Revue d'Evidence-Based Medicine



La différence minimale cliniquement pertinente



Minerva 2015 Volume 14 Numéro 3 Page 37 - 37

Professions de santé


La différence minimale cliniquement pertinente

 

Nous avons commenté dans la revue Minerva (1) une RCT (2) évaluant l’intérêt du glycopyrronium inhalé versus placebo chez des patients atteints de BPCO.

St. George’s Respiratory Questionnaire (SGRQ) à la semaine 52 : différence statistiquement significative mais cliniquement non pertinente versus placebo pour le glycopyrronium (et le tiotropium) qui n’atteint pas le seuil de pertinence clinique consensuel de 4 points, et dégradation moindre du VEMS sous glycopyrronium (et tiotropium) versus placebo en valeur absolue, mais diminution inférieure au seuil clinique généralement admis.

Dans les études de non infériorité, une borne de non infériorité est fixée dans le protocole initial et cette borne de non infériorité doit être la moitié ou les 2/3 d’une borne de supériorité qui représente une différence (minimale) clinique pertinente (3).

 

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A quoi correspondent ces différences minimales cliniquement importantes et comment sont-elles déterminées ?

 

Une différence minimale cliniquement importante (Minimal Clinically Important Différence – MCID) est la plus petite différence que les patients considèrent comme importante (4).

Tout en ne niant pas les difficultés pour fixer une telle différence (5), elle peut être déterminée de différentes manières (6).

1. Une première méthode est l’obtention d’un consensus obtenu au sein d’un panel par méthode Delphi par exemple : un avis est demandé aux différents experts participant au panel et soumis ensuite à l’ensemble des membres jusqu’à l’obtention d’un consensus pour une valeur chiffrée précise.

2. La méthode Anchor se base, elle, sur une évaluation qualitative par les patients de leur propre réponse.

Par exemple, une étude cherchant à déterminer le stade symptomatique acceptable (stade à partir duquel ils se considèrent comme se sentant bien) pour des patients souffrant de gonarthrose ou de coxarthrose, en plus du sore WOMAC conventionnel, a mis le résultat individuel pour ce score avec une réponse à la question « considérez-vous que votre état de santé actuel vous satisfait ? »(7).

3. Une troisième méthode potentielle est statistique et est basée sur une distribution des résultats pour un critère. Elle ne fait appel ni à l’opinion d’expert ni à des évaluations faites par les patients. Elle détermine l’ampleur de modification nécessaire pour déterminer que la réponse est supérieure à celle pouvant être liée au hasard. Elle n’est pas validée versus méthode Anchor pour déterminer une MCID (8).

 

 

Cette différence minimale cliniquement importante peut, par extension, être interprétée comme étant un seuil de pertinence clinique pour un résultat pour un critère donné dans une étude. Nous pouvons ainsi faire une distinction, essentielle pour un clinicien, entre un résultat statistiquement significatif et un résultat cliniquement pertinent.

 

Reprenons notre exemple de la RCT (2) évaluant l’intérêt de glycopyrronium inhalé versus placebo chez des patients atteints de BPCO. La différence au score SGRQ est - 3,32 entre le groupe glycopyrronium et le groupe placebo en fin d’étude, avec un IC à 95% de - 5,287 à -1,346 avec une valeur p < 0,001. Ce résultat est statistiquement significatif mais il n’atteint pas la différence clinique minimale cliniquement pertinente au SGRQ, fixée à 4 unités sur données expérimentales et interviews de patients.*

 

*Remarque : certains auteurs estiment qu’il ne faut pas uniquement prendre en compte un résultat moyen (avec IC à 95%) mais également prendre en compte le nombre de répondeurs présentant une réponse plus importante que le seuil fixé. Dans l’étude GLOW2, le nombre de patients avec une réduction d’au moins 4 points au SGRQ est de 54,3% sous glycopyrronium pour 50,8% sous placebo, soit une différence de 3,5%. Cette différence ne paraît pas cliniquement pertinente mais ce jugement est totalement arbitraire en l’absence d’une référence validée de pertinence.

 

 

 

Références

  1. Chevalier P, Van Meerhaeghe A. Intérêt (relatif) du glycopyrronium en cas de BPCO ? MinervaF 2014;13(1):4-5.
  2. Kerwin E, Hébert J, Gallagher N, et al. Efficacy and safety of NVA237 versus placebo and tiotropium in patients with COPD: the GLOW2 study. Eur Respir J 2012;40:1106-14.
  3. Chevalier P. Etude de non infériorité : intérêt, limites et pièges. MinervaF 2009;8(7):100.
  4. Higgins JPT, Green S. Cochrane Handbook for systematic reviews of interventions. Cochrane Book Series. Copyright 2008. The Cochrane Collaboration.
  5. Chevalier P. Pertinence clinique d’un seuil de différence. MinervaF 2011;10(8);103.
  6. McGlothlin AE, Lewis RJ. Minimally clinically important difference. Defining what really matters to patients. JAMA 2014;312:1342-3.
  7. Tubach F, Ravaud P, Baron G, et al. Evaluation of clinically relevant states in patient reported outcomes in knee and hip osteoarthritis: the patient acceptable symptom state. Ann Rheum Dis 2005;64:34–7.
  8. Turner D, Schünermann HJ, Griffith LE, et al. The minimal detectable change cannot replace the minimal important difference. J Clin Epidemiol 2000;63:28-36.

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Auteurs

Chevalier P.
médecin généraliste
COI :

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