Revue d'Evidence-Based Medicine



Pas de bêta2-mimétique pour une bronchite aiguë



Minerva 2012 Volume 11 Numéro 1 Page 2 - 3

Professions de santé


Analyse de
Becker LA, Hom J, Villasis-Keever M, van der Wouden JC. Beta2-agonists for acute bronchitis. Cochrane Database Syst Rev 2011, Issue 7.


Question clinique
Quelles sont l’efficacité et la sécurité des bêta2-mimétiques en cas de toux aiguë ou de bronchite aiguë pour des enfants ou pour des adultes ?


Conclusion
Cette synthèse méthodique ne montre pas de bénéfice de l’administration de bêta2-mimétiques à courte durée d’action (par voie orale, rarement sous forme inhalée) en cas de bronchite aiguë chez les enfants ou les adultes… mais elle ne prouve également pas le contraire.


 

Contexte

Une (trachéo)bronchite aiguë provoque de la toux en association avec d’autres symptômes et signes d’infection des voies respiratoires (qui peuvent précéder la bronchite). Dans certains cas, suite à une réactivité bronchique à certains pathogènes (virus, Mycoplasma pneumoniae, Chlamydia pneumonia) (1, 2), des signes d’obstruction bronchique sont présents à l’auscultation (sibilances). D’autre part, la toux est un des symptômes de l’asthme. Pour ces deux motifs, des bêta2-mimétiques sont parfois prescrits en cas de toux (avec ou sans sibilances) liée à une bronchite aiguë. Une méta-analyse (mise à jour) fait le point sur les preuves de leur intérêt dans cette indication.

 

Résumé

Méthodologie

Synthèse méthodique avec méta-analyse

Sources consultées

  • bases de données : CENTRAL de la Cochrane Library (2011, Issue 1), MEDLINE et EMBASE de novembre 2005 à février 2011
  • études présentées lors de conférences
  • liste de références des articles trouvés
  • Science Citation Index
  • précédente SR de la Cochrane sur ce sujet avec ses mises à jour (3)
  • firmes commercialisant les bêta2-mimétiques.

Etudes sélectionnées

  • RCTs avec traitement par bêta2-mimétique (oral ou inhalé) versus non
  • 7 RCTs sélectionnées en tout : 2 chez les enfants (n=109), 5 chez des adultes (n=418) ; 6 comparaisons versus placebo, 1 versus érythromycine (adultes)
  • bêta2-mimétique évalué : salbutamol oral dans 5 études (dont celle versus érythromycine), salbutamol inhalé dans 1 étude et fénotérol inhalé dans 1 étude ; salbutamol oral dans les 2 études d’enfants
  • durée du traitement : de 3 à 7 jours suivant l’étude originale.

Population étudiée

  • patients présentant une toux aiguë ou un diagnostic clinique de bronchite aiguë (moins de 4 semaines), en première ligne de soins
  • âgés de plus de 24 mois ; moyenne d’âge de 3,3 et 3,8 ans pour les 2 études chez les enfants (< 10 ans), enfants ne présentant pas de sibilance
  • ne présentant pas de maladie pulmonaire pré-existante (asthme, maladie pulmonaire chronique obstructive (emphysème ou bronchite chronique), mucoviscidose)
  • sans autre pathologie respiratoire identifiée telle une sinusite, la coqueluche, une pneumonie.

Mesure des résultats

  • critères de jugement primaires : score de toux sur la journée, nombre de patients toussant encore à la fin de l’étude, effets indésirables
  • critères secondaires : caractéristiques spécifiques de la toux (toux nocturne, toux productive), incapacité de travail ou d’activités, bien-être général
  • les résultats sont donnés par les patients via des journaliers ou lors d’un contact téléphonique.

