Revue d'Evidence-Based Medicine



HbA1c : test fiable pour le diagnostic d'un diabète de type 2 ?



Minerva 2011 Volume 10 Numéro 7 Page 80 - 81

Professions de santé


Analyse de
Cavagnolli G, Comerlato J, Comerlato C, et al. HbA1c measurement for the diagnosis of diabetes: is it enough? Diabet Med 2011;28:31-5.


Question clinique
Quelle est la précision diagnostique d'un test d'HbA1c d'un diabète de type 2 versus glycémie à jeun et/ou test de tolérance au glucose (TOTG) chez des patients à risque élévé de présenter un diabète de type 2 ?


Conclusion
Cette étude permet de conclure que, versus glycémie à jeun et/ou test oral de tolérance glucidique, un seuil d'HbA1c > ou = 6,5% est peu sensible pour poser le diagnostic d'un diabète de type 2 chez des patients à risque élevé d'en présenter un.


 

Contexte

En raison de la progression inéluctable du diabète de type 2 aussi bien dans les pays industrialisés que dans ceux en voie de développement, il est nécessaire de disposer de stratégies de dépistage peu onéreuses et fiables (1). Une nouvelle méthode de référence, plus fiable, a été introduite pour la mesure de l’HbA1c (2,3). Ce test pourrait être utilisé pour le dépistage et pour le diagnostic du diabète de type 2. Le seuil d’HbA1c pour le diagnostic de diabète vient d’être fixé par un comité d’expert à 6,5% (48 mmol/mol) (4). La présente étude évalue la fiabilité diagnostique d’une mesure de l’HbA1c ≥6,5% (48 mmol/mol).

 

Résumé

Population étudiée

  • 498 patients avec risque accru de développer ou suspicion de diabète de type 2, référés dans un hôpital brésilien de Porto Alegre pour la réalisation d’un TOTG
  • critères d’exclusion : anémie, taux de filtration glomérulaire (GFR) <60 ml/min/1,73m², présence d’une Hb atypique
  • caractéristiques des patients inclus : âge moyen de 56 ans, 83,8% de race blanche, 64% de femmes, IMC moyen de 28 kg/m2, périmètre abdominal de 96 cm, 64% avec antécédents cardiovasculaires familiaux.

Protocole d’étude

  • Pour tous les patients :
  • prélèvement sanguin à jeun pour la mesure de : glycémie (plasmatique), HbA1c, profil lipidique, fonction rénale
  • TOTG (75 g de glucose).

Mesure des résultats

  • sensibilité et spécificité de la mesure de l’HbA1c (test index) pour le diagnostic du diabète de type 2 versus glycémie à jeun et/ou TOTG (test de référence).

Résultats

  • 115 patients présentant un diabète de type 2 suivant les critères OMS pour la glycémie à jeun et le TOTG
  • test HbA1c ≥6,5 % : sensibilité de 25% et spécificité de 93% pour le diagnostic de diabète (voir tableau 1)
  • test HbA1c ≥6,0 % : sensibilité de 56% et spécificité de 73% pour le diagnostic de diabète (voir tableau 2)
  • la réalisation d’un TOTG en plus de la mesure d’ HbA1c augmente la précision de ce dernier test.

 

Tableau 1. Table à 2 x 2 contingences du nombre de patients avec HbA1c ≥6,5 présentant un diabète de type 2 selon les critères glycémie à jeun et/ou TOTG.

 

Diabète

Pas de diabète

 

HbA1c ≥6,5

29

27

56

HbA1c <6,5

86

356

442

 

115

383

498

 

Tableau 2. Table à 2 x 2 contingences du nombre de patients avec HbA1c ≥6,0 présentant un diabète de type 2 selon les critères glycémie à jeun et/ou TOTG.

 

Diabète

Pas de diabète

 

HbA1c ≥6

65

102

167

HbA1c <6

50

281

331

 

115

383

498

 

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent qu’un taux d’HbA1c ≥6,5% (48 mmol/mol) a une sensibilité limitée et une haute spécificité pour poser le diagnostic de diabète. Les résultats suggèrent donc que ce seuil est insuffisant pour pouvoir poser le diagnostic d’un diabète de type 2. Si le seul test réalisé est la mesure de l’HbA1c, l’interprétation restera prudente pour respecter une classification correcte pour les patients présentant un diabète.

Financement

Fundo de Incentivo a Pesquisa (Brésil)

Conflits d’intérêt

Rien à déclarer.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

La question clinique posée par cette étude est pertinente. En Belgique aussi, un test de dépistage simplifié du diabète de type 2 est attendu, un test oral de tolérance glucidique exigeant du temps et du personnel. Les chercheurs incluent une population avec forte suspicion ou risque élevé de développer un diabète de type 2. Cette étude se situe donc plus dans le cadre d’un diagnostic plutôt que dans celui d’un dépistage. Les auteurs ne sont pas complets dans leur description clinique (phénotypique) des patients inclus. Une description davantage détaillée de la population (classe sociale, comorbidité, etc.) nous aurait permis de juger de l’extrapolabilité des résultats de cette étude à la population générale. En outre, un phénotypage plus précis aurait permis de dresser un tableau plus net des caractéristiques cliniques pouvant représenter des signes d’alerte de la présence d’un risque de diabète de type 2. Les auteurs donnent leurs résultats dans un tableau peu clair avec répartition des patients en fonction de tranches de valeurs d’HbA1c (<6%, 6-6,4%, ≥6,5%). Une présentation des résultats dans des tables à 2 x 2 contingences aurait été plus adéquate pour évaluer la valeur diagnostique du taux d’ HbA1c versus mesure de la glycémie à jeun et/ou TOTG. C’est comme cela que nous présentons les résultats dans le résumé ci-contre.

