Revue d'Evidence-Based Medicine



Maladie de Parkinson : un adjuvant (et lequel) au lévodopa en cas d’épisodes « off » ?



Minerva 2011 Volume 10 Numéro 10 Page 127 - 128

Professions de santé


Analyse de
Stowe R, Ives N, Clarke CE, et al. Evaluation of the efficacy and safety of adjuvant treatment to levodopa therapy in Parkinson´s disease patients with motor complications. Cochrane Database Syst Rev 2010, Issue 7.


Question clinique
En cas de maladie de Parkinson traitée par lévodopa et de survenue d’épisodes « off », un traitement par adjuvant est-il plus efficace et sûr qu’un placebo, et lequel faut-il préférer ?


Conclusion
Cette synthèse méthodique confirme l’efficacité de différentes classes de médicaments (agonistes dopaminergiques, inhibiteurs de la catéchol-O-méthyl transférase et inhibiteurs de la monoamine oxydase de type B) en ajout à la lévodopa chez des sujets présentant une maladie de Parkinson et présentant des troubles moteurs sous lévodopa. Les agonistes dopaminergiques pourraient être plus efficaces mais avec aussi davantage d’effets indésirables (dyskinésie).


 

Contexte

Une des complications d’un traitement au long terme de la maladie de Parkinson avec la lévodopa est l’apparition de troubles moteurs. Environ 40% des patients sous lévodopa depuis 4 à 6 ans présentent des complications motrices (1). Le traitement de ces troubles et le choix entre 3 classes de médicaments (agonistes dopaminergiques, inhibiteurs de la catéchol-O-méthyl transférase (COMTIs), inhibiteurs de la monoamine oxydase de type B (IMAO B)) pour les traiter (en ajout à la lévodopa) restent l’objet de discussions. Cette méta-analyse fait le point dans ce domaine.

 

Résumé

Méthodologie

Synthèse méthodique avec méta-analyse

Sources consultées (jusque fin 2008)

  • bases de données : CENTRAL de la Cochrane Library, MEDLINE, EMBASE, PubMed, LILACS, Web of Science
  • journaux majeurs dans le domaine
  • comptes rendus de conférences
  • listes de références des publications identifiées
  • données non publiées demandées à l’industrie pharmaceutique.

Etudes sélectionnées

  • RCTs (y compris la première phase d’études en permutation) comparant agonistes dopaminergiques, COMTIs, IMAO B versus placebo, sur fond de traitement avec la lévodopa, sans autre différence thérapeutique entre les bras d’études
  • exclusion : études avec système transdermique, données incomplètes sur certaines parties d’étude, présence de troubles moteurs non certifiée, randomisation effective non certaine, dose unique administrée, administration intraveineuse de médicaments
  • 44 RCTs retenues, toutes en double-aveugle et en analyse en intention de traiter ; durée moyenne de suivi de 20 semaines (écarts de 4 semaines à 2 ans, 82% ≤6 mois).

Population étudiée

  • 8 436 patients (de 23 à 687 par étude) présentant une maladie de Parkinson (en moyenne de 9 ans de durée) diagnostiquée par les chercheurs, ayant développé des troubles moteurs sous lévodopa (traitement de toute durée) ; pas de restriction d’âge ; âge moyen de 63 ans ; 60% d’hommes.

Mesure des résultats

  • critère de jugement primaire : réduction du temps en état « off »
  • critères secondaires : dose de lévodopa, modifications au score de handicap (score Unified Parkinson’s Disease Rating Scale (UPDRS)), incidence de dyskinésie et de dystonie, fréquence des effets indésirables, mortalité, observance thérapeutique et arrêts de traitement, qualité de vie et données en économie de la santé
  • comparaisons indirectes entre les 3 classes de médicaments et intraclasses, à titre d’hypothèse.