Résultats

  • vu l’hétérogénéité clinique, pas de méta-analyse générale ;
  • pour les enfants : pas de bénéfice pour les différents critères ; tendance (non SS) à davantage de tremor
  • pour les adultes, bêta2-agoniste versus placebo : suivant les sommations possibles, pas de différence pour le nombre de patients avec toux persistante, avec toux nocturne, avec toux productive, pour les incapacités de travail, après 7 jours de traitement
  • pour les adultes, bêta2-agoniste versus érythromycine : moins de patients tousseurs ou avec une toux productive après 7 jours mais pas de différence pour les autres critères
  • effets indésirables chez les adultes : tremor, tremblements, nervosité : risque relatif est le quotient de deux risques (absolus), le risque dans le groupe exposé ou intervention et le risque dans le groupe contrôle. Dans une étude d’intervention, le risque relatif est une estimation de la probabilité que le résultat (par exemple survenue d’un décès) dans le groupe intervention soit autant de fois supérieur (RR > 1) ou inférieur (RR < 1) à celui observé dans le groupe contrôle. Le risque relatif n’a pas d’unité de mesure.">RR 7,94 (IC à 95% de 1,17 à 53,94), nombre nécessaire pour nuire est le nombre de personnes qu’il faut traiter pour observer un critère «négatif » (un effet indésirable ou un décès) consécutif à l’intervention. NNH = 1/AAR de l’issue négative * 100">NNN 2,3.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent qu’il n’y a pas de preuve de l’intérêt d’utiliser des bêta2-mimétiques chez des enfants présentant une toux aiguë s’ils n’ont pas d’obstruction prouvée des voies respiratoires. Ils concluent à de faibles preuves de l’intérêt d’une administration courante de bêta2-mimétiques chez des adultes présentant une toux aiguë. Ces médicaments pourraient réduire les symptômes, y compris la toux, des sujets avec obstruction des voies respiratoires prouvée. Ce bénéfice potentiel est cependant mal étayé par les données disponibles et doit être mis en balance avec les effets indésirables qui sont liés à leur utilisation.

Financement

Center for Evidence-Based Practice, Upstate Medical University, Syracuse, New York, USA.

Conflits d’intérêt

Pas de conflit d’intérêt connu.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Deux chercheurs ont vérifié, indépendamment l’un de l’autre, les recherches bibliographiques initiales et les mises à jour de la Cochrane. Les auteurs n’ont pas trouvé de nouvelle étude malgré une recherche encore étendue ; toutes les études datent de plus de 10 ans. Ils ont refait une sélection plus stricte des études à inclure dans la synthèse. L’évaluation de la qualité méthodologique initiale reposait sur les critères de Jadad. Pour cette mise à jour, l’approche Cochrane actuelle de recherche des risques de biais a été utilisée : dans la majorité des études les auteurs ne peuvent exclure plusieurs risques de biais. Vu le nombre faible d’études, les auteurs n’ont pas, à juste titre, réalisé de funnel plot à la recherche d’un biais de publication et soulignent la puissance limitée de leur synthèse. Dans les études originales, différents symptômes importants pour le patient sont choisis comme critères de jugement. Les auteurs de cette synthèse ont choisi par consensus, sans connaître le résultat pour l’item, certains parmi ces critères dans les études originales : p. ex. persistance et sévérité de la toux, score de toux quotidien (rapporté, pas de compteur de toux), caractéristiques spécifiques de la toux, incapacité de travail ou d’activités, bien-être général… Cette extraction des données est rigoureuse. Ils ont réalisé les analyses en modèle d’effets fixes ou aléatoires suivant l’absence ou la présence d’hétérogénéité. Une des difficultés majeures est la définition de bronchite : si elle est précise au niveau physiopathologique, elle n’est pas claire au niveau clinique et l’homogénéité clinique des populations incluses est donc loin d’être garantie (voir paragraphe suivant).

Interprétation des résultats

Dans les sept études originales reprises, les patients inclus sont ceux avec diagnostic clinique de bronchite (sans critères universels déterminés) ou de toux (qui n’est pas nécessairement liée à une bronchite ; une pneumonie, une sinusite ou un refroidissement est possible). Les co-interventions médicamenteuses (antitussifs, antibiotiques) sont ou non interdites ; si elles sont autorisées, elles ne sont pas toujours rapportées.

Les deux études chez les enfants excluent soit ceux avec auscultation pulmonaire anormale soit ceux avec obstruction bronchique nécessitant une bronchodilatation. Dans les quatre études chez les adultes mentionnant cette caractéristique, de 20 à 44% des patients présentent des sibilances. Tous ces éléments illustrent l’hétérogénéité des populations incluses.

