Revue d'Evidence-Based Medicine



Montélukast versus salmétérol en ajout au fluticasone dans l'asthme modéré persistant



Minerva 2005 Volume 4 Numéro 1 Page 2 - 4

Professions de santé


Analyse de
Bjermer LF, Bisgaard H, Bousquet J et al. Montelukast and fluticasone compared with salmeterol and fluticasone in protecting against asthma exacerbation in adults: one year, double blind, randomised, comparative trial. BMJ 2003;327:891-901.


Question clinique
Quelle est l’efficacité du montélukast versus salmétérol, en ajout à un traitement de fluticasone en inhalation, sur le nombre d’exacerbations chez des patients adultes présentant un asthme modéré persistant insuffisamment contrôlé par la fluticasone seule?


Conclusion
Cette étude, non exécutée en première ligne de soins,montre que, chez des patients présentant un asthme chronique avec plaintes persistantes, l’adjonction à une faible dose de corticostéroïdes inhalés (fluticasone) d’antagonistes des récepteurs des leucotriènes entraîne autant d’exacerbations que l’adjonction d'un ß2-agoniste de longue durée d’action (salmétérol). D’autres études arrivent à des conclusions équivalentes. Les sympathicomimétiques à longue durée d’action restent le premier choix en raison de leur prix plus avantageux et de la possibilité de leur délivrance sans autorisation préalable.


 

Résumé

Contexte

D’après les recommandations internationales actuelles, un traitement d’entretien combinant des corticostéroïdes inhalés avec des sympathicomimétiques de longue durée d’action sera proposé dans l’asthme chronique modéré à sévère. Une prise en charge alternative serait la combinaison de corticostéroïdes inhalés avec des antagonistes des récepteurs des leucotriènes.

Population étudiée

L'étude inclut 1 490 patients présentant un asthme chronique depuis au moins un an.Le VEMSdevait se situer entre 50 et 90% des valeurs prédites et une amélioration de 12% du VEMS ou du débit expiratoire de pointe est le débit expiratoire maximal atteint lors d’une expiration forcée maximale, après une ins-piration également maximale. Ce test permet d’apprécier globalement la fonction respiratoire et peut être facilement réa-lisé en dehors d’un laboratoire d’épreuves respiratoires fonctionnelles. Ce test est peu spécifique. Sa valeur moyenne chez l’adulte est de 10 l/seconde (600 l/min). La dispersion autour de la valeur de référence est de 15-20 %. La variabilité du DEP (en %) est la différence entre la valeur la plus haute (en soirée) et la valeur la plus basse (le matin) de la journée divi-sée par la moyenne de ces valeurs, multipliée par cent.">débit expiratoire de pointe matinal devait être enregistrée après utilisation d’un ß2- agoniste. En outre, une utilisation quotidienne de corticosteroïdes inhalés et de ß2-mimétique de courte durée d’action était exigée pour l’inclusion. Les critères d’exclusion étaient: l’usage de corticostéroïdes oraux dans le mois avant l’inclusion, l’utilisation de cromoglicates, d’antagonistes des récepteurs des leucotriènes, de ß2-mimétiques de longue durée d’action et d’anticholinergiques dans les deux semaines avant l’inclusion, ou d’antihistaminique ou de théophylline dans la semaine avant l’inclusion. Les caractéristiques de base n’étaient pas différentes d’un groupe à l’autre. L’âge moyen était de 41 ans (ET 13,5) et 55% étaient des femmes. Les symptômes nocturnes sont apparus 2,5 jours (ET 2,5) par semaine. Le VEMS prédit était de 72% (ET 13,5) avec une réversibilité de 18,5% (ET 12,5).