 

Résultats

  • critère primaire : réduction du temps en état « off » (N=29, n=5331 (70%))
    • réduction moyenne d’une heure par jour (-1,05 h/24 h ; IC à 95% de -1,19 à -0,90 ; p<0,00001 ; hétérogénéité significative) pour les adjuvants actifs versus placebo
    • comparaisons interclasses indirectes : suggestion d’une plus grande efficacité des agonistes dopaminergiques (-1,54 h/j, IC à 95% de -1,83 à -1,26 ;p<0,00001) vs COMTI (-0,83 h/j ; IC à 95% de -1,04 à -0,62 ; p<0,00001) et vs IMAO B (-0,93 h/j ; IC à 95% de -1,25 à -0,62 ; p<0,00001).
  • critères secondaires
    • effet favorable pour les adjuvants actifs versus placebo pour les critères de dose moindre de lévodopa, de score UPDRS amélioré
    • sous adjuvant actif vs placebo, aggravation de : dyskinésie, effets indésirables
    • score UPDRS (activités de la vie quotidienne non motrices et motrices, score global) mieux amélioré sous agoniste dopaminergique, mais dyskinésie plus grande qu’avec les comparateurs (comparaisons indirectes).

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que versus placebo, un traitement adjuvant réduit le temps en état « off », la dose de lévodopa et améliore le score UPDRS chez des patients souffrant d’une maladie de Parkinson et développant des troubles moteurs sous lévodopa. Cependant, ceci est au prix d’un accroissement de la dyskinésie et de nombre d’autres effets indésirables. Des comparaisons indirectes suggèrent qu’un traitement par antagoniste dopaminergique pourrait être plus efficace que les COMTI ou IMAO B, ces deux derniers étant comparables en efficacité. Ces comparaisons indirectes sont à interpréter avec précaution ; des études randomisées avec comparaison directe sont nécessaires pour évaluer l’impact de ces différentes classes thérapeutiques sur la qualité de vie générale évaluée par le patient.

Financement

Parkinson’s Disease Society, UK.

Conflits d’intérêt

Un auteur déclare avoir été payé pour consultance pour différentes firmes pharmaceutiques ; 4 auteurs déclarent avoir été impliqués dans une des études reprises.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Cette méta-analyse est de bonne qualité méthodologique : question de recherche précise et pertinente, recherche systématique dans plusieurs bases de données validées, critères stricts de sélection des études, extraction des données par 2 chercheurs indépendamment l’un de l’autre, analyse de l’hétérogénéité (test I²). Soulignons cependant que les auteurs ne signalent pas avoir recherché un biais de publication, qu’ils décrivent certaines caractéristiques méthodologiques des études incluses mais n’attribuent pas de score et n’excluent aucune étude lors des sommations.

Les auteurs signalent les limites des études incluses : 82% d’une durée de six mois ou moins, ce qui est peu pour cette affection chronique évolutive. Ils soulignent aussi le caractère hypothétique de leurs analyses de comparaisons indirectes interclasses comme intraclasses.

Interprétation des résultats

Cette synthèse concerne des patients d’un âge moyen de 63 ans souffrant de maladie de Parkinson évoluant depuis 9 ans environ, développant sous lévodopa des complications motrices. Ces complications motrices sont des mouvements anormaux involontaires (dyskinésie) et des fluctuations motrices (perte d’efficacité précoce après chaque administration du médicament et passage non prévisible d’une phase mobile « on » à une phase de non mobilité relative « off »). La synthèse confirme les résultats des études individuelles montrant l’intérêt d’une thérapie adjuvante avec un agoniste de la dopamine (pramipexole, bromocriptine, ropinirole, pergolide), un inhibiteur de la catéchol-O-méthyl transférase (COMTIs : entacapone, tolcapone) ou un inhibiteur de la monoamine oxydase de type B (IMAO B : rasagiline, sélégiline) pour réduire les périodes « off », les doses requises de lévodopa et améliorer le score UPDRS chez ces patients. Les comparaisons indirectes pour la réduction des périodes « off », pour la réduction de la dose de lévodopa, pour le score UPDRS montrent un intérêt plus important des agonistes de la dopamine, sans différence prouvée entre les différents médicaments de cette classe (sauf pour la réduction de la dose de lévodopa avec un avantage en faveur du pergolide et du score UPDRS en faveur du pramipexole). Nous avons insisté sur la valeur hypothétique de ces observations.

