Revue d'Evidence-Based Medicine



Lithiases rénales : comment prévenir les récidives



Minerva 2014 Volume 13 Numéro 5 Page 60 - 61

Professions de santé


Analyse de
Fink HA, Wilt TJ, Eidman KE, et al. Medical management to prevent recurrent nephrolithiasis in adults : a systematic review for an American College of Physicians clinical guideline. Ann Intern Med 2013;158:535-43.


Question clinique
Quels sont les bénéfices et les risques des interventions visant à prévenir la récidive des lithiases urinaires chez un adulte?


Conclusion
Cette synthèse méthodique de bonne qualité mais basée sur de petites études de moins bonne qualité montre l’efficacité d’un apport hydrique accru (pour éliminer 2 à 2,5 litres par jour), et, en ajout à celui-ci, d’un traitement par thiazide, citrate ou allopurinol chez des adultes ayant présenté au moins un épisode de lithiase urinaire calcique, en prévention d’une récidive. Les effets indésirables sont insuffisamment rapportés dans les études incluses.


 

 


Texte sous la responsabilité de la rédaction francophone

 

Contexte

Selon des données étatsuniennes, 13 % des hommes et 7 % des femmes présenteraient une lithiase urinaire au cours de leur vie (1). Le taux de rechute post épisode de lithiase symptomatique est de 35 à 50 % sans traitement spécifique (1). Environ 80% des lithiases sont composées de calcium (2). La publication de RCTs plus récentes comparant des traitements actifs (y compris associés) ou évaluant l’effet de certaines caractéristiques des patients sur les résultats du traitement justifiait de refaire une synthèse de l’ensemble de la littérature.

 

Résumé

 

Méthodologie

Synthèse méthodique et méta-analyse

 

Sources consultées

  • bases de données MEDLINE et Cochrane Library jusqu’en septembre 2012, Google Scholar, ClinicalTrials.gov, Web of Science
  • listes de références des synthèses méthodiques et des RCTs
  • articles suggérés par des experts.

 

Etudes sélectionnées

  • RCTs publiées en anglais évaluant un traitement diététique ou pharmacologique en termes de prévention des récidives de lithiases urinaires chez l’adulte avec mention des critères cliniques de récidive de lithiase (symptomatique, radiologique ou les deux) ou modification de sa taille
  • inclusion de 28 RCTs.

 

Population étudiée

  • personnes âgées de ≥ 18 ans ayant présenté ≥ 1 épisode de lithiase urinaire ; répartition hommes/femmes non mentionnée
  • 8 études concernant une approche diététique, 20 une approche pharmacologique
  • forte majorité d’études incluant uniquement des adultes avec lithiases calciques idiopathiques
  • exclusion, dans presque toutes les études originales, des sujets avec des conditions associées avec des lithiases urinaires
  • exclusion des études concernant le traitement d’une colique néphrétique ou d’expulsion d’une lithiase urétérale, des études incluant des patients avec lithotripsie dans les 90 jours
  • durée des études de 1 à 5 ans.

 

Mesure des résultats

  • récidive de lithiase : 6 études avec récidive symptomatique, 8 avec récidive radiologique et 18 avec des critères composites de récidive.

 

Résultats

  • post lithiase calcique : l’augmentation de l’apport hydrique (pour éliminer 2 à 2,5 litres/j) diminue de moitié le risque de récidive d’une lithiase composite : RR de 0,45 avec IC à 95 % de 0,24 à 0,84 (preuve de faible niveau)
  • risque de lithiase réduit par une diminution de la consommation des boissons non alcoolisées « soft drink » acidifiées uniquement par acide phosphorique: RR de 0,83 avec IC à 95 % de 0,71 à 0,98
  • lithiases calciques à répétition : la plupart du temps avec un apport hydrique accru, réduction des récidives sous thiazides (RR de 0,52 avec IC à 95 % de 0,39 à 0,69), sous citrates (RR de 0,25 avec IC à 95 % de 0,14 à 0,44) et sous allopurinol (si hyperuricémie ou hyperuricosurie initiale, RR de 0,59 avec IC à 95 % de 0,42 à 0,84) versus placebo ou contrôle (preuve modérée)
  • ajout de citrate ou d’allopurinol à un thiazide : non supérieur au thiazide seul (faible preuve)
  • pas de conclusion possible suivant le type de composition de la lithiase
  • sauf l’acide urique, aucune variable biologique prédictive d’efficacité d’un traitement e.a. taux urinaire initial en calcium, oxalate ou citrate
  • mention faible des effets indésirables dans les études.