 

Mise en perspective des résultats

La mesure du taux d’HbA1c  est considérée comme une attirante alternative pour poser le diagnostic d’un diabète de type 2 en raison d’avantages logistiques nets : le patient ne doit pas se présenter à jeun, les résultats de l’HbA1c reflètent en plus le profil glycémique moyen des mois précédents et sont donc moins influencés par des phénomènes de stress passager. Un « problème » persiste cependant, comme le montre cette étude-ci : il n’y a pas de bonne correspondance entre un diagnostic de diabète sur base des méthodes courantes actuellement (glycémie à jeun et/ou TOTG) et HbA1c. Même en plaçant le seuil d’HbA1c à ≥6%, 40% des patients définis comme diabétiques par les tests classiques sont “négatifs” pour ce seuil d’HbA1c. Le gain minime en sensibilité versus un seuil d’HbA1c ≥6,5% s’accompagne d’une diminution de 20% de la spécificité. Les chercheurs montrent également que 93% des patients avec un diagnostic « faux positif » de diabète sur un critère d’HbA1c ≥6% présentaient un TOTG perturbé.

Cette étude évalue l’intérêt de la mesure de l’HbA1c pour le diagnostic du diabète. Elle suggère cependant un intérêt de l’introduction de cette mesure dans les algorithmes de dépistage pour dépister précocement des patients avec intolérance glucidique. La plupart des cas de diabète de type 2 sont en effet précédés par une période d’intolérance glucidique après laquelle le diagnostic de diabète est posé, avec un nouveau délai en moyenne de 7 ans après le début du diabète (5). L’observation de la présence d’affections cardiovasculaires chez 20 à 30% des patients lors du diagnostic d’un diabète documenté montre également clairement que les moyens de dépistage actuels sur base des valeurs glycémiques sont loin d’être idéaux (6). Nous pouvons considérer une intolérance glucidique et un diabète de type 2 comme dans un même continuum. Dépister les deux est alors plus efficient (et probablement plus pertinent aussi) que de dépister le seul diabète (7). Une récente étude de cohorte (8) a montré que l’HbA1c prédit mieux les affections cardiovasculaires et la mortalité globale que la glycémie à jeun classique avec des valeurs entre 100 et 126 mg/dl chez des patients non diabétiques. L’HbA1c semble donc être un complément précieux pour dessiner un profil de risque adéquat d’un patient individuel. En dehors du dépistage biochimique, il nous faut aussi rechercher plus activement les patients avec risque augmenté de tolérance glucidique altérée sur base de leurs caractéristiques cliniques (phénotype) et anamnèse familiale. Chez de tels patients, il est plus important de définir précocement un profil de risque et d’initier des modifications de style de vie que de proposer un test bien précis.

 

Conclusion de Minerva

Cette étude permet de conclure que, versus glycémie à jeun et/ou test oral de tolérance glucidique, un seuil d’HbA1c ≥6,5% est peu sensible pour poser le diagnostic d’un diabète de type 2 chez des patients à risque élevé d’en présenter un.

 

Pour la pratique

Dans la Recommandation de bonne pratique belge concernant le diabète de type 2 (9), la détermination du taux d’ HbA1c n’est pas proposée comme outil diagnostique. Ce test n’est pas remboursé en Belgique pour le diagnostic. Cette étude-ci montre que, chez des personnes à risque de présenter un diabète, un seuil d’ HbA1c ≥6,5% (ou >6%) est (sont) moins précis qu’une glycémie à jeun et/ou un test oral de tolérance glucidique pour poser un diagnostic de diabète reposant sur ces 2 derniers tests.

 

 

Références

  1. King H, Rewers W. Diabetes in adults is now a Third World problem. The WHO Ad Hoc Diabetes Reporting Group. Bull World Health Organ 1991;69:643-8.
  2. Hanas R, John G; International HbA(1c) Consensus Committee. 2010 consensus statement on the worldwide standardization of the hemoglobin A1C measurement. Diabetes Care 2010;33:1903-4.
  3. Kilpatrick ES, Bloomgarden ZT, Zimmet PZ. International Expert Committee report on the role of the A1C assay in the diagnosis of diabetes: response to the International Expert Committee. [Comment] Diabetes Care 2009;32:e159; author reply e160.
  4. International Expert Committee. International Expert Committee report on the role of the A1C assay in the diagnosis of diabetes. Diabetes Care 2009;32:1327-34.
  5. Harris MI, Klein R, Welborn TA, Knuiman MW. Onset of NIDDM occurs at least 4-7 yr before clinical diagnosis. Diabetes Care 1992;15:815-9.
  6. The DECODE study group. European Diabetes Epidemiology Group. Diabetes Epidemiology: Collaborative analysis Of Diagnostic criteria in Europe. Glucose tolerance and mortality: comparison of WHO and American Diabetes Association diagnostic criteria. Lancet 1999;354:617-21.
  7. Gillies CL, Lambert PC, Abrams KR, et al. Different strategies for screening and prevention of type 2 diabetes in adults: cost effectiveness analysis. BMJ 2008;336:1180-5.
  8. Van Crombrugge P. HbA1c chez des non diabétiques : risque cardiovasculaire et de diabète. MinervaF 2011;10(1):8-9.
  9. Wens J, Sunaert P, Nobels F, et al. Recommandation de Bonne Pratique. Diabète sucré de type 2. 2007 SSMG.
HbA1c : test fiable pour le diagnostic d'un diabète de type 2 ?

Auteurs

Mathieu C.
Dienst Endocrinologie, UZ Leuven - KU Leuven
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