Protocole de l’étude

Cette étude multicentrique, randomisée, en double aveugle, avec médicaments de même présentation, s’est déroulée sur une période de 52 semaines. Après une période d'inclusion de quatre semaines, durant laquelle tous les patients ont reçu 100 µg de fluticasone associé au salmétérol- placebo ou au montélukast-placebo, les participants furent répartis en deux groupes. En plus du fluticasone 100 µg deux fois par jour, le groupe montélukast - fluticasone (n=747) reçoit 10 mg de montélukast par jour et le groupe salmétérol - fluticasone (n=743), 50 µg de salmétérol deux fois par jour.

Mesure des résultats

Le critère d’évaluation primaire est le pourcentage de patients ayant présenté un ou plusieurs épisodes d’exacerbation asthmatique définis comme une recrudescence des symptômes d’asthme pour laquelle une consultation médicale non programmée ou une visite au service des urgences fut nécessaire ou pour laquelle un traitement à base de corticostéroïdes oraux, intraveineux ou intramusculaires est initié. Les critères d’évaluation secondaires sont: la qualité de vie, les symptômes nocturnes, l’utilisation d’une médication d’urgence, les VEMS moyens avant et après l’usage d’un ß2-agoniste et l’amélioration moyenne en pourcentage du VEMS après l’utilisation d’un ß2-agoniste, le débit expiratoire de pointe matinal, l’éosinophilie et le délai précédant la première exacerbation. L’analyse est effectuée en intention de traiter.

Résultats

L'étude inclut finalement 1 255 patients. Les sorties d'étude sont similaires dans les deux groupes. Parmi les participants du groupe montélukast-fluticasone, 20,1% (150/747) des sujets pour 19,1% (142/743) des participants du groupe salmétérol-fluticasone présentent une ou plusieurs exacerbation(s) durant les 48 semaines de durée de l’étude soit une différence non significative de 1% (IC à 95% de -3,1 à 5,0%). Le risque relatif d’exacerbation (montélukast - fluticasone versus salmétérol - fluticasone) est de 1,05 (IC à 95% de 0,86 à 1,29). Pas davantage de différence entre les groupes pour le nombre d’exacerbations et pour les caractéristiques des exacerbations.

En ce qui concerne les critères d’évaluation secondaires, hormis la réversibilité, le débit expiratoire de pointe matinal et l’éosinophilie, aucune différence significative n'est observée entre les deux groupes d’étude. Le groupe salmétérol-fluticasone présente une augmentation significative du débit expiratoire de pointe matinal (34,59 l/min versus 17,73 l/min; p≤0,001). Le groupe montélukast- fluticasone a montré, de façon significative, une moindre diminution de la réversibilité (7,54 versus - 11,26; p≤0,001) mais, contrairement au groupe salmétérol - fluticasone, une diminution significative de l’éosinophilie (-0,04; p≤0,001). Dans le groupe salmétérol - fluticasone, significativement plus d’effets indésirables sont signalés (10,0% versus 6,3%; p=0,01) ainsi que davantage d’effets indésirables sévères (7,4% versus 4,6%; p=0,022).

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que l’adjonction de montélukast au traitement d’entretien par fluticasone pour les patients présentant des symptômes d’asthme persistant est aussi efficace que le salmétérol pour maintenir le contrôle de ces symptômes.

Financement

Merck and Company Inc.

Conflits d’intérêt

Huit des douze auteurs ont été payés par Merck comme orateurs lors de symposiums et/ou comme consultants et/ou comme chercheurs et/ou comme enseignants.Les autres auteurs sont tous employés par la firme Merck.

Discussion

Considérations sur la méthodologie

L’effet anti-inflammatoire des antagonistes des récepteurs des leucotriènes a déjà été prouvé 1. L’action antagoniste sur les récepteurs CysLT1 dans les voies respiratoires et le parenchyme pulmonaire induit une chute de l’éosinophilie dans le sang et dans les crachats. Comparé au placebo, ils pourraient avoir un effet clinique thérapeutique pertinent, mais leur place comme thérapie «addon » dans l’asthme modéré à sévère reste à ce jour imprécise. Cette étude n’a pas été exécutée en première ligne de soins. Les centres recruteurs ont tous une orientation pneumologique ou allergologique. La méthodologie de l’étude est bonne. Le critère d’évaluation primaire, c'est-à-dire le pourcentage de patients présentant un ou plusieurs épisodes d’exacerbations asthmatiques, est une mesure communément admise pour évaluer le contrôle de l’asthme. Contrairement aux études antérieures, cette étude se déroule sur le long terme.

