Revue d'Evidence-Based Medicine



A quoi faut-il faire attention lors de l’interprétation des résultats des études diagnostiques ?



Minerva 2015 Volume 14 Numéro 6 Page 76 - 76

Professions de santé


A côté de leur sensibilité et de leur spécificité, les tests diagnostiques doivent encore répondre à un certain nombre d’autres critères avant de pouvoir être utilisés dans la pratique clinique. Lors de l’évaluation d’une étude diagnostique et donc aussi lors de sa conception et durant sa conduite, il convient de tenir compte des éléments et mécanismes suivants (1).

1. Aspects liés à l’exécution du test diagnostique utilisé, comme la rapidité avec laquelle il peut être exécuté, son applicabilité et l’interaction du patient avec la procédure du test (avantages et inconvénients sur le plan physique et psychique). Exemple : les hémocultures à prélever à trois reprises durant un pic de fièvre, à apporter rapidement au laboratoire médical et dont on ne connaît le résultat qu’après trois jours, si tant est qu’elles ne se sont pas soldées par un échec, ne sont que peu utiles dans la pratique clinique ambulatoire pour aider à décider si un patient doit être hospitalisé ou s’il doit recevoir un antibiotique.

2. Aspects liés aux résultats des tests, comme leur précision, la possibilité de les interpréter et la rapidité avec laquelle ils sont disponibles. Exemple : il n’y a pas de seuil clair de la valeur du dosage de la CRP au-delà duquel ou au-dessous duquel il faudrait établir ou exclure une pneumonie (2). Il existe en effet une zone grise intermédiaire d’indécision. La précision est déterminée par la sensibilité et par la spécificité. Elles ont rarement toutes les deux un score élevé : une sensibilité élevée va le plus souvent de pair avec une faible spécificité, et vice versa. C’est certainement le cas pour les symptômes et pour les signes cliniques dans le diagnostic de pneumonie. Ainsi, l’absence de toux est un meilleur indicateur pour exclure une pneumonie (3,4) que sa présence pour établir le diagnostic. La toux est donc un test diagnostique utilisable en première ligne. La rapidité avec laquelle le résultat peut être obtenu est déterminante pour l’utilité du test : le dosage de la CRP par le laboratoire nécessite plus de temps qu’au chevet du patient (point of care (POC)), mais même trois minutes pour un dosage au chevet du patient, c’est parfois trop long pour le bon déroulement de la pratique en ambulatoire.

3. Aspects liés au diagnostic visé, comme la rapidité avec laquelle un diagnostic peut et doit être posé, la plus-value au sein du paysage diagnostique dans son ensemble et la confiance des patients et des médecins dans la validité et l’applicabilité du test utilisé. Exemple : si, en plus du dosage de la CRP, nous avons quand même encore besoin d’une radiographie du thorax pour poser le diagnostic de pneumonie, le dosage de la CRP ne contribue pas à l’établissement du diagnostic de pneumonie (bien qu’il puisse être utile pour l’exclure), et cet examen complémentaire nous fait peut-être perdre un temps précieux (2). La confiance dans le dosage de la CRP et l’utilisation qui en est faite en conséquence varient fortement d’une région à l’autre de la communauté européenne : les médecins scandinaves ont plus confiance dans cet examen que les autres médecins d’Europe (5).

4. Aspects liés à la politique thérapeutique, comme le bénéfice lié à de meilleures options thérapeutiques et la confiance des patients et des médecins envers la nouvelle option thérapeutique en fonction du résultat de l’examen. Exemple : un taux de CRP plus élevé pourrait indiquer que le patient aurait avantage à être mis sous antibiothérapie, peu importe qu’il soit atteint de pneumonie ou de bronchite. Telle devrait déjà être l’idée de départ lors de la détermination de la valeur diagnostique du dosage de la CRP. Il faut beaucoup de confiance de la part du médecin et du patient pour introduire un nouvel examen dans le raisonnement décisionnel. Devant un enfant très malade qui présente des signes de pneumonie mais dont le taux de CRP est faible, pouvons-nous ne pas lui prescrire d’antibiotiques ?

