Revue d'Evidence-Based Medicine



L’EMA rend la recherche clinique plus transparente



Minerva 2015 Volume 14 Numéro 8 Page 91 - 91

Professions de santé


L’EMA rend la recherche clinique plus transparente

La conduite d’une étude clinique requiert au préalable un protocole judicieux qui soit également conforme aux exigences légales d’application. Les investigateurs doivent ensuite respecter un certain nombre d’étapes avant de pouvoir inclure les premiers patients. Certains hôpitaux, par le biais de Centres d’Etudes Cliniques (Clinical Trial Centre), aident leurs chercheurs à concevoir et mener des études cliniques de manière efficace, méthodologiquement correcte et en conformité avec la législation. Ensuite, un comité d’éthique médicale donne un avis contraignant sur l’étude en question. Une étude clinique ne peut pas être menée sans avis éthique favorable. Lorsqu’il s’agit d’une étude d’intervention portant sur un médicament ou sur un dispositif médical, l’étude doit aussi être approuvée par l’Agence Fédérale des Médicaments et des Produits de Santé (AFMPS). Les études d’intervention portant sur un médicament doivent en outre être enregistrées dans la base de données européenne EudraCT (1). Depuis quelques années, cette base de données sert aussi de registre public. Les études sont également souvent enregistrées sur le site ClinicalTrials.gov (2), une base de données de l’U.S. National Institute of Health. Ces enregistrements ont pour but de prévenir les biais de publication.

Si les étapes ci-dessus ont été bien suivies, l’étude peut débuter. Mais qu’en est-il des résultats ? Les résultats des études cliniques ne sont en effet pas tous publiés. Et si les investigateurs les publient, ils peuvent en principe retenir des informations. Par le passé, Minerva a déjà plaidé en faveur d’une circulation transparente des résultats (3-6).

Ces années de combat pour la transparence mené à l’échelon international semblent maintenant porter ses fruits. Une décision de l’Agence Européenne des Médicaments (EMA) stipule que, prochainement, les résultats de toutes les études cliniques seront rendus publics (7). Ceci vaut pour les études portant sur des médicaments qui sont enregistrés suivant une procédure centrale au cours de laquelle l’interlocuteur est l’EMA, mais aussi pour les nouvelles indications de médicaments préalablement enregistrés. On ne sait pas exactement jusqu’à quel niveau les résultats seront disponibles. Pour le moment, il s’agit des rapports d’étude et non des données qui sont à la base de ces rapports. Pour les données individuelles, il faudra donc encore attendre.

En quoi cette avancée est-elle importante ? Tout d’abord, les investigateurs pourront maintenant disposer des rapports des études non publiées. Ensuite, il sera plus aisé de vérifier de manière critique le niveau de preuve. Enfin, il sera moins facile de publier de manière sélective les résultats observés pour mettre en avant les avantages par rapport aux éventuels désavantages. Il faudra cependant peut-être attendre 2019 pour que les premiers rapports soient totalement accessibles au public. L’obligation de mise à disposition du public n’existe qu’à partir d’un an après la clôture de l’étude.

Toutes les études cliniques apparaîtront dans un registre avec un résumé scientifique détaillé et un résumé compréhensible pour le public. A cet égard, la législation européenne diffère de la législation américaine. L’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA, pour Food and Drug Administration) (8) oblige à la mise à disposition du public uniquement pour les études qui ont été menées en vue d’obtenir l’enregistrement. En Europe, la mise à disposition du public vaut également pour les études cliniques portant sur des médicaments qui n’ont pas été commercialisés ou sur des propriétés qui n’ont pas été agréées. Les éditeurs des revues scientifiques ne seront en outre pas autorisés à accepter des publications d’études ou concernant des études aussi longtemps que celles-ci ne sont pas enregistrées dans le registre susmentionné. Depuis le 15 avril 2015, les promoteurs des études cliniques doivent, lors d’une nouvelle demande, déclarer que toutes les autres études en cours ont également été enregistrées. Il existe des plans pour indiquer de manière officielle les promoteurs qui sont en règle de déclarations et ceux qui ne le sont pas.

Il sera possible de retarder l’enregistrement en cas de crainte d’un désavantage commercial à la suite de la publication d’informations confidentielles, par exemple pour les études de phase I portant sur de nouvelles substances. Les promoteurs des études cliniques pourront aussi revendiquer la confidentialité de certaines données, par exemple la structure chimique des substances. On ignore encore jusqu’où ira l’interprétation de ces exceptions.

Entre-temps, le document EMA/42176/2014 circule de manière à obtenir un consensus sur la marche à suivre pour mettre les données à la disposition du public (9). L’EMA promeut un forum pour faciliter la discussion scientifique sur les données cliniques.

Les prochaines années s’annoncent prometteuses en ce qui concerne l’analyse et les explications approfondies des résultats à condition de faire preuve de l’objectivité requise pour (ré) examiner les résultats publiés. Tant les firmes pharmaceutiques que les « investigateurs post hoc » doivent travailler avec l’intégrité nécessaire. Toutefois, les détracteurs de ces mesures continuent de mettre en avant des effets potentiellement négatifs de la transparence : par exemple, selon eux, dans les domaines où règne une forte compétition commerciale, la recherche risque d’être découragée. Ils veulent également renforcer la protection intellectuelle relative aux données cliniques d’efficacité et de sécurité des produits de santé (10).

Enfin, transparence n’est pas synonyme d’intérêt clinique pour le patient, ni d’aide aux soignants pour faire les meilleurs choix thérapeutiques.

Mais ceci est une autre histoire...

 

 

Références 

  1. https://eudract.ema.europa.eu/
  2. https://clinicaltrials.gov/
  3. Michiels B. Chercheurs de la Cochrane menés en bateau. [Editorial] MinervaF 2010;9(9):101.
  4. Van Driel M. Une demi-vérité: le récit des coxibs. [Editorial] MinervaF 2003; 2(9):142-3.
  5. Chevalier P. Rapport bénéfices/risques d’un médicament : mise à jour indispensable. [Editorial] MinervaF 2010; 9(2):17.
  6. Lemiengre M. Que sont les données devenues ? [Editorial] MinervaF 2011;10(7):79.
  7. Groves T. Big strides in Europe towards clinical trial transparency. BMJ 2014;349:G6276.
  8. http://www.fda.gov/
  9. European Medicines Agency: http://www.ema.europa.eu/docs/en_GB/document_library/Other/2014/12/WC500179339.pdf (consulté le 26 juillet 2015).
  10. Cohen D. US trade agreement threatens to increase drug prices and withhold safety data. BMJ 2013;347:f6908.

Auteurs

Laekeman G.
em. Klinische Farmacologie en Farmacotherapie, KU Leuven
COI :

De Nys K.

COI :

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