Pour les patients soignés par de faibles doses de corticostéroïdes inhalés, cette étude ne montre pas de différence des résultats entre l’adjonction de salmétérol ou de montélukast. A ce sujet, nous souhaitons faire une remarque importante. Dans cette étude, la dose de corticostéroïde inhalé est relativement basse pour des patients présentant un asthme chronique avec plaintes persistantes, en l'occurrence deux fois 100 µg de fluticasone par jour. Les guides de bonne pratique belges préconisent pour l’asthme modéré chronique persistant une dose de 200 à 1 000 µg de béclométasone (équivalent de 100 à 500 µg de fluticasone) 2. On peut se demander si l’étude aurait livré les mêmes résultats si les chercheurs avaient utilisé, pour cette population d’asthmatiques, une dose «normale» de corticostéroïdes inhalés selon les recommandations actuellement en vigueur. Il est à noter, en outre, que l’analyse des résultats s’est faite par des employés de Merck, ce qui n’exclut pas un biais d’interprétation. Dans leur formulation, les auteurs suggèrent que le montélukast ne serait pas seulement équivalent mais même supérieur aux corticostéroïdes inhalés. Les résultats ne montrent cependant pas cette supériorité.

Autres études

Une précédente étude n’a pu montrer d’avantage en faveur des antagonistes des récepteurs des leucotriènes comme traitement ajouté aux corticostéroïdes inhalés pour l’asthme chronique persistant 3,4. Dans une synthèse, Ducharme conclut que les antagonistes des récepteurs des leucotriènes en tant que médication «addon » aux corticosteroïdes inhalés permettent d'obtenir une amélioration légère du contrôle de l’asthme. Néanmoins, la différence de réduction du nombre d’exacerbations pour lesquelles des stéroïdes systémiques furent nécessaires n’est pas statistiquement significative (RR 0,61; IC à 95% de 0,35 à 1,05). Cette recherche dans la littérature qui s'est clôturée en août 2001,n’a pu retrouver d’étude qui compare l’adjonction d’antagonistes des récepteurs des leucotriènes avec une majoration des doses de corticosteroïdes inhalés 5. Dans une synthèse de la littérature ultérieure du même auteur, deux autres études sont incluses, qui comparent la majoration de la dose des corticostéroïdes à l’adjonction d’antagonistes des récepteurs des leucotriènes. La puissance statistique est la probabilité que l’hypothèse nulle soit rejetée dans une étude et que cette dernière puisse donc mettre en évidence une association réellement existante. La puissance est déterminée par différents facteurs parmi lesquels, la fréquence de la maladie étudiée (prévalence), la taille de l’effet du traitement, le protocole de l’étude et la taille de l’échantillon. Lors de l’instauration de l’étude, les chercheurs optent pour une certaine puissance en fonction de laquelle l’importance de l’échantillon est déterminée. Une puissance statistique de 80% est généralement considérée comme le minimum exigible. Ce qui signifie qu’il existe 80% de chance que l’étude puisse mettre un effet en évidence.">puissance de cette méta-analyse est cependant trop faible que pour se prononcer sur l’équivalence des deux traitements. Il n'est également pas possible de se prononcer sur un éventuel effet des antagonistes des récepteurs des leucotriènes quant à une diminution des doses de corticostéroïdes 6. Clinical Evidence 7 mentionne deux RCTs supplémentaires. Une étude donne un résultat positif (plus de jours sans asthme et moins de réveils nocturnes) pour le montélukast comparé au placebo comme médication «add-on». Une deuxième étude ne montre pas de différence dans le nombre d’exacerbations d’asthme entre l’adjonction de montélukast et le doublement de la dose de budésonide. Deux RCTs, reprises également dans Clinical Evidence, comparent le salmétérol au montélukast comme thérapie «add-on» et montrent, sur une période de douze semaines, la plus-value du salmétérol sur le nombre de jours et de nuits asymptomatiques, sur l’amélioration de la fonction pulmonaire et sur la réduction de l’usage de thérapie d’urgence. Il n'existe cependant pas de différence significative dans le nombre d'exacerbations 8,9. En résumé: une méta-analyse et une RCT supplémentaire n’ont pas pu montrer de plusvalue de l’adjonction d’antagonistes des récepteurs des leucotriènes versus placebo chez des patients asthmatiques qui étaient déjà traités par des corticostéroïdes inhalés. Une autre RCT contredit ce résultat. Comme l’étude de Bjermer, deux autres RCTs n’ont pas pu montrer de plus-value du montélukast versus salmétérol comme médication «add-on» aux corticostéroïdes inhalés.

