Revue d'Evidence-Based Medicine



Diabète de type 2 mal équilibré : ajouter un inhibiteur de la DPP-4 ?



Minerva 2011 Volume 10 Numéro 6 Page 73 - 74

Professions de santé


Analyse de
Esposito K, Cozzolino D, Bellastella G, et al. Dipeptydil peptidase-4 inhibitors and HbA1c target of <7% in type 2 diabetes: meta-analysis of randomized controlled trials. Diabetes Obes Metab 2011;13:594-603.


Question clinique
Quelle est l’efficacité des inhibiteurs de la DPP-4 (gliptines) en termes de proportion de patients diabétiques de type 2 atteignant une HbA1c < 7%, et quelle est leur sécurité ?


Conclusion
Cette nouvelle méta-analyse sur les inhibiteurs de la DPP-4 (gliptines) confirme leur absence de plus-value en efficacité ou en sécurité versus autres antidiabétiques oraux. La pharmacovigilance signale par ailleurs des effets indésirables rares mais graves (pancréatites, cancers du pancréas ou autres cancers).


 

Contexte

Une synthèse publiée en 2007 (1) montrait que des antidiabétiques oraux (ADO) plus anciens (metformine ou sulfamidé hypoglycémiant de 2ème génération) ont un effet semblable ou même supérieur à celui de médicaments plus récents et plus chers (glitazones (thiazolidinediones), glinides et inhibiteurs de l’alpha-glucosidase) (2). Cette synthèse n’incluait pas les inhibiteurs de la dipeptidylpeptidase-4 (gliptines). Deux autres méta-analyses (3,4) montraient leur efficacité semblable à celle d’autres antidiabétiques oraux (ADO) sur le critère HbA1c en insistant sur les lacunes de nos connaissances en termes d’efficacité pour des critères d’événements cliniques et de sécurité (5). Une méta-analyse plus récente fait une mise à jour sur l’efficacité/sécurité de la vildagliptine, de la sitagliptine, de la saxagliptine et de l’alogliptine.

 

Résumé

Méthodologie

Synthèse méthodique et méta-analyse

Sources consultées

bases de données MEDLINE, EMBASE, Cochrane CRCT, CINAHL jusqu’en septembre 2010

consultation des résumés des caractéristiques des produits, des sites web de protocoles d’études enregistrés et des listes de références des études.

Etudes sélectionnées

  • 43 RCTs (52 comparaisons) d’une durée d’au moins 12 semaines (12 à 52 semaines)
  • publiées dans un journal revu par des pairs
  • évaluant une gliptine chez un patient naïf d’un ADO (10 études) ou sous ADO poursuivi (25 études) ou ADO arrêté pour l’étude (9 études)
  • avec au moins 30 sujets par bras d’étude
  • 2 études en protocole ouvert, les autres en double aveugle
  • exclusion des études avec sujets non diabétiques de type 2, avec initiation de 2 ADO en même temps, avec des doses différentes des doses maximales courantes.

Population étudiée

  • 19 101 patients (10 467 traités par une gliptine, 8 634 par placebo ou comparateur (metformine, glitazone, glimépiride)) diabétiques de type 2
  • âge moyen de 50 à 58 ans ; HbA1c initiale de 7,3 à 9,6%.

Mesure des résultats

  • critère primaire : proportion de patients atteignant une HbA1c <7%
  • critères secondaires : modification HbA1c versus valeur initiale, épisodes d’hypoglycémies, modification du poids
  • analyse en au hasard mais aussi à des variations réelles entre les études. L’hypothèse d’un modèle d’effet aléatoire est qu’il existe une «population» d’effets éventuels avec une répartition précise autour d’un effet global moyen.">modèle d’effets aléatoires.

Résultats

  • versus placebo : HbA1c significativement améliorée sous gliptine (voir tableau) ; 40% des patients atteignant une HbA1c <7%, sans plus d’hypoglycémies
  • versus comparateur : réduction de l’HbA1c et de la proportion de patients avec HbA1c < 7% non différentes ; différence de modification du poids en fonction du comparateur, pas de différence pour les hypoglycémies
  • le taux d’HbA1c initial est le meilleur facteur prédictif de l’atteinte d’une HbA1c < 7% (au plus bas, au plus de chance d’atteindre la cible).

