Revue d'Evidence-Based Medicine



Réévaluation de l’efficacité de la metformine dans le diabète de type 2



Minerva 2013 Volume 12 Numéro 4 Page 49 - 50

Professions de santé


Analyse de
Boussageon R, Supper I, Bejan-Angoulvant T, et al. Reappraisal of metformin efficacy in the treatment of type 2 diabetes: a meta-analysis of randomised controlled trials. PLoS Med 2012;9:e1001204.


Question clinique
Quelle est la balance bénéfice-risque de la metformine par rapport aux autres traitements (tels qu’un régime et d’autres antidiabétiques oraux) en termes de morbidité cardiovasculaire et de mortalité chez les patients présentant un diabète de type 2?


Conclusion
Cette méta-analyse, dont la qualité méthodologique est bonne mais qui inclut des études très hétérogènes, ne peut pas montrer que la metformine, par comparaison aux autres traitements, diminue la mortalité globale et la mortalité cardiovasculaire chez les patients ayant un diabète de type 2.


 

 

Texte sous la responsabilité de la rédaction néerlandophone


 

Contexte

Depuis la publication des résultats favorables de la metformine dans l’UK Prospective Diabetes Study (UKPDS 34) (1,2), un grand nombre de guides de pratique recommandent la metformine comme antidiabétique oral de premier choix pour le traitement du diabète de type 2 (3-5). Il y a pourtant des non concordances dans les résultats de l’étude UKPDS 34. Il a certes pu être montré que le risque de décès était réduit d’un tiers avec la metformine par rapport au régime alimentaire seul (RR de 0,64 avec IC à 95% de 0,45 à 0,91) chez les patients présentant un diabète de type 2 et une surcharge pondérale. Mais une analyse complémentaire a aussi montré que, chez les patients présentant un diabète de type 2 et qui ne sont pas en surcharge pondérale, la mortalité était augmentée lorsqu’ils recevaient de la metformine et un sulfamide hypoglycémiant en association au lieu d’un sulfamide hypoglycémiant seul (RR de 1,60 avec IC à 95% de 1,02 à 2,52). Ce résultat remet en question l’utilisation systématique de la metformine.

 

Résumé

Méthodologie

Synthèse méthodique avec méta-analyse

Sources consultées

  • MEDLINE, Embase, banque de données Cochrane du 1er janvier 1950 au 31 juillet 2010
  • listes de références des méta-analyses
  • pas de restriction de langue.

Études sélectionnées

  • études contrôlées randomisées chez des patients présentant un diabète de type 2
  • metformine versus comparateur : régime alimentaire seul, placebo ou absence de traitement ; ou metformine en traitement complémentaire d’un autre traitement hypoglycémiant ; ou effet de l’arrêt de la metformine 
  • parmi les 25 articles qui semblaient pertinents, 13 ont été retenus.

Population étudiée

13 110 patients ayant un diabète de type 2 depuis 4,8 ans en moyenne (écarts de 0 à 14,5 ans) ; 50% de sexe masculin ; âge moyen de 57,7 ans (écarts de 53 à 64 ans) ; IMC moyen de 30 kg/m² (écarts de 28,5 à 31,8 kg/m²) ; 9 560 patients ont reçu de la metformine, et 3 550 un placebo ou un traitement classique.

 

Mesure des résultats

  • critères de jugement primaires : mortalité globale et mortalité cardiovasculaire
  • critères de jugement secondaires : infarctus du myocarde (fatal et non fatal), AVC (fatal et non fatal), insuffisance cardiaque congestive, maladie vasculaire périphérique, amputation d’un membre, complications microvasculaires
  • analyse en intention de traiter
  • modèle d’effets aléatoires si l’hétérogénéité statistique est importante.

Résultats

  • critères de jugement primaires :
    • mortalité globale (N=11) : diminution non significative : RR de 0,99 avec IC à 95% de 0,75 à 1,31 et test I² 41%
    • mortalité cardiovasculaire (N=10) : augmentation non significative : RR de 1,05, avec IC à 95% de 0,67 à 1,64 et test I² 59% avec la metformine comparativement au traitement témoin
    • sous-groupe recevant de la metformine et un sulfamide hypoglycémiant en association comparativement à un sulfamide hypoglycémiant seul : augmentation significative de la mortalité globale (N=4) avec RR de 1,53 avec IC à 95% de 1,02 à 2,31 et test I² 0% et de la mortalité cardiovasculaire (N=3) avec RR de 2,20 avec IC à 95% de 1,20 à 4,03
  • critères de jugement secondaires : aucune différence statistiquement significative entre la metformine et le traitement témoin.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que, malgré le fait que la metformine soit considérée comme le traitement de référence, la balance bénéfice-risque reste incertaine. L’effet de la metformine sur la mortalité globale peut varier entre une diminution de 25% et une augmentation de 31%, et l’effet sur la mortalité cardiovasculaire, entre une diminution de 33% et une augmentation de 64%. D’autres études sont nécessaires afin de clarifier cette situation.

