Revue d'Evidence-Based Medicine



Un an après un AVC, est-il encore utile de pratiquer de la physiothérapie?



Minerva 2003 Volume 2 Numéro 3 Page 47 - 48

Professions de santé


Analyse de
Green J, Forster A, Bogle S, Young J. Physiotherapy for patients with mobility problems more than 1 year after stroke: a randomised controlled trial. Lancet 2002;359:199-203.


Conclusion
La kinésithérapie dans un stade chronique post-AVC a un effet minime quoique significatif sur la mobilité et la vitesse de déplacement du patient, effet limité à la période de traitement. À ce jour, un lien entre une mobilité accrue et des capacités fonctionnelles meilleures, une autonomie ou un bien être général amélioré n’est pas démontré. D’autres études sont nécessaires pour prouver l’efficacité d’une kinésithérapie au long cours post-AVC.


 

Minerva « en bref » vous propose de brefs commentaires sur des publications sélectionnées par le comité de rédaction de Minerva. Des études intéressantes et pertinentes pour les médecins généralistes qui ne doivent pas ou ne peuvent pas être discutées dans un cadre plus large trouvent leur place dans cette rubrique. Chaque sélection est brièvement résumée et accompagnée de quelques commentaires faits par un référent. La rédaction de Minerva vous en souhaite une agréable lecture.

 

Résumé

Un traitement de kinésithérapie est souvent prescrit à des patients au stade chronique post accident vasculaire cérébral (AVC), mais l’efficacité d’un tel traitement est peu documentée. Dans cette étude, l’efficacité de la kinésithérapie est explorée dans un groupe de patients au minimum un an après la survenue d’un AVC. Les patients, âgés de plus de cinquante ans, présentent des problèmes de mobilité persistants : l’utilisation d’une aide pour la marche, une chute dans les trois mois précédents, une aide nécessaire pour emprunter un escalier et/ou une assistance pour la marche sur un terrain inégal et une vitesse de déplacement diminuée. Des patients présentant des problèmes de mobilité provenant d’autres causes, une démence ou d’autres comorbidités importantes sont exclus de l’étude. D’un groupe de 359 participants potentiels, 170 patients sont sélectionnés suivant les critères énumérés supra. Ils sont répartis entre un groupe traitement et un groupe contrôle sans traitement. Le groupe traitement se voit gratifié d’une kinésithérapie durant 3 mois avec au moins 3 séances par semaine. Le traitement est pratiqué par des kinésithérapeutes chevronnés et consiste en rééducation de la marche, exercices fonctionnels et d’équilibre. Les patients sont évalués après 3, 6 et 9 mois quant à leur mobilité, vitesse de déplacement, nombres de chutes, autonomie, activité sociale, dépression et stress lors des soins.

L’étude est en aveugle si les personnes concernées ou les personnes évaluant l’effet ignorent les traitements administrés. Ce processus est, entre autres, utilisé dans des études d’interventions (RCTs) pour éviter une influence sur les résultats de l’étude.">simple aveugle ; l’évaluation des sujets inclus est faite par un observateur indépendant n’ayant pas connaissance du traitement appliqué. Après 3 mois, le groupe traité montre un progrès léger pour la mobilité et plus limité pour la vitesse de déplacement. Le gain est le plus important pour les patients qui présentent les problèmes de mobilité les plus lourds et des chutes dans les trois derniers mois. La vitesse de déplacement est significativement plus élevée chez les patients traités (2,6 mètres/minute). Ni cette mobilité accrue, ni cette accélération de la vitesse de déplacement ne sont encore observées après 6 et 9 mois. Pour les autres paramètres, comme l’autonomie, l’activité sociale, la dépression et le stress lors des soins, aucune différence significative n’est observée entre les groupes traité et non traité.

