Revue d'Evidence-Based Medicine



Approches thérapeutiques non médicamenteuses



Minerva 2002 Volume 1 Numéro 8 Page 9 - 11

Professions de santé


Nous présentons, ici, des discussions relatives à quelques traitements non médicamenteux proposés pour la maladie d’Alzheimer. Seules les thérapies évaluées par des études contrôlées sont analysées. D’autres approches thérapeutiques existent, dont l’efficacité n’est pas démontrée soit en raison d’un nombre trop peu important de patients inclus, soit parce qu’il s’agit d’études de cas ou d’études sans groupe contrôle, sans randomisation, etc. Ces approches, telles que la musicothérapie, la thérapie avec l’appui d’un animal, la thérapie du langage, la luminothérapie, ne sont pas discutées dans cet article. 

La thérapie de réminiscence

Spector A, Orrell M, Davies S,Woods RT. Reminiscence therapy for dementia (Cochrane Review). In: The Cochrane Library, Issue 2, 2002.Oxford: Update Software.  

La thérapie de réminiscence est définie comme le rappel vocal ou silencieux d’événements passés de la vie d’un patient dément, individuellement ou en groupe. Cette technique consiste typiquement en réunions de fréquence au moins hebdomadaire, durant lesquelles les participants sont invités à parler de leur vie antérieure, avec le soutien matériel de photos, de musique, de vidéos ou d’objets signifiants. Dans la mesure où la mémoire des faits anciens est souvent la dernière à se détériorer dans la maladie d’Alzheimer, il en a été inféré que la réminiscence pouvait être un moyen de communication avec les individus à la mémoire déficiente, en se centrant sur une capacité cognitive persistante même à un stade d’évolution avancé de la maladie, et elle est devenue un processus thérapeutique à part entière. À nouveau, les stricts critères de sélection de la Cochrane Library ne retiennent que 2 études randomisées contrôlées valides pour l’évaluation de la technique de réminiscence, mais on ne retrouve par ailleurs aucune autre étude même non randomisée. Ces 2 études concernent 45 patients de plus de 55 ans, dont au moins 60% avec un diagnostic de maladie d’Alzheimer, de troubles cognitifs ou de « syndrome cérébral organique », selon les critères ICD-10, DSM-IV, ou apparentés. Les patients devaient avoir assisté à au moins 8 sessions de réminiscence, rassemblant au minimum 4 personnes, sur une durée minimale de 12 mois, et étaient évalués avant et après le processus thérapeutique au moyen d’instruments validés.   Les conclusions des reviewers sont que les preuves sont insuffisantes pour démontrer une quelconque efficacité de la thérapie de réminiscence et donc pouvoir en recommander l’application. Les quelques bénéfices potentiels soulignés peuvent en fait n’être que le seul résultat des activités d’un groupe structuré ou de l’attention portée aux sujets.De plus, on observe généralement une discordance flagrante entre les évaluations des participants et des non-participants aux groupes de réminiscence. 

L’orientation dans la réalité

Spector A, Orrell M, Davies S,Woods RT. Reality orientation for dementia (Cochrane Review). In: The Cochrane Library, Issue 2, 2002.Oxford: Update Software.  

L’orientation dans la réalité a été décrite comme une technique dont l’objectif était d’améliorer la qualité de vie de patients âgés confus, quelle qu’en soit la cause. Cette approche thérapeutique consiste en la présentation de matériel à visée d’orientation, dans le temps, dans l’espace et par rapport à l’entourage social, dans le but d’améliorer la perception de son environnement par le patient âgé confus, donc, peut-être ses capacités de contrôle et estime de soi. La thérapie peut se dérouler soit de manière continue pendant les 24 heures d’une journée au cours desquelles un staff spécialisé veille en permanence à cadrer et à rassurer les patients, soit sous forme de « classes » qui mettent systématiquement en contact des patients âgés en leur proposant une série d’activités centrées sur l’orientation. Un des outils quasi toujours utilisés pendant ces classes est le tableau d’orientation qui affiche la date, l’heure, le lieu, le nom des participants, le temps qu’il fait, la saison, le prochain repas prévu etc. Ici encore, les stricts critères de sélection de la Cochrane Library ne retiennent que 6 RCTs, sur 125 patients au total, pour évaluer l’impact d’une série de classes d’orientation (de 30 à 60 minutes, de 2 à 5 fois par semaine, pendant 4 à 20 semaines), sur l’évolution des scores successifs d’échelles cognitives et/ou de comportement validées, comparés à ceux de groupes contrôles. Les groupes contrôles bénéficiaient d’une thérapie de réminiscence, d’une thérapie de socialisation mais sans activités d’orientation en groupe, d’une thérapie occupationnelle, ou ne recevaient aucune thérapie.   Malgré certaines réserves méthodologiques, les reviewers concluent à une efficacité des classes d’orientation, à la fois pour les aspects cognitifs et pour les aspects comportementaux, résultats qui permettent de suggérer que la thérapie d’orientation mérite d’être considérée comme une procédure à part entière dans un programme global de prise en charge des patients déments,même s’il est difficile de savoir lesquelles des actions réalisées sont réellement efficaces ou si les résultats constatés perdurent dans le temps. À nouveau, des études prospectives randomisées en double aveugle sont nécessaires pour confirmer ces conclusions.  