Financement 

Pas de financement particulier.

Conflits d’intérêt 

MC déclare avoir reçu des honoraires de BMS, de Servier et d’AstraZeneca. 

 

 

Discussion

 

Considérations sur la méthodologie

Sur la base de la check-list PRISMA remplie par les auteurs (supplément à l’article original), nous pouvons estimer que cette synthèse méthodique a été menée correctement, de même que la méta-analyse. Les termes de recherche et les critères d’inclusion utilisés sont clairement mentionnés. La sélection des articles, l’évaluation de leur qualité méthodologique et l’extraction des données d’études ont été effectuées par deux investigateurs de manière indépendante. Parmi les 887 articles trouvés, seules 25 études ont satisfait aux critères d’inclusion. Douze de ces 25 études n’ont pas été incluses, à juste titre, par manque d’informations sur les résultats cliniques : elles n’exploraient, par exemple, que l’effet de la metformine sur le poids et sur l’HbA1c. Sur la base de ces informations, nous pouvons donc conclure qu’il est peu probable que les auteurs aient manqué des études pertinentes sur le plan clinique. Nous pouvons cependant regretter qu’ils n’aient pas vérifié l’absence de biais de publication. La qualité méthodologique des études incluses a été vérifiée au moyen du score de Jadad, moins fiable (6). Pour 10 des 15 études, le score de Jadad était de 4, et ces études avaient été menées en double aveugle. Dans les analyses de sensibilité, les auteurs ont montré que les résultats n’étaient pas influencés par le score de Jadad des études.

Pour repérer l’hétérogénéité statistique, les auteurs ont utilisé le test du Chi² et le test I². En cas d’hétérogénéité statistique importante, ils ont recouru à une analyse en modèle d’effets aléatoires. En plus de l’hétérogénéité statistique importante pour les critères de jugement primaires, les auteurs ont également mentionné une hétérogénéité clinique importante entre les études. L’option de regrouper les études portant sur différentes approches thérapeutiques basées sur la metformine seule, en traitement complémentaire, ou son arrêt, avec des groupes témoins différents s’avère assez problématique et ne tient pas compte du fait que le traitement des patients diabétiques dépend du stade de la maladie.

 

Interprétation des résultats

Cette méta-analyse montre qu’il n’est pas prouvé que, chez les patients ayant un diabète de type 2, la metformine ait un effet protecteur sur la mortalité globale et sur la mortalité cardiovasculaire. L’interprétation de ces résultats requiert cependant une grande prudence. Seul un petit nombre d’études ont été incluses, et seules 5 des 15 études avaient comme critère de jugement primaire des résultats cliniques. En outre, le nombre total d’évènements cardiovasculaires consignés était très faible (la mortalité totale était en moyenne de 2,6% dans le groupe metformine et de 6% dans le groupe témoin). L’hétérogénéité importante entre les études explique aussi que les intervalles de confiance des résultats sont très larges. Les résultats sont en contradiction avec ceux d’autres méta-analyses (7,8), ce qui est sans doute dû au fait que, contrairement aux autres méta-analyses, celle-ci a inclus le sous-groupe de l’étude UKPDS recevant la metformine en traitement complémentaire (UKPDS 34(b)). Comme signalé plus haut, le fait que différents types de traitement et de groupes témoins aient été rassemblés constitue plutôt un point faible de cette méta-analyse. Comme les auteurs eux-mêmes le reconnaissent, il n’y a absolument aucune preuve que les autres traitements hypoglycémiants présentent moins de dangers que la metformine. En effet, tant dans des études contrôlées que dans une récente étude de cohorte, les sulfamides hypoglycémiants ont été associés à un risque accru de mortalité cardiovasculaire et de mortalité globale (9,10). La rosiglitazone (une glitazone, alias thiazolidinedione) a même été retirée du marché en raison d'un risque de mortalité trop élevé. L’insuline a également déjà été associée à une mortalité augmentée (11).