L’analyse pour certaines comparaisons précises montre bien les limites de cette synthèse.

Par exemple, une étude montrant une supériorité du salbutamol sirop sur l’érythromycine (4)  inclut 42 patients au total, dont 8 ne terminent pas l’étude sur 7 jours. Les patients ne présentent pas de pneumonie ; les sibilances initiales sont fréquentes : 47% dans le groupe salbutamol, 41% dans le groupe érythromycine. En outre, l’analyse des résultats n’est pas faite en ITT.

Les auteurs reprennent (dans leur résumé également) les résultats d’un sous-groupe (35 patients) de l’étude de MELBYE (5), étude déjà petite (73 participants). Pour ces patients avec sibilances initiales, VEMS < 80% des valeurs prédites ou test métacholine positif, le fénotérol est supérieur au placebo pour les scores de diminution des symptômes. Pour les 15 patients ayant le seul critère sibilances initiales, il n’y a pas de différence. Deux remarques majeures, en plus du nombre faible d’inclus, sont à faire pour ces résultats. L’étude de MELBYE est celle qui a le plus de risque de biais, étant même cotée négative pour un biais de mention incomplète des résultats. Le sous-groupe est très probablement majoritairement constitué de patients asthmatiques non diagnostiqués comme tels. Il est donc vraiment peu fiable d’en conclure qu’il y a une faible preuve de l’intérêt des bêta2-mimétiques chez des adultes présentant une toux aiguë !

Le dernier problème majeur est la forme d’administration des bêta2-mimétiques : 2 études seulement évaluent des bêta2-mimétiques inhalés et aucune des 2 n’est effectuée avec une chambre d’expansion qui assure une meilleure distribution du médicament. Il n’est pas du tout certain que la balance bénéfices-risques soit identique entre des bêta2-mimétiques administrés oralement et des bêta2-mimétiques administrés en inhalation.

 

Conclusion de Minerva

Cette synthèse méthodique ne montre pas de bénéfice de l’administration de bêta2-mimétiques à courte durée d’action (par voie orale, rarement sous forme inhalée) en cas de bronchite aiguë chez les enfants ou les adultes… mais elle ne prouve également pas le contraire.

 

Pour la pratique

La RBP belge concernant la toux aiguë (6) concluait que plusieurs patients avec infection respiratoire présentent, en dehors de la toux, des signes d’obstruction des voies respiratoires. Malgré ce fait, les preuves d’un intérêt de l’administration en routine de bêta2-mimétiques pour le traitement de la toux aiguë sont faibles. Cette conclusion reposait sur les versions précédentes d’une synthèse de la Cochrane Collaboration. Cette nouvelle version de cette synthèse n’a pas trouvé de nouvelle étude. En dehors de la présence de sibilances, aucun bénéfice n’est observé pour les enfants comme pour les adultes.

 

Références

  1. Hahn DL, Dodge RW, Golubjatnikov R. Association of Chlamydia pneumoniae (strain TWAR) infection with wheezing, asthmatic bronchitis, and adult-onset asthma. JAMA 1991;266:225-30.
  2. Melbye H, Kongerud J, Vorland L. Reversible airflow limitation in adults with respiratory infection. Eur Resp J 1994;7:1239-45.
  3. Smucny J, Becker L, Glazier R. Beta2-agonists for acute bronchitis. Cochrane Database Syst Rev 2006, Issue 4.
  4. Hueston WJ. A comparison of albuterol and erythromycin for the treatment of acute bronchitis. J Fam Pract 1991;33:476–80.
  5. Melbye H, Aasebø U, Straume B. Symptomatic effect of inhaled fenoterol in acute bronchitis: a placebo-controlled double-blind study. Fam Pract 1991;8:216-22.
  6. Coenen S, Van Royen P, Van Poeck K, et al. Acute hoest. Aanbeveling voor goede medische praktijkvoering. Domus medica 2002; herziening 2011.

 

Pas de bêta2-mimétique pour une bronchite aiguë



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