Effets indésirables

L’amélioration observée sous traitement adjuvant actif dans cette synthèse se fait au détriment d’une augmentation de la dyskinésie, de l’apparition (aggravation) de nombreux autres effets indésirables : constipation, troubles de l’équilibre, hallucinations, hypotension, insomnie, nausées et vomissements et somnolence. Il n’y a pas de différences notables entre les 3 classes de médicaments évaluées sauf pour la diarrhée, plus fréquente sous COMTIs que sous autre adjuvant. Comme le mentionne les auteurs, dans la pratique quotidienne, la population concernée par ces troubles moteurs sous lévodopa est en moyenne plus âgée que celle incluse dans les études. L’incidence d’effets indésirables pourrait donc être plus grande. La sévérité et la persistance de ces effets indésirables ne peuvent être évaluées (études généralement de courte durée) ; il y a cependant une tendance à davantage d’arrêts d’étude pour effets indésirables sous traitement actif versus placebo, alors que globalement les arrêts d’étude sont moins fréquents sous adjuvant, ce qui indique peut-être une meilleure satisfaction du patient pour un traitement actif. Les évaluations pour la qualité de la vie sont fort rares dans les études incluses dans cette synthèse et leurs conclusions ne sont pas concordantes.

 

Conclusion de Minerva

Cette synthèse méthodique confirme l’efficacité de différentes classes de médicaments (agonistes dopaminergiques, inhibiteurs de la catéchol-O-méthyl transférase et inhibiteurs de la monoamine oxydase de type B) en ajout à la lévodopa chez des sujets présentant une maladie de Parkinson et présentant des troubles moteurs sous lévodopa. Les agonistes dopaminergiques pourraient être plus efficaces mais avec aussi davantage d’effets indésirables (dyskinésie).

 

Pour la pratique

Le guide de pratique de SIGN de janvier 2010 (2) recommande (Niveau A) pour réduire les fluctuations motrices sous lévodopa administré pour une maladie de Parkinson : les antagonistes dopaminergiques (rotigotine, pramipexole et ropinirole de préférence), IMAO B, COMTI (entacapone de préférence). Une synthèse plus récente de la littérature de la Revue Prescrire (3) montre l’efficacité de : fractionnement de la dose de lévodopa, ajout d’un agoniste dopaminergique (le pramipexole étant le mieux évalué), d’un inhibiteur de la catéchol-O-méthyl transférase (l’entacapone ayant un meilleur rapport bénéfice-risque) ou d’un inhibiteur de la monoamine (meilleures preuves pour la rasagiline). L’administration d’apomorphine en injection sous-cutanée, le lévodopa (+ carbidopa) en gel directement administré par sonde dans le duodénum et une stimulation électrique du noyau ventral du noyau sous-thalamique sont des alternatives possibles, à des stades plus évolués de la maladie, mais avec des preuves moins solides.

Cette méta-analyse est reprise dans les deux sources citées ci-dessus.

 

Références

  1. Ahlskog JE, Muenter MD. Frequency of levodopa-related dyskinesias and motor fluctuations as estimated from the cumulative literature. Mov Disord 2001;16:448-58.
  2. Scottish Intercollegiate Guidelines Network. Diagnosis and pharmacological management of Parkinson’s disease. A national clinical guideline. January 2010.
  3. Traitement de la maladie de Parkinson. Réduire les fluctuations motrices sous lévodopa. Rev Prescr 2011;31:273-9.

 

Noms de marque (novembre 2011)

1. Agonistes de la dopamine

- dérivées de l’ergot : bromocriptine : Parlodel®

- autres : pramipexole : Mirapexin®, Sifrol®, Pramipexol Sandoz®; ropinirole : Requip®, Ropinirole Mylan®; rotigotine : Neupro®

2. Inhibiteurs de la catéchol-O-méthyl transférase : entacapone : Comtan®; tolcapone : Tasmar®

3. Inhibiteurs de la monoamine oxydase de type B : rasagiline : Azilect®; sélégiline : Eldepryl®

Maladie de Parkinson : un adjuvant (et lequel) au lévodopa en cas d’épisodes « off » ?



Ajoutez un commentaire

Commentaires