 

Tableau. Nombre de RCTs (N), Odds Ratio (OR avec (IC à 95%)) pour le nombre de patients atteignant une HbA1c < 7% et comparaison des modifications du poids pour les différentes gliptines versus placebo et comparateur actif.

gliptine

HbA1c versus placebo

HbA1c versus comparateur

Comparaisons des modifications du poids

vildagliptine 100 mg/j

N=7 ; 3,29 (2,5 à 4,01)

N=7 ; 0,82 (0,52 à 1,15)

↑ vs placebo, ↓ sous metformine, ↑ sous glitazone

sitagliptine 100 mg/j

N=12 ; 3,15 (2,47 à 3,72)

N=10 ; 0,70 (0,35 à 1,12)

↑ vs placebo, ↓ sous metformine, ↑ sous glitazone et glipizide

saxagliptine 5 mg/j

N=5 ; 2,81 (2,31 à 3,72)

N=3 ; 0,95 (0,8 à 1,11)

↑ vs placebo, pas de différence versus comparateur

alogliptine

12,5

25 mg/j

N=8 

3,8

3,76

 

pas de différence

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent qu’une proportion plus importante de patients présentant un diabète de type 2 atteignent la valeur cible d’HbA1c < 7% avec les gliptines versus placebo, sans gain de poids, sans risque d’hypoglycémie en monothérapie ; les gliptines ne présentent pas de différence versus médicaments de comparaison.

Financement de l’étude 

Pas de mention.

Conflits d’intérêt des auteurs 

Les auteurs déclarent ne pas en avoir.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

La méthodologie de l’étude est bien décrite et correcte. La recherche dans la littérature est effectuée dans plusieurs bases de données, un biais de publication est recherché (mais non montré), l’extraction des données est effectuée par 2 auteurs indépendamment l’un de l’autre, l’hétérogénéité est analysée (tests Chi² et ), les auteurs ont recours à des tests statistiques appropriés et font des analyses de sensibilité pour la durée et la qualité méthodologique des études. Pour l’évaluation de la qualité méthodologique des études, ils se limitent cependant à un score de Jadad. Trois études ont un score < 3 mais leur exclusion des méta-analyses ne modifie pas les résultats de celles-ci. Le critère de jugement primaire (taux d’HbA1c) est d’un intérêt limité, mais il est le seul dont nous disposons dans toutes les études avec de nouveaux traitements antidiabétiques (pas de données sur la qualité de vie, les complications du diabète, la mortalité globale).

Mise en perspective des résultats

Nous avons déjà brièvement commenté dans Minerva (5), 2 précédentes méta-analyses. La première (3) évaluait les médicaments agissant par la voie de l’incrétine (gliptines (14 études) et exénatide) et concluait à une efficacité modeste de ces médicaments par rapport à d’autres traitements antidiabétiques pour le critère HbA1c par rapport aux études plus anciennes avec d’autres ADO, peut-être en fonction du taux initial d’HbA1c (en moyenne plus élevé dans les anciennes études). Elle soulignait la nécessité de mieux connaître leur sécurité, particulièrement pour les gliptines. La seconde méta-analyse, de Richter et coll pour la Cochrane Collaboration (4) incluait 25 RCTs (n = 6 743) concernant vildagliptine et sitagliptine. Elle concluait à certains avantages théoriques de cette classe de médicaments mais à la nécessité urgente de données de sécurité, entre autres cardiovasculaires, avant une utilisation plus généralisée de ces médicaments. Une meilleure connaissance d’un impact éventuel sur le système immunitaire était également soulignée : la fréquence des infections était significativement accrue sous sitagliptine et non significativement sous vildagliptine.

Cette méta-analyse d’Esposito et coll. inclut un plus grand nombre d’études et concerne 2 gliptines supplémentaires (saxagliptine, alogliptine). Elle ne montre pas de supériorité pour les gliptines versus comparateurs pour le taux d’HbA1c. Il faut aussi constater la durée limitée des études (la plupart de moins de 30 semaines) ce qui ne permet pas d’évaluer de manière solide l’effet à long terme.

Effets indésirables

Les auteurs n’observent pas de différence pour les hypoglycémies et pour la modification de poids, l’observation est plus complexe. Il n’y a pas de modification versus poids initial mais comme le poids diminue dans les groupes placebo et sous metformine, le bilan n’est pas favorable versus ces groupes.

