Revue d'Evidence-Based Medicine



Coxibs versus paracétamol dans la gonarthrose



Minerva 2003 Volume 2 Numéro 9 Page 144 - 145

Professions de santé


Analyse de
Geba GP, Weaver AL, Polis AB, et al. Efficacy of rofecoxib, celecoxib, and acetominophen in osteoarthritis of the knee. A randomized trial. JAMA 2002;287:64-71.


Question clinique
Quelle est l’efficacité des AINS COX-2 sélectifs célécoxib et rofécoxib en comparaison avec le paracétamol chez des patients présentant une gonarthrose ?


Conclusion
Cette étude semble montrer qu’une dose élevée de rofécoxib (25 mg par jour) est plus efficace que du paracétamol (à 4 g par jour). La pertinence de cette différence observée reste cependant peu évidente et doit être confirmée par d’autres études. Les traitements de choix de la gonarthrose restent les exercices thérapeutiques et l’administration de paracétamol. En deuxième choix, un traitement par AINS à la plus petite dose efficace, peut être instauré. Un avantage des coxibs par rapport aux AINS classiques chez des patients arthrosiques en général n’est à ce jour pas suffisamment démontré.


 

Résumé

Contexte

La plupart des guidelines 1, entre autres celui de « l’American College of Rheumatology » 2, recommandent le paracétamol (acétominophène) en premier choix pour le traitement de l’arthrose.

Cette attitude est justifiée par la crainte d’effets indésirables (gastro-intestinaux et autres) liés à l’utilisation des AINS et par le manque de preuve d’une efficacité supérieure des AINS par rapport au paracétamol. Malgré ces recommandations, ce sont surtout les AINS qui, en pratique, sont prescrits chez les patients arthrosiques. Les AINS COX-2 sélectifs (célécoxib et rofécoxib) semblent aussi efficaces que les AINS classiques et provoqueraient moins de toxicité gastro-intestinale. Aucune publication comparative vis-à-vis du paracétamol n’existait.

Population de l’étude

L’étude a inclus des patients de plus de 40 ans présentant une gonarthrose depuis au moins 6 mois. Des 515 patients dépistés, 382 ont été inclus, d’âge moyen de 62,6 ans. Avant le début de l’étude, 77% d’entre eux consommaient des AINS et 23% du paracétamol pour un contrôle adéquat de leur douleur arthrosique. Protocole de l’étude Il s’agit d’une étude en double-aveugle, randomisée, contrôlée (RCT). Après une période de lavage (qui n’autorisait que le paracétamol en cas de forte douleur), les patients ont été répartis aléatoirement dans différents groupes traités soit par rofécoxib 12,5 mg/j (n = 96), soit par rofécoxib 25 mg/j (n = 95), soit par célécoxib 200 mg/j (n = 97), soit avec du paracétamol 4 000 mg/j (n = 94) pendant 6 semaines. Tous les patients ayant pris au moins une dose des médicaments étudiés sont repris dans l’analyse des résultats.

Critères de jugement

Durant la première semaine et après 6 semaines, les critères de jugement suivants ont été évalués à l’aide de WOMAC (WOMAC - Western Ontario and McMaster Osteoarthritis Universities Index)" data-content="Ce test est complété par le patient et se compose de 24 questions sur la douleur du genou (pendant la marche, la montée des escaliers, au lit, assis ou couché, debout), la raideur du genou (après la marche et plus tard dans la journée) et les capacités fonctionnelles du genou (la montée des escaliers, passer de la position assise à la station debout, se tenir debout, se pencher en avant, marcher, monter en voiture et en descendre, faire du shopping, mettre et enlever des chaussettes, sortir du lit, entrer dans la baignoire et en sortir, s’asseoir, s’asseoir et se relever des toilettes, tâches ménagères plus lourdes, tâches ménagères légères). Les réponses sont données sur une échelle de 0 à 4. Le score pour la douleur varie de 0 à 240. L’échelle WOMAC est validée dans plusieurs langues, dont le français et le néerlandais.">l’échelle WOMAC: douleur au mouvement, douleur au repos et rigidité matinale. Le pourcentage de patients présentant une bonne réponse thérapeutique est ainsi calculée.

