Revue d'Evidence-Based Medicine



La mention des effets indésirables des médicaments? Perfectible !



Minerva 2015 Volume 14 Numéro 3 Page 26 - 26

Professions de santé


La mention des effets indésirables des médicaments? Perfectible !

Lors de l’instauration d’un traitement médical, il convient de mettre en balance les avantages et inconvénients potentiels d’un tel traitement (1). Pour permettre au clinicien de prendre une décision fondée, il est donc très important que les effets indésirables, d’un traitement, observés durant une étude clinique soient rapportés dans leur entièreté. Le caractère complet des mentions des effets indésirables a été évalué par Sivendran et coll. lors d’une recherche dans la littérature oncologique publiée du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 (2).

Cette recherche n’inclut que les études de phase 3 évaluant un traitement pharmacologique chez des patients présentant une tumeur solide. Les auteurs ont rassemblé au total 175 publications (n = 96125 patients) répondant aux critères de recherche. Huit experts ont évalué les publications sur base de 14 critères issus des recommandations CONSORT (Consolidated Standards of Reporting Trials) définissant la manière de décrire les effets indésirables (3). Les résultats montrent que le score de qualité est moindre pour les publications ne mentionnant pas l’origine de leur financement et pour les publications les plus anciennes. Aucune corrélation n’est observée entre le score et l’« impact factor » de la revue concernée. Malgré l’existence d’un score de référence mondialement admis et bien détaillé, définissant clairement des grades de sévérité pour la mention des effets indésirables en oncologie (CTCAE) (4), environ un tiers des publications utilisent des termes aussi vagues que « le schéma est relativement bien supporté » et seule une petite minorité des publications rapportent les effets indésirables se manifestant rarement. Plus de 80% des publications combinent plusieurs grades de sévérité des effets indésirables et moins de 20% mentionnent si un arrêt était prévu en cas de toxicité et si des effets indésirables se répétant chez un même patient étaient ou non considérés comme des évènements pris en compte séparément. Pourtant, plus de 90% des publications spécifient les instruments de mesure des effets indésirables, fait peu étonnant étant donné la disponibilité du système de score CTCAE bien connu dans le monde oncologique. Ce type de score de référence serait d’ailleurs bien utile dans d’autres domaines de la médecine (5). La constatation d’une évolution favorable sur cette brève période de 2009 à 2011 est source d’espoir.

 

Une autre synthèse méthodique (6), concernant également la littérature oncologique, montre des résultats forts semblables à ceux rapportés par Sivendran et coll. Cette autre synthèse concernait toutes les études de phase 3 (N= 325) publiées de janvier 2007 à décembre 2011. Le score médian pour la mention des effets indésirables (AE reporting quality score - AERQS) était de 10,1 sur une échelle à 16 points. Les études sponsorisées par l’industrie avaient en moyenne un score meilleur que celui des études non sponsorisées, observation déjà faite pour des publications dans le domaine du traitement de la douleur (10). Ceci s’oppose en partie à l’argument d’une pression de l’industrie comme base d’une mention suboptimale des effets indésirables. Les études dans lesquelles le bras expérimental présente plus de cas de toxicité que dans le bras traitement de référence ont un score aussi bon que celui des études où c’est l’inverse. Les meilleurs scores sont réalisés par les études intercontinentales (6).

 

Cette mention des effets indésirables ne semble certainement pas plus favorable dans d’autres domaines de la médecine qu’en oncologie (7-10), au vu de l’absence fréquente d’un système de score de référence pour la toxicité (5). Le respect des recommandations CONSORT est par ailleurs évalué de manière fort limitée en dehors de l’oncologie.

 

Nous pouvons conclure que le rapport des effets indésirables observés dans les études cliniques est incomplet, suboptimal et fort hétérogène. Ce problème n’est pas limité aux publications dans des revues présentant un « impact factor » plus faible. Les auteurs, originaux ou de synthèse, et les éditeurs devraient être plus attentifs au suivi correct des recommandations de CONSORT établies il y a 10 ans déjà (3). Bien sûr, cette observation ne peut être isolée du problème du biais de publication. Les études montrant un résultat négatif pour le bras expérimental sont toujours moins publiées ou publiées plus tardivement dans des revues à moindre « impact factor » que les études présentant des résultats positifs (11-14). Les sponsors, les chercheurs, les régulateurs, les éditeurs et imprimeurs de revues partagent une responsabilité commune dans ce domaine. Le but est d’offrir l’information la plus complète aux cliniciens qui devront discuter des balances bénéfices-risques des traitements possibles avec leurs patients lors de l’établissement du plan de soins.

 

 

References

  1. Hippocrates. Epidemics. Book I, Section XI.
  2. Sivendran S, Latif A, McBride RB, et al. Adverse event reporting in cancer clinical trial publications. J Clin Oncol 2014;32:83-9.
  3. Ioannidis JP, Evans SJ, Gøtzsche PC, et al. Better reporting of harms in randomized trials: an extension of the CONSORT statement. Ann Intern Med 2004;141:781-8.
  4. http://ctep.cancer.gov/protocolDevelopment/electronic_applications/ctc.htm
  5. Carlesso LC, Macdermid JC, Santaguida LP. Standardization of adverse event terminology and reporting in orthopaedic physical therapy: application to the cervical spine. J Orthop Sports Phys Ther 2010;40:455-63.
  6. Péron J, Maillet D, Gan HK, et al. Adherence to CONSORT adverse event reporting guidelines in randomized clinical trials evaluating systemic cancer therapy: a systematic review. J Clin Oncol 2013;31:3957-63.
  7. Smith SM, Wang AT, Katz NP, et al. Adverse event assessment, analysis, and reporting in recent published analgesic clinical trials: ACTTION systematic review and recommendations. Pain 2013;154:997-1008.
  8. Breau RH, Gaboury I, Scales CD Jr, et al: Reporting of harm in randomized controlled trials published in the urological literature. J Urol 2010;183:1693-7.
  9. Faggion CM Jr, Tu YK, Giannakopoulos NN. Reporting adverse events in randomized controlled trials in periodontology: a systematic review. J Clin Periodontol 2013;40:889-95.
  10. Sinha S, Sinha S, Ashby E, et al. Quality of reporting in randomized trials published in high-quality surgical journals. J Am Coll Surg 2009;209:565-71.
  11. Koletsi D, Karagianni A, Pandis N, et al. Are studies reporting significant results more likely to be published? Am J Orthod Dentofacial Orthop 2009;136:632-5.
  12. Littner Y, Mimouni FB, Dollberg S, Mandel D. Negative results and impact factor: a lesson from neonatology. Arch Pediatr Adolesc Med 2005;159:1036-7.
  13. Paulson K, Saeed M, Mills J, et al. Publication bias is present in blood and marrow transplantation: an analysis of abstracts at an international meeting. Blood 2011;118:6698-701.
  14. Suñé P, Suñé JM, Montoro JB. Positive outcomes influence the rate and time to publication, but not the impact factor of publications of clinical trial results. PLoS One 2013;8:e54583.

 


Auteurs

Specenier P.
Dienst Oncologie UZ Antwerpen; RIZIV
COI :

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