Ils ne donnent guère d’autres détails sur les effets indésirables. Dans la méta-analyse de la Cochrane (4), pour les effets indésirables sérieux, le rapport de risque est non significatif pour la sitagliptine (0,97 avec IC à 95% de 0,75 à 1,27) et pour la vildagliptine (0,87 avec IC à 95% de 0,64 à 1,17). Cette étude montrait aussi un risque accru d’infections sous sitagliptine (RR de 1,29 ; IC à 95% de 1,09 à 1,52 ; p = 0,003) et non significativement augmenté sous vildagliptine (RR 1,04 ; IC à 95% de 0,87 à 1,24 ; p = 0,7). Pour rappel, la DPP-4 est un costimulateur des lymphocytes T. Plus inquiétant est l’examen des données recueillies par la FDA concernant les effets indésirables des gliptines (6). Cette synthèse montre un risque de pancréatite multiplié par 6 chez les patients recevant de la sitagliptine (ou de l’exénatide) versus autres traitements du diabète. Le risque de cancer du pancréas est multiplié par 2,4 sous sitagliptine (ou 2,9 sous exénatide) ainsi que le risque d’autres cancers. Les auteurs mentionnent que la metformine aurait un effet protecteur contre l’augmentation de risque de pancréatite/cancer de pancréas sous gliptine (ou incrétinomimétique)… ce qui ne fait que renforcer l’intérêt primordial de la metformine.

 

Conclusion de Minerva

Cette nouvelle méta-analyse sur les inhibiteurs de la DPP-4 (gliptines) confirme leur absence de plus-value en efficacité ou en sécurité versus autres antidiabétiques oraux. La pharmacovigilance signale par ailleurs des effets indésirables rares mais graves (pancréatites, cancers du pancréas ou autres cancers).

 

Pour la pratique

La RBP belge (7), en raison de sa date de publication, ne fait pas mention des gliptines.

NICE (8) en se basant sur la méta-analyse de Richter (4) recommande les gliptines :

- en ajout à la metformine en cas d’échec de celle-ci (seule condition dans laquelle le remboursement est actuellement accordé en Belgique), en alternative à une sulfonylurée si intolérance/contre-indication pour celle-ci ou risque d’hypoglycémie avec celle-ci

- en ajout à une sulfonylurée en cas d’échec de celle-ci et intolérance/contre-indication à la metformine

- en trithérapie (ajout à la metfomine + sulfonylurée) si équilibre métabolique insuffisant et insulinothérapie non acceptable ou inappropriée

La présente méta-analyse confirme l’absence de plus-value des gliptines versus autres ADO en termes d’efficacité sur l’HbA1c, toujours sans preuve pour la prévention de complications cliniques du diabète. La pharmacovigilance montre des effets indésirables potentiels graves. Un bénéfice individuel potentiel de l’ajout d’une gliptine à un traitement ne permettant pas d’atteindre un équilibre métabolique satisfaisant sera mis en balance avec les risques encourus.

Nous avons déjà rappelé l’intérêt de passer plus rapidement à l’insuline en cas d’équilibre non satisfaisant du diabète sous antidiabétique oral.

 

Références

  1. Bolen S, Feldman L, Vassy J, et al. Systematic review: comparative effectiveness and safety of oral medications for type 2 diabetes mellitus. Ann Intern Med 2007;147:386-99.
  2. Goderis G. Efficacité et sécurité des antidiabétiques oraux pour le diabète de type 2. MinervaF 2008;7(6):86-7.
  3. Amori RE, Lau J, Pittas AG. Efficacy and safety of incretin therapy in type 2 diabetes. Systematic review and meta-analysis. JAMA 2007;298:194-206.
  4. Richter B, Bandeira-Echtler E, Bergerhoff K, Lerch CL. Dipeptidyl peptidase-4 (DPP-4) inhibitors for type 2 diabetes mellitus. Cochrane Database Syst Rev 2008, Issue 2.
  5. Chevalier P. Gliptines : plus de questions que de certitudes d’intérêt (confirmation). MinervaF 2008;7(9):144.
  6. Elashoff M, Matveyenko AV, Gier B, et al. Pancreatitis, pancreatic, and thyroid cancer with glucagon-like peptide-1–based therapies. Gastroenterology 2011 (article in press).
  7. Wens J, Sunaert P, Nobels F, et al. Recommandations de bonne pratique. Diabète sucré de type 2. SSMG 2007.
  8. National Institute for Health and Clinical Excellence. Type 2 diabetes: newer agents for blood glucose control in type 2 diabetes. NICE short clinical guideline 87, May 2009.

 

Noms de marque

saxagliptine: Onglyza®; sitagliptine: Januvia®, vildagliptine: Galvus®

Diabète de type 2 mal équilibré : ajouter un inhibiteur de la DPP-4 ?



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