Enfin, les auteurs ont constaté dans une analyse de sous-groupe de la présente méta-analyse que l’association de metformine à un sulfamide hypoglycémiant entraîne une augmentation de la mortalité comparativement à un sulfamide hypoglycémiant seul. Pourtant, de précédentes études n’ont pas pu montrer d’augmentation de la mortalité avec l’association de metformine et d’un sulfamide hypoglycémiant (12-13).

 

Conclusion de Minerva

Cette méta-analyse, dont la qualité méthodologique est bonne mais qui inclut des études très hétérogènes, ne peut pas montrer que la metformine, par comparaison aux autres traitements, diminue la mortalité globale et la mortalité cardiovasculaire chez les patients ayant un diabète de type 2.

 

Pour la pratique

Les recommandations actuelles de la SSMG, du NHG hollandais et de NICE concernant le diabète de type 2 préconisent, après l’échec d’un traitement non médicamenteux par régime alimentaire et exercice physique, d’instaurer la metformine comme traitement médicamenteux de premier choix, sauf contre-indication (3-5). La metformine ralentit la prise de poids, ne provoque pas d’hypoglycémies importantes, est peu onéreuse et diminue les complications cardiovasculaires chez les patients obèses (1,2). Seul NICE propose d’envisager un sulfamide hypoglycémiant au lieu de la metformine lorsque le patient n’est pas en surcharge pondérale ou lorsque la glycémie est très élevée. Cette méta-analyse montre que les études actuelles ne permettent pas de prouver que la metformine ait une action préventive, ni en terme de diminution de la mortalité (globale et cardiovasculaire), ni en terme de diminution de la morbidité cardiovasculaire. Mais il n’est pas évident que la balance bénéfice-risque d’autres antidiabétiques soit meilleure.

 

 

Références

  1. Effect of intensive blood-glucose control with metformin on complications in overweight patients with type 2 diabetes (UKPDS 34).
  2. UK Prospective Diabetes Study (UKPDS) Group. Lancet 1998; 352:854-65.Wens J. Intensieve behandeling van obese diabetes type 2-patiënten. Minerva 1999;28(3):127-8.
  3. Wens J, Sunaert P, Nobels F, et al. Aanbeveling voor goede medische praktijkvoering: Diabetes Mellitus type 2. Berchem/Gent. WVVH/VDV, 2005.
  4. Rutten GE, De Grauw WJ, Nijpels G, et al. NHG-Standaard Diabetes mellitus type 2 (Tweede herziening). Huisarts Wet 2006;49:137-52.
  5. Diabetes type 2. Management. Managing glucose control in type 2 diabetes. Prodigy July 2010.
  6. Chevalier P. Qualité méthodologique et biais dans les RCTs. MinervaF 2010;9(6):76.
  7. Selvin E, Bolen S, Yeh HC, et al. Cardiovascular outcomes in trials of oral diabetes medications: a systematic review. Arch Intern Med 2008;168:2070-80.
  8. Saenz A, Fernandez-Esteban I, Mataix A, et al. Metformin monotherapy for type 2 diabetes mellitus. Cochrane Database Syst Rev 2005, Issue 3.
  9. Riddle MC. Effects of intensive glucose lowering in the management of patients with type 2 diabetes mellitus in the Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes (ACCORD) trial. Circulation 2010;122:844-6.
  10. Roumie CL, Hung AM, Greevy RA, et al. Comparative effectiveness of sulfonylurea and metformin monotherapy on cardiovascular events in type 2 diabetes mellitus: a cohort study. Ann Intern Med 2012;157:601-10.
  11. Gamble JM, Simpson SH, Eurich DT, et al. Insulin use and increased risk of mortality in type 2 diabetes: a cohort study. Diabetes Obes Metab 2010;12:47-53.
  12. ADVANCE Collaborative Group, Patel A, MacMahon S, Chalmers J, et al. Intensive blood glucose control and vascular outcomes in patients with type 2 diabetes. N Engl J Med 2008;358:2560–72.
  13. Wens J, Chevalier P. Intensité du contrôle glycémique et risque cardio-(micro et macro)vasculaire. MinervaF 2008;7(8):124-5.
Réévaluation de l’efficacité de la metformine dans le diabète de type 2



Ajoutez un commentaire

Commentaires