Résultats

79 % des patients ont terminé l’étude. La sortie d’étude est de 31 % dans le groupe paracétamol versus 18-19 % dans les groupes coxib (dans la moitié des cas pour inefficacité thérapeutique). L’évaluation après 6 jours et après 6 semaines montre une meilleure réduction de la douleur pour tous les critères avec le rofécoxib par rapport au paracétamol et au célécoxib 200 mg/j : la réponse globale après 6 semaines est également significativement meilleure pour le rofécoxib 25 mg/j (60 %) comparé au paracétamol (39 %) et au célécoxib 200 mg/j (46 %). Le rofécoxib 12,5 mg/j montre également une réponse supérieure à celle du paracétamol (56 % versus 39 %). Un peu plus de 50 % des patients de chaque groupe signalent au moins un effet indésirable, principalement des céphalées ou de la diarrhée.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que le rofécoxib 25 mg/j est plus efficace que le paracétamol 4 000 mg/j, que le célécoxib 200 mg/j et que le rofécoxib 12,5 mg/j dans le traitement de la gonarthrose symptomatique.

Financement

La firme Merck, productrice du rofécoxib, a financé cette étude.

Conflits d’intérêts

Tous les auteurs ont des liens avec l’industrie pharmaceutique. Trois des auteurs sont liés à la firme Merck.

 

Discussion

AINS versus paracétamol dans l’arthrose

Le paracétamol et les AINS sont des traitements bien établis pour traiter l’arthrose. Cependant, peu d’études permettent d’étayer un choix entre ces deux classes. Deux études n’ont pu montrer de bénéfice significatif d’un AINS (ibuprofène ou naproxène) par rapport au paracétamol 1, 2 , même si la douleur liée à l’arthrose était plus importante 3 . Dans son étude, March a recherché le traitement optimal individualisé et a constaté que, parmi les 16 patients consommant un AINS à l’initiation de l’étude, 7 avaient changé pour le paracétamol 4 . Les effets indésirables des AINS continuent cependant à poser problème. Dans une troisième étude 5 , étude clinique avec permutation, les personnes incluses sont réparties en deux groupes. Le premier groupe reçoit d’abord le traitement A et ensuite le traitement B, alors que le second groupe sera traité dans l’ordre inverse. Un avantage de ce type d’étude est que le nombre de personnes qu’il est nécessaire d’inclure pour mesurer un effet est petit. Une critique de cette méthode est que l’effet du premier traitement peut être encore présent lorsqu’on débute le deuxième traitement. C’est pour cela qu’après le traitement avec le premier produit, une période sans médicament («wash-out-period», période de «lavage») est le plus souvent intercalée.">étude avec permutation, une combinaison de diclofénac avec du misoprostol montre une meilleure efficacité sur la douleur arthrosique après six semaines, mais 44% des patients jugent un traitement par paracétamol « meilleur » ou « égal » à celui par l’AINS. L’étude a enregistré significativement moins d’effets indésirables dans le groupe paracétamol. L’étude de Geba et al. vient compléter ces données. Les coxibs font peut-être mieux, avec moins d’effets indésirables.

Remarques concernant la méthodologie

Cette étude est méthodologiquement bien menée, mais quelques observations sont à préciser. Aucune information n’est donnée, par exemple quant à la compliance des participants : les doses de paracétamol ingérées sont-elles moindres 6 ?

Il faut bien sûr souligner aussi que le rofécoxib est administré à deux dosages différents, en comparaison avec un seul dosage, le plus faible, de son concurrent, le célécoxib. C’est une bonne opération de marketing. Le plus important demeure la comparaison avec le paracétamol. Un quart des patients consommaient du paracétamol avant le début de l’étude avec un soulagement adéquat de la douleur.

La réponse thérapeutique des consommateurs d’AINS au paracétamol n’est pas mentionnée : échec antérieur d’un traitement au paracétamol ou instauration d’emblée d’un traitement par AINS ?

Certains patients réagissent-ils mieux au paracétamol? Si oui, quels sont-ils ?

Nous n’avons pas de réponse à ces questions.

Signification statistique versus pertinence clinique

Les auteurs démontrent un avantage statistiquement significatif du rofécoxib 25 mg/j.

