Revue d'Evidence-Based Medicine



Post AVC : kinésithérapie après 6 mois ?



Minerva 2011 Volume 10 Numéro 9 Page 110 - 111

Professions de santé


Analyse de
Ferrarello F, Baccini M, Rinaldi LA, et al. Efficacy of physiotherapy interventions late after stroke: a meta-analysis. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2011;82:136-43.


Question clinique
Quelle est l’efficacité de la kinésithérapie plus de six mois après un AVC sur les résultats moteurs et fonctionnels ?


Conclusion
Cette méta-analyse semble montrer l’intérêt de la poursuite d’une kinésithérapie classique au-delà de 6 mois après un AVC, mais les nombreuses limites méthodologiques des études incluses, l’hétérogénéité des populations (souvent faibles) incluses, ne permettent pas de conclusions précises pour la pratique.


 

 

Contexte 

L’AVC est une cause majeure de morbidité et de mortalité en Occident (1). Un concept de plateau prévaut dans la récupération fonctionnelle des patients ayant présenté un AVC : la récupération neurologique est souvent plus importante dans les 3 premiers mois. Les possibilités d’une récupération supplémentaire grâce à une réhabilitation motrice et à de la kinésithérapie à plus long terme après AVC étaient mal évaluées.

 

Résumé

Méthodologie

Synthèse méthodique et méta-analyse d’études cliniques randomisées

Sources consultées

  • bases de données : MEDLINE, PEDro, Cochrane Central Register of Controlled Trials, Cochrane Database of Systematic Reviews, CINAHL, ISI Web of Science et Embase, sans limite de temps, jusqu’en janvier 2010
  • listes de référence des articles pertinents
  • recherche manuelle dans les principaux journaux
  • articles en Italien ou en Anglais.

Etudes sélectionnées

  • critères d’inclusion : études randomisées, contrôlées, comparant la kinésithérapie (visant à améliorer la mobilité et l’autonomie dans les activités journalières), au moins six mois après un AVC versus placebo ou absence d’intervention, incluant au moins 5 adultes dans chaque bras ; le groupe intervention « kinésithérapie » devait bénéficier de réhabilitation conventionnelle (interventions neuromusculaires, pratiques d’activités fonctionnelles, renforcement musculaire, application d’équipement de soutien), fournie ou supervisée par des kinésithérapeutes qualifiés (seuls ou en équipe)
  • critères d’exclusion : interventions très innovantes ou rares, interventions centrées sur les membres supérieurs
  • inclusion finale : sur 200 titres identifiés, 76 études ont été analysées sur base du texte complet et 15 études ont été retenues sur base des critères d’inclusion et d’exclusion.

Population étudiée

  • 730 patients au total (de 13 à 170 par étude), dont 700 ont eu une évaluation de suivi (96% des patients après intervention et 95% des contrôles) ; âge de 40 ans ou plus (âge moyen de 70,3 ans) ; 59% d’hommes
  • co-morbidités majeures dont les maladies neuromusculaires et squelettiques et la démence étaient en général des critères d’exclusion
  • exclusion des patients avec troubles cognitifs ou sensoriels dans 11 études
  • 4 études sélectionnent des patients cliniquement stables
  • enrôlement après plus de 6, 9 ou 12 mois après l’AVC selon les études (moyenne pondérée de 4 ans)
  • grande variété d’états fonctionnels de base avec des critères d’inclusion variables selon les études.

Mesure des résultats

  • critères de jugement : différence de mobilité et d’autonomie dans les activités quotidiennes prise comme critère primaire dans l’étude originale ; en cas d’absence de critère primaire explicite, premier résultat rapporté en terme de différence de mobilité ou d’autonomie dans les activités quotidiennes ; résultat exprimé en ampleur d’effet
  • autres critères spécifiques :
  • autonomie dans la vie quotidienne (4 études), en ampleur d’effet
  • marche sur courte distance (habituellement 10 mètres) (11 études) en mètre par seconde, en différence moyenne pondérée (DMP)
  • marche sur longue distance (pendant 6 minutes) (7 études) en mètres, en DMP.