La thérapie de validation

Neal M, Briggs M. Validation therapy for dementia (Cochrane Review). In: The Cochrane Library, Issue 2, 2002.Oxford: Update Software.  

La thérapie de validation est une « thérapie pour communiquer avec les patients âgés déments, à un des quelconques stades d’évolution de la démence : désorientation, confusion dans le temps, déplacements répétitifs, et état végétatif » 1. Naomi Feil a eu le mérite de proposer un comportement homogène et cohérent à l’égard du dément, par exemple : reformuler en mots clairs ses phrases parfois confuses ; en cas de doute utiliser des mots laissant place à l’ambiguïté («on», « ils » plutôt qu’un nom précis) ; parler d’une voix claire, lente en utilisant des mots simples et de préférence non anxiogènes («comment» plutôt que « pourquoi ») ; garder un contact visuel étroit pendant les conversations pour soutenir le contact verbal ; construire et maintenir une relation de confiance ; utiliser des supports pour favoriser des réminiscences (musique, photos) ; etc. Les bénéfices de la thérapie de validation ne sont pas documentés par des études rigoureuses, mais relèvent plutôt d’observations empiriques 2, 3. La sélection critique de la Cochrane Library retient, elle, 84 publications dont seules 2 peuvent être utilisées. Ces 2 RCT, qui ne rassemblent que 87 cas utilisables dans une méta-analyse, concernent des patients de plus de 65 ans clairement diagnostiqués Alzheimer (critères ICD-10, DSM-IV ou apparentés). Il n’y a en fait aucune différence statistiquement significative entre les nombreux sous-groupes.

Les reviewers estiment dès lors qu’en raison du très petit nombre d’études de bon design et de l’impossibilité de réaliser une méta-analyse puissante, aucune conclusion et aucune recommandation ne peuvent être tirées concernant l’efficacité de la thérapie de validation.

 

Les traitements centrés sur l’entourage du patient

Que ce soit à son domicile ou en institution, souvent le patient âgé dément est entouré d’un ensemble d’intervenants de proximité (famille, voisinage, para-médicaux). Même s’il existe généralement un intervenant central, tous doivent être considérés comme des soignants, soumis à une charge physique et mentale particulièrement lourde. En dehors de preuves scientifiques probantes, une série de programmes à destination des soignants a été mise sur pied. Les buts de ceux-ci sont multiples : fournir un soutien, éviter l’épuisement et l’abandon, (re)motiver, permettre de supporter l’agressivité et le manque de reconnaissance du patient, réduire le stress, fournir de l’information, assurer une formation spécifique, etc. et peuvent s’organiser individuellement mais surtout sous forme de groupes de support et d’aide ou éducationnels et pédagogiques 4. L’impact sur les malades semble très limité sinon absent, à la fois pour les symptômes cognitifs et pour les symptômes comportementaux 5. Tout au plus, certaines études parlent-elles d’un délai de 12 à 24 mois pour le placement en institution 6. Certains services spécialisés sont également à la disposition des soignants (information en réseau, aide téléphonique), mais leurs résultats sont controversés et parfois contradictoires 7, de même qu’en ce qui concerne le recours temporaire à des structures d’aide extérieure (centre de jour, services à domicile) qui ne diminuent pas toujours leur insatisfaction ou leur épuisement mental 8.

Conclusion

Il n’existe pas de preuve que les approches thérapeutiques présentées ici (thérapie de réminiscence, orientation dans la réalité et thérapie de validation) améliorent ou stabilisent l’état du patient. Elles permettent cependant de rendre la vie du patient et de ses proches plus supportable.

 

Références

  1. Feil N. A New Approach to Group Therapy with the senile psychotic aged. In: Gerontological Society, Winter Conference, San Juan, 1972.
  2. Scanland SG, Emershaw EL. Reality orientation and validation therapy: Dementia, depression, and functional status. Journal of Gerontological Nursing 1993;19:7-11.
  3. Buxton. The effects of running a validation therapy group on staff – client interactions in a day centre for the elderly. University of East Anglia PhD, 1996.
  4. Brodaty H, Roberts K, Peters K. Quasi-experimental evaluation of an educational model for dementia caregivers. Int J Geriatric Psychiatry 1994;9:195-204.
  5. Hebert R, Grouard D, Leclerc G, et al. The impact of a support group programme for caregivers on the institutionalisation of demented patients. Arch Gerontol Geriatr 1995;20:129-34.
  6. Mittelman M, Ferris S, Shulman E, et al. A family intervention to delay nursing home placement of patients with Alzheimer disease. JAMA 1996;276:1725-31.
  7. Brennan P, Moore S, Smyth K. The effects of a special computer network on caregivers of persons with Alzheimer’s disease. Nurs Res 1995;44:166-72.
  8. Flint A. Effects of respite care on patients with dementia and their caregivers. Int Psychogeriatr 1995;7:506-17.
Approches thérapeutiques non médicamenteuses

Auteurs

Roland M.
Centre Universitaire de Médecine Générale, Université Libre de Bruxelles
COI :

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