5. Aspects liés à la mise en œuvre du traitement, comme la rapidité avec laquelle un traitement peut être instauré, le gain en termes de santé qui découle du traitement et le respect du traitement par les patients. Exemple : dans certains cas, le médecin choisit d’instaurer rapidement une antibiothérapie sans connaître tous les résultats des examens. Une fois connus, les résultats ne servent qu’à fournir une information au médecin sans contribuer beaucoup aux décisions thérapeutiques et au gain ultime pour le patient en termes de santé. Dans de nombreux cas, les médecins restent convaincus qu’avec une antibiothérapie, le gain en termes de santé est garanti, alors que de nombreuses études portant sur la pharyngite, la sinusite, l’otite et la bronchite relativisent très fort cette idée (6). Les patients sentent intuitivement qu’un médecin n’est pas capable de distinguer avec certitude une infection virale d’une infection bactérienne uniquement à partir des symptômes et des signes cliniques ; de ce fait, ils mettent parfois en doute le traitement proposé, ce qui se traduit par un mauvais respect du traitement ou par une perte de confiance dans le médecin (7).

 

Conclusion

Lors de l’évaluation d’un nouvel examen, il ne suffit pas, loin s’en faut, d’en connaître simplement la précision diagnostique. Il est nécessaire d’en évaluer la place et la plus-value dans l’ensemble du raisonnement test-diagnostic-traitement (8). De nombreux nouveaux examens réalisés au chevet du patient (point of care (POC)) qui aident à déterminer les biomarqueurs inflammatoires, comme le dosage de la CRP, ou les caractéristiques des pathogènes, comme leur nature virale ou bactérienne, risquent de n’avoir qu’une faible valeur pour la pratique parce que leur place dans le processus décisionnel et leur gain ultime en termes de santé n’a pas été suffisamment étudié et déterminé. D’un autre côté, l’utilisation combinée des symptômes et des signes cliniques demeure précieuse dans la phase initiale du processus diagnostique. Une recherche mieux orientée est indiquée à ce sujet également.

 

 

Références 

  1. Ferrante di Ruffano L, Hyde CJ, McCaffery KJ, et al. Assessing the value of diagnostic tests: a framework for designing and evaluating trials. BMJ 2012;344:e686.
  2. Coenen S. Le diagnostic de la pneumonie. MinervaF 2004;3(2):24-6.
  3. Michiels B. Valeur des symptômes et des signes cliniques pour le diagnostic de pneumonie chez le jeune enfant. MinervaF 2015;14(6):66-7.
  4. Rambaud-Althaus C, Althaus F, Genton B, D'Acremont V. Clinical features for diagnosis of pneumonia in children younger than 5 years: a systematic review and meta-analysis. Lancet Infect Dis 2015;15:439-50.
  5. Alise Jakobsen K, Melbye H, Kelly MJ, et al. Influence of CRP testing and clinical findings on antibiotic prescribing in adults presenting with acute cough in primary care. Scand J Prim Health Care 2010;28:229-36.
  6. BAPCOC. Guide Belge des traitements anti-infectieux en pratique ambulatoire. Edition 2012.
  7. Appelen L, Michiels B, Fraeyman J, Coenen S. Antibioticabehandeling en therapietrouw van patiënten bij luchtweginfecties in de huisartspraktijk: een kwalitatief onderzoek. Masterproef Huisartsgeneeskunde 2015.
  8. Michiels B. Le raisonnement ‘test-diagnostic-traitement’. [Editorial] MinervaF 2015;14(6):65.

 

 


Auteurs

Michiels B.
Vakgroep Eerstelijns- en Interdisciplinaire Zorg, Centrum voor Huisartsgeneeskunde, Universiteit Antwerpen
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