 

Résultats

  • résultats primaires des études : ampleur d’effet de 0,29 en faveur de l’intervention (IC à 95% de 0,14 à 0,45) pour tous les résultats primaires des études (p <0,001, test I² de Higgins calcule le pourcentage de variation entre les études lié à une hétérogénéité et non au hasard, donnée importante lors de la sommation des différents résultats. Ce test statistique évalue la non concordance (‘inconsistency’) dans les résultats des études. Au contraire du Test Q, le test I² dépend du nombre d’études disponibles. Un résultat de test 0 à 40% = l’hétérogénéité pourrait être peu importante ; 30 à 60% = l’hétérogénéité peut être modérée ; 50 à 90% = l’hétérogénéité peut être substantielle ; 75 à 100% = l’hétérogénéité est considérable."> = 0%)
  • amélioration de l’autonomie dans les activités journalières : différence non significative
  • marche sur courte distance : DMP de 0,05 m/sec en faveur de l’intervention (IC à 95% de 0,008 à 0,088) (p = 0,017)
  • marche sur longue distance : DMP de 19,8 m en faveur de l’intervention (IC à 95% de 3,6 à 35,97) (p = 0,017).

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que différentes interventions de kinésithérapie améliorent les résultats fonctionnels, même quand elles sont mises en place longtemps après l’AVC. Ces observations remettent en question le concept de plateau dans la récupération fonctionnelle des patients ayant présenté un AVC et devraient être évaluées dans les services planifiant la réhabilitation hors institution.

Financement 

Fonds institutionnels de l’Université de Florence.

Conflits d’intérêt 

Aucun n’est déclaré.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Les auteurs ont déployé une démarche bien élaborée pour tenter de répondre à leur question de recherche, mais celle-ci était particulièrement difficile compte tenu du caractère multidimensionnel de la prise en charge de l’AVC, dont la kinésithérapie n’est qu’une dimension. La recherche est bien décrite et rigoureuse sur toute une série de points respectant ainsi la grille PRISMA (2). Les principales bases de données recommandées ont été consultées et ont été complétées sur base des références pertinentes, les critères d’inclusion et d’exclusion ont été bien définis, les mots clefs de la recherche, les méthodes de synthèse des résultats ont été bien explicités. Les études ont été sélectionnées par deux chercheurs indépendants. Les auteurs ont recherché (avec le test I²) et n’ont pas trouvé de preuve d’hétérogénéité entre les études (ce qui ne prouve pas qu’elles sont homogènes, au niveau caractères cliniques également). Malheureusement, ils ne semblent pas avoir recherché de funnel plot à la recherche de biais de publication. Les études ont été évaluées avec le score de PEDro : les résultats allaient de 3/10 à 8/10 (8/10 étant le maximum théorique, vue l’impossibilité de double aveugle sur ce thème), mais toutes les études ont été gardées pour la méta-analyse, y compris les études de très faible qualité et sans analyse de sensibilité pour la qualité des études. Il n’y avait une analyse en intention de traiter que dans six études.

Quelques autres limites sont à souligner. Les différentes études utilisaient des indicateurs différents pour évaluer leurs interventions, ce qui compliquait la synthèse des résultats. Les 4 termes du PICO de la question de recherche souffraient d’un manque relatif de précision, particulièrement pour la population et les « outcomes ». Pour les critères de jugement choisis, les auteurs ne déterminent pas de seuils de pertinence clinique des modifications observées.