Conclusion

Cette étude, non exécutée en première ligne de soins,montre que, chez des patients présentant un asthme chronique avec plaintes persistantes, l’adjonction à une faible dose de corticostéroïdes inhalés (fluticasone) d’antagonistes des récepteurs des leucotriènes entraîne autant d’exacerbations que l’adjonction d'un ß2-agoniste de longue durée d’action (salmétérol). D’autres études arrivent à des conclusions équivalentes. Les sympathicomimétiques à longue durée d’action restent le premier choix en raison de leur prix plus avantageux et de la possibilité de leur délivrance sans autorisation préalable.

 

Références

  1. Minoguchi K, Kohno Y, Minoguchi H. Reduction of eosinophilic inflammation in the airways of patients with asthma using montelukast. Chest 2002;121:732-8.
  2. Kegels E, De Sutter A, Michels J, Van Peer W. Aanbeveling voor goede medische praktijkvoering. Astma bij volwassenen. Huisarts Nu 2003;32:275-300.
  3. Robinson ET, Campbell D, Barnes PJ. Addition of leukotriene antagonists to therapy in chronic persistent asthma: a randomised double-blind placebo-controlled trial. Lancet 2001;357:2007-11.
  4. Kips J. Antagonistes des leucotriènes dans l’asthme chronique persistant. MinervaF 2003;2(1):7-9.
  5. Ducharme FM. Anti-leukotrienes as add-on therapy to inhaled glucocorticoids in patients with asthma: systematic review of current evidence. BMJ 2002;324:1545-51.
  6. Ducharme F, Schwartz Z,Kakuma R. Addition of anti-leukotriene agents to inhaled corticosteroids for chronic asthma. The Cochrane Database of Systematic Reviews 2004, Issue 1.
  7. Dennis R, Solarte I, FitzGerald JM. Asthma: Effects of treatments for chronic asthma:Adding leukotriene antagonists plus inhaled corticosteroids in people with mild to moderate, persistent asthma. Clin Evid 2004;11:1978-80.
  8. Ringdal N, Eliraz A, Pruzinec R et al. The salmeterol/fluticasone combination is more effective than fluticasone plus oral montelukast in asthma. Respir Med 2003;97:234-41.
  9. Fish JE, Israel E, Murray JJ et al. Salmeterol powder provides significantly better benefit than montelukast in asthmatic patients receiving concomitant inhaled corticosteroid therapy. Chest 2001;120:423-30.
 
Montélukast versus salmétérol en ajout au fluticasone dans l'asthme modéré persistant

Auteurs

Kegels E.
Vakgroep eerstelijns- en interdisciplinaire zorg, Centrum voor Huisartsgeneeskunde, Universiteit Antwerpen
COI :

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