Revue d'Evidence-Based Medicine



Editorial: La Revue Minerva: indépendante et complète?



Minerva 2004 Volume 3 Numéro 5 Page 70 - 70

Professions de santé


 

Un des critères indiscutables participant à la valeur d’une revue scientifique est son indépendance rédactionnelle. Minerva essaie de répondre clairement à ce souci. Mais, cela étant, toute influence peut-elle être systématiquement évitée? Sans doute que non, et ce, malgré toute la volonté de la rédaction de travailler de manière neutre, autonome, objective et scientifique. L’explication en est la difficulté sinon l’impossibilité d’éviter totalement une série de biais qui vont conditionner non pas le contenu des articles mais le choix des sujets qu’ils traitent.

Le premier biais résulte du peu de moyens publics (indépendants) disponibles pour la recherche. Tout récemment encore, des chercheurs belges de haut niveau, issus de toutes les universités, lançaient, notamment dans la grande presse, un signal d’alarme sur ce fait 1. L’industrie et le privé, par contre, disposent de moyens beaucoup plus importants, et peuvent se permettre de financer des recherches cliniques, face aux-quelles la recherche fondamentale et la recherche socio-épidémiologique font figure de parents pauvres. De plus, ces recherches cliniques sont orientées essentiellement vers les traitements (médicamenteux), et, dans une moindre mesure, les diagnostics.

Un deuxième biais est le bien connu biais de non publication 2, qui consiste à trier les recherches présentées pour publication dans des revues ou pour présentation lors de congrès en fonction de l’intérêt des résultats obtenus pour leurs promoteurs. L’analyse quantitative de ce phénomène montre des chiffres impressionnants 3. Parmi les études publiées rapportant des évaluations de médicaments ou de nouvelles stratégies thérapeutiques, au moins 85% présentent des résultats positifs. A l’inverse, parmi les études non publiées (au moins 20%), seules 15% d’entre elles rapporteraient des résultats favorables 4. Une lecture critique rigoureuse et l’application stricte des méthodes statistiques aux méta-analyses permettent dans une certaine mesure de mettre en évidence le biais de non-publication. La réalisation d’un funnelplot dans une méta-analyse, permettant de mettre en évidence une surreprésentation des études avec résultats positifs, est également une aide précieuse. Ce point a été développé dans un récent éditorial de notre revue 5.

Un troisième biais résulte, lui aussi, des importantes capacités de financement des recherches cliniques par l’industrie pharmaceutique, et consiste en une sélection à l’avantage des «nouveaux» médicaments. Il est évident que celle-ci préfère soutenir des recherches évaluant de nouveaux médicaments, potentiellement innovants et source de profits futurs, plutôt que de s’attacher à des molécules anciennes reconnues.

Une évaluation des 542 articles entre juin 2001 et décembre 2002 reflète bien la répartition des études publiées dans les grandes revues médicales, et montre la discordance entre les sujets de celles-ci et l’épidémiologie observée en médecine générale: alors que les pathologies les plus fréquemment rencontrées, de 20 à 40% du total, sont de nature respiratoire (infections virales hautes, bronchite aiguë, bronchiolite, grippe, laryngotrachéite), on ne trouve que très peu d’articles sur les infections des voies respiratoires supérieures et sur la place des traitements antibiotiques. Il est évident que l’intérêt immédiat de l’industrie pharmaceutique est ailleurs.

Bien lire, bien s’informer est donc difficile. Certaines revues indépendantes, comme Minerva, peuvent y contribuer, mais différentes formes de biais et de sélections persisteront. Minerva suit, par vocation, les publications dans les revues mais donc aussi les lacunes dans ces publications. Toujours relativiser les conclusions tirées des articles publiés dans les grandes revues reste notre message et recommandation.

M. Roland  

 

Références

  1. Koninklijke Academie voor Geneeskunde van België -Académie Royale de Médecine de Belgique. De relatie tussen artsen en de farmaceutische bedrijven. Tijdschr Geneeskunde 2002;58:1617-9.
  2. Pestiaux D, Bouilliez DJ, Bouniton M, et al. L’information médicale, une jungle à défricher. Ottignies, Louvain-la-Neuve: Ed Quorum, 1997.
  3. Egger M, Smith GD. Bias in location and selection of studies. BMJ 1998;316:61-6.
  4. Greenhalgh T. How to read a paper? The basics of evidence based medicine. London: BMJ Publishing Group, 1997.
  5. De Meyere M. Manipulations insidieuses: Minerva pas assez critique? MinervaF 2004(3):36-7.
Editorial: La Revue Minerva: indépendante et complète?

Auteurs

Roland M.
Centre Universitaire de Médecine Générale, Université Libre de Bruxelles
COI :

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