Interprétation des résultats

Le type de patients, les critères d’inclusion et d’exclusion variaient beaucoup selon les études. L’intervention évaluée n’était pas très précise. Selon les études analysées, la kinésithérapie variait en contenu, en durée, en fréquence. Il est difficile de mettre dans le même plateau de la balance des sessions qui durent 10 minutes avec d’autres qui durent 2 heures, des interventions de 4 à 26 semaines (de 3 à 57 sessions en moyenne), à domicile ou dans une institution médicale. Le contenu des séances n’était pas clairement défini non plus : interventions neuromusculaires, activités fonctionnelles, renforcement musculaire, application de matériel de support, à plus ou moins grande distance de l’AVC...

Est-ce que, pour nos patients, les résultats obtenus sont vraiment significatifs, cliniquement ? La réponse n’est pas flagrante. Une différence de marche de courte distance qui peut aller de 8 mm à 8,8 cm par seconde, par exemple, en laissera perplexe plus d’un. Un autre élément à prendre en compte est la question de l’efficience des interventions proposées et de la disponibilité des ressources nécessaires.

Autres études

La prise en charge de l’AVC doit viser la revalidation et la prévention des récidives, sachant que les AVC d’origine cardiaque sont à risque plus important de récidive. La plupart des recherches récentes se sont concentrées sur la prise en charge aiguë et hyperaiguë de l’AVC (3). Plusieurs méta-analyses montrent l’intérêt de la kinésithérapie dans la prise en charge aiguë de l’AVC en termes de mortalité, d’autonomie, de durée d’hospitalisation (4). Une revue Cochrane publiée en 2009 (5) n’a pu montrer que la kinésithérapie un an après un AVC avait une influence positive.

 

Conclusion de Minerva

Cette méta-analyse semble montrer l’intérêt de la poursuite d’une kinésithérapie classique au-delà de 6 mois après un AVC, mais les nombreuses limites méthodologiques des études incluses, l’hétérogénéité des populations (souvent faibles) incluses, ne permettent pas de conclusions précises pour la pratique.

 

Pour la pratique

Le récent guide de pratique de SIGN (6) soutient toute une série d’interventions de kinésithérapie dans la phase aiguë post AVC, recommandant entre autres que « les kinésithérapeutes ne doivent pas limiter leur pratique à une approche mais doivent choisir les interventions selon les besoins individuels du patient » (recommandation de niveau B). Ce guide, pas plus que celui de NICE (7) ne fait de recommandations concernant la kinésithérapie après 6 mois post AVC. Cette méta-analyse de Ferrarello n’apporte pas de preuves de validité suffisante pour formuler des recommandations à ce sujet.

 

Références

  1. Lopez AD, Mathers CD, Ezzati M, et al. Global and regional burden of disease and risk factors, 2001: systematic analysis of population health data. Lancet 2006;367:1747-57.
  2. PRISMA 2009 Checklist. http://www.prisma-statement.org/2.1.2%20-%20PRISMA%202009%20Checklist.pdf (consulté le 6 octobre 2011).
  3. McArthur KS, Quinn TJ, Higgins P, Langhorne P. Post-acute care and secondary prevention after ischemic stroke. BMJ 2011;342:d2083.
  4. Stroke Unit Trialists' Collaboration. Organised inpatient (stroke unit) care for stroke. Cochrane Database Syst Rev 2007, Issue 4.
  5. Aziz NA, Leonardi-Bee J, Phillips M, et al. Therapy-based rehabilitation services for patients living at home more than one year after stroke. Cochrane Database Syst Rev 2008, Issue 2.
  6. Scottish Intercollegiate Guidelines Network. Management of patients with stroke: rehabilitation, prevention and management of complications, and discharge planning. A national clinical guideline. Guideline 118, June 2010.
  7. National Institute for Health and Clinical Excellence. Stroke. Diagnosis and initial management of acute stroke and transient ischaemic attack (TIA). NICE clinical guideline 68, July 2008.
Post AVC : kinésithérapie après 6 mois ?

Auteurs

Crismer A.
Département Universitaire de Médecine Générale, Université de Liège
COI :

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