 

Discussion

Cette étude montre que la kinésithérapie peut améliorer la mobilité et la vitesse de déplacement d’un patient au stade chronique post-AVC. La vitesse de déplacement est un paramètre valide et correctement reproductible de la mobilité. C’est un paramètre étroitement corrélé avec le recours à des aides, avec une fréquence de chute et avec d’autres paramètres de déplacement 1. Le traitement d’un stade chronique post-AVC semble, dans cette étude, surtout nécessaire pour les patients les moins mobiles. Son efficacité se perd cependant à l’arrêt des soins. Le faible gain de mobilité n’a, en plus, aucun effet sur l’autonomie, les activités sociales et le bien-être général du patient et des soignants non-professionnels.

Plusieurs chercheurs ont démontré une efficacité thérapeutique dans un stade chronique post-AVC, mais leur étude portait sur des interventions thérapeutiques spécifiques, comme le myofeedback dans un petit groupe de patients (n = 25) sans groupe contrôle 3.Walé a également démontré, dans une étude très comparable 1, l’efficacité de la kinésithérapie dans un stade chronique post-AVC. Dans son étude également, la vitesse de déplacement était augmentée et sans lien non plus avec de meilleures capacités fonctionnelles. Une étude de Rodriquez 2 montre une efficacité sur les capacités fonctionnelles et le bien être général, mais il s’agit d’une étude de petite envergure (18 personnes) et sans groupe contrôle.

Dans la nomenclature belge actuelle, le patient atteint d’un AVC peut bénéficier d’un traitement de kinésithérapie au long cours, constitué de 1 à 5 séances quotidiennes, dans le cadre d’un remboursement en catégorie E. Il n’y a pas, à l’heure actuelle, d’étude démontrant la pertinence d’un tel traitement au long cours dans un stade chronique post-AVC.Walé démontre dans son étude que l’évolution naturelle de l’affection est probablement une régression continue de la mobilité 1. D’autres études sont cependant nécessaires pour démontrer que la mobilité et la vitesse de déplacement peuvent être garanties par une kinésithérapie au long cours et préciser à quel moment un plateau de capacités fonctionnelles est atteint. Dans l’état actuel des recherches, la kinésithérapie reste à recommander pour le patient chronique post-AVC. Ce traitement chronique doit être d’abord conçu comme une prise en charge essentiellement fonctionnelle et ciblée sur les activités ainsi qu’adapté aux besoins spécifiques du patient considéré individuellement 4, 5.

 

Conclusion

La kinésithérapie dans un stade chronique post-AVC a un effet minime quoique significatif sur la mobilité et la vitesse de déplacement du patient, effet limité à la période de traitement. À ce jour, un lien entre une mobilité accrue et des capacités fonctionnelles meilleures, une autonomie ou un bien être général amélioré n’est pas démontré. D’autres études sont nécessaires pour prouver l’efficacité d’une kinésithérapie au long cours post-AVC.

 

Conflits d’intérêt/financement:

Cette étude est financée par la «Stroke Association » (UK) Aucun conflit d’intérêt n’est mentionné.

 

Références

  1. Wade DT, Collen FM, Robb GF, Warlow CP. Physiotherapy intervention late after stroke and mobility. BMJ 1992;304:609-13.
  2. Bourbonnais, Bilodeau S, Lepage Y, et al. Effect of force-feedback treatments in patients with chronic motor deficits after a stroke. Am J Phys Med Rehabil 2002;81:890-7.
  3. Rodriquez AA, Black PO, Kile, et al. Gait training efficacy using a home-based practice model in chronic hemiplegia. Arch Phys Med Rehabil 1996;77:801-5.
  4. Smith GV, Silver KH, Goldberg AP, et al. Task-oriented exercise improves hamstring strength and spastic reflexes in chronic stroke. Stroke 1999;30:2112-8.
  5. Hesse S, Uhlenbrock D, Werner C, et al. A mechanized gait trainer for restoring gait in nonambulatory subjects. Arch Phys Med Rehabil 2000;81:1158-61.
Un an après un AVC, est-il encore utile de pratiquer de la physiothérapie?

Auteurs

Oostra K.
Centrum voor Lokomotorische en Neurologische Revalidatie, UZ Gent
COI :

Glossaire

aveugle

Code





Ajoutez un commentaire

Commentaires