Ils mentionnent eux-mêmes qu’il n’existe aucun consensus sur l’ampleur de l’effet nécessaire pour être cliniquement pertinente. Leurs conclusions reposent donc sur des résultats statistiques. Après 6 semaines, dans chaque groupe, les patients notent une amélioration subjective de 20 à 30 points sur une échelle qui en comporte 100. Nous ne savons cependant pas le score final : cette amélioration ressentie par le patient passait-elle de douleur « sévère» à « moyenne» ou seulement de «moyenne» à « légère» ?

Le score de réponse thérapeutique est muet sur ce sujet. 60 % des patients traités par rofécoxib 25 mg/j déclarent ressentir une bonne ou très bonne réponse thérapeutique, versus 39 % dans le groupe paracétamol. Ces résultats rejoignent ceux de l’étude de Pincus et collaborateurs 5.

Ceci signifie donc qu’un nombre important de patients est soulagé par le paracétamol et qu’un nombre substantiel des patients ne tire pas de bénéfice suffisant d’un traitement par un coxib.

Selon les auteurs, tous les traitements présentent la même sécurité. Cependant, un peu plus de la moitié des patients déclarent un effet indésirable clinique, essentiellement des céphalées (5-11 %) et des plaintes gastro-intestinales. La durée de cette étude est trop courte, avec une population numériquement trop faible, pour pouvoir mettre en évidence des effets indésirables importants et sévères. La prudence reste de mise, particulièrement dans une population plus âgée.

 

Recommandations pour la pratique

Cette étude semble montrer qu’une dose élevée de rofécoxib (25 mg par jour) est plus efficace que du paracétamol (à 4 g par jour). La pertinence de cette différence observée reste cependant peu évidente et doit être confirmée par d’autres études. Les traitements de choix de la gonarthrose restent les exercices thérapeutiques et l’administration de paracétamol 7-9. En deuxième choix, un traitement par AINS à la plus petite dose efficace, peut être instauré. Un avantage des coxibs par rapport aux AINS classiques chez des patients arthrosiques en général n’est à ce jour pas suffisamment démontré 7, 10.

La rédaction

 

Références

  1. Bradley JD, Brandt KD, Katz BP, et al. Comparison of an inflammatory dose of ibuprofen, an analgesic dose of ibuprofen, and acetaminophen in the treatment of patients with osteoarthritis of the knee. N Engl J Med 1991;325:87-91.
  2. Williams HJ, Ward JR, Egger MJ, et al. Comparison of naproxen and acetaminophen in a two-year study of treatment of osteoarthritis of the knee. Arthritis Rheum 1993;36:1196-206.
  3. Bradley JD, Katz BP, Brandt KD. Severity of knee pain does not predict a better response to an antiinflammatory dose of ibuprofen than to analgesic therapy in patients with osteoarthritis. J Rheumatol 2001;28:1073-6.
  4. March L, Irwig L, Schwarz J, et al. N of 1 trials comparing a non-steroidal anti-inflammatory drug with paracetamol in osteoarthritis. BMJ 1994;309: 1041-6.
  5. Pincus T, Koch GG, Sokka T, et al. A randomised double-blind crossover clinical trial of diclofenac plus misoprostol versus acetaminophen in patients with osteoarthritis of the hip or knee. Arthritis Rheum 2001;44:1587-98.
  6. Bierma-Zeinstra SMA, Bohnen AM, Berger MY, Thomas S. Rofecoxib vs celecoxib vs acetominophen for treatment of osteoarthritis. [letter] JAMA 2002;287:1799.
  7. Projekt Farmaka. NSAID’s. Februari 2002.
  8. http://www.rheumatology.org/research/guidelines/oa-knee/oa-knee.html (consulté le 01.10.03).
  9. Van Baar ME, Assendelft WJJ, Dekker J, et al. Effectiveness of exercise therapy in patients with osteoarthritis of the hip or knee. A systematic review of randomized clinical trials. Arthritis Rheum 1999;42:1361-9.
  10. van Driel M, Art B, Soenen K. De nieuwe COX-2 selectieven: een aanwinst? Huisarts Nu (Minerva) 2000;29(5):189-93.
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