, à court terme, et pour les plus fortes doses (2 x 400 μg/j), sans preuve d’un intérêt sur la prévention des exacerbations modérées et sévères (nécessitant une hospitalisation).

 

Pour la pratique

En cas de BPCO avec VEMS< 80% des valeurs prédites, les guides de pratique (1,2) recommandent d’administrer un bronchodilatateur à longue durée d’action. Une synthèse méthodique (6), précédemment analysée dans la revue Minerva (7), ne montrait pas de différence de bénéfice entre le tiotropium, les bêta2-mimétiques à longue durée d’action et les corticostéroïdes inhalés, avec un bénéfice prouvé uniquement chez des patients symptomatiques (dyspnée, exacerbations fréquentes) et avec un VEMS généralement en-dessous de 50%. Une méta-analyse en réseau a ensuite confirmé ces données (8,9). Les données actuellement disponibles pour l’aclidinium ne justifient pas de modifier ces recommandations.

 

 

Références

  1. Global strategy for the diagnosis, management and prevention of COPD. Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease (GOLD) 2010. Available from: http://www.goldcopd.org
  2. Global strategy for the diagnosis, management and prevention of COPD, Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease (GOLD) 2010. Updated December 2011. Available from: http://www.goldcopd.org
  3. Fuhr R, Magnussen H, Sarem K, et al. Efficacy of aclidinium bromide 400 μg twice daily compared with placebo and tiotropium in patients with moderate to severe COPD. Chest 2012;141:745-52.
  4. Kerwin EM, D’Urzo AD, Gelb AF, et al; ACCORD I study investigators. Efficacy and safety of a 12-week treatment with twice-daily aclidinium bromide in COPD patients (ACCORD COPD I). COPD 2012;9:90-101.
  5. Jones PW, Renard SI, Agusti A, et al. Efficacy and safety of once-daily aclidinium in chronic obstructive pulmonary disease. Respir Res 2011;12:55.
  6. Wilt TJ, Niewoehner D, MacDonald R, Kane RL. Management of stable chronic obstructive pulmonary disease: a systematic review for a clinical practice guideline. Ann Intern Med 2007;147:639-53.
  7. Chevalier P. Médicaments inhalés pour le traitement de la BPCO stable. MinervaF 2008;7(3);34-5.
  8. Puhan MA, Bachmann LM, Kleijnen J, et al. Inhaled drugs to reduce exacerbations in patients with chronic obstructive pulmonary disease: a network meta-analysis. BMC Med 2009;7:2.
  9. Chevalier P. BPCO : quel traitement inhalé ? MinervaF 2009;8(8);115.
Intérêt (relatif) de l’aclidinium en cas de BPCO ?

Auteurs

Chevalier P.
médecin généraliste
COI :

Van Meerhaeghe A.
Service de Pneumologie et GERHPAC, Hôpital Vésale, CHU-Charleroi ; Laboratoire de Médecine Factuelle, ULB
COI :

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