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que chez des patients ayant présenté une lithiase calcique, l’augmentation de l’apport de liquides réduit le risque de récidive. Chez des patients ayant présenté plusieurs lithiases calciques, l’addition de thiazides, de citrate ou d’allopurinol réduit davantage le risque.

 

Financement de l’étude

Agency for Healthcare Research and Quality (AHRQ), USA.

 

Conflits d’intérêt des auteurs

4 auteurs déclarent avoir reçu des subsides (personnellement et/ou leur institution) de l’AHRQ pour différents types de prestations ; les 6 autres déclarent une absence de conflit.

 

 

 

Discussion

 

Considérations sur la méthodologie

Cette synthèse de la littérature est de bonne qualité. La recherche dans la littérature a été exhaustive. Les données des études ont été extraites par 1 chercheur mais contrôlées par un second. L’évaluation de la qualité méthodologique a été faite par deux chercheurs suivant les critères classiques de l’adéquation du secret d’attribution, de l’insu, des sorties d’étude motivées, de la gestion des données manquantes. Les limites se situent au niveau des publications originales : 2 de pauvre qualité, 2 de bonne qualité et les autres de qualité « acceptable ». Deux tiers des études décrivent mal le respect du secret d’attribution et ne mentionnent pas de résultat en intention de traiter. La majorité des études (20 sur 28) rapportent aussi un critère composite de rechute de lithiase, y compris asymptomatique, sur critère radiologique. Les études n’incluent que des populations (très) faibles (sauf pour la seule étude avec les soft-drink et d’autres avec des mesures non médicamenteuses). Un biais de publication est difficile à exclure au vu du nombre faible d’études pour chacune des interventions.

 

Interprétation des résultats

Une seule des études incluses (avec un thiazide) concerne une population de médecine générale. Elle montre cependant des résultats similaires à ceux observés dans d’autres contextes. Une méta-analyse de 6 RCTs de qualité acceptable montre donc que l’administration de thiazides est efficace, généralement en ajout à un apport hydrique accru et plus faible en oxalate, pour prévenir les récidives. L’efficacité n’est pas différente selon la durée des études (2 ans versus ≥ 3 ans). La dose d’hydrochlorothiazide est d’au moins 50 mg/j et celle de chlorthalidone d’au moins 25 mg/j. Aucune conclusion n‘est donc possible pour des doses plus faibles utilisées comme antihypertensives.

Nous ne disposons également pas d’études comparatives entre les 3 interventions médicamenteuses décrites et leur association ne s’est pas montrée efficace.

Outre les résultats déjà mentionnés, les études montrent également l’absence de preuve d’un intérêt, chez des sujets avec apport hydrique > 2 litres d’eau/j et 800 à 1 000 mg de calcium par jour, d’augmenter l’apport en fibres, de réduire l’apport de protéines d’origine animale, mais avec un taux d’arrêts d’étude > 50 % ce qui fragilise toute conclusion. Selon une étude chez des patients avec hypercalciurie, pour lesquels un apport hydrique accru et pauvre en oxalate est recommandé, une consommation normale ou haute de calcium (1 200 mg/j) (avec régime pauvre en protéines animales et en sodium) est plus préventif de récidives qu’un régime pauvre en calcium (400 mg/j).

Aucune conclusion n’est possible sur l’efficacité des traitements en fonction d’une analyse de la composition de la lithiase ni des mesures biologiques initiales. En cas d’hyperuricosurie ou d’hyperuricémie, l’administration d’allopurinol est efficace … mais les thiazides et citrates le sont très probablement aussi (efficaces dans des études où de tels patients étaient inclus), ce qui ne permet pas d’argumenter un choix entre ces 3 médicaments. Les effets indésirables potentiels de l’allopurinol (voir paragraphe suivant) peuvent être un argument de non choix.

Une forte majorité des études incluses concerne uniquement des adultes avec lithiases calciques idiopathiques. Aucune conclusion n’est donc possible e.a. pour des patients avec des conditions prédisposant aux lithiases, des lithiases non calciques ou des enfants.

 

Effets indésirables

Nous avons déjà souligné le faible signalement d’effets indésirables dans les études incluses dans cette synthèse. Les taux d’arrêts d’études mentionnés sont faibles dans les études avec augmentation de l’apport hydrique, élevés dans les études à long terme avec d’autres interventions diététiques et variables dans les études avec administration de thiazide ou de citrate (mais plus élevés que sous placebo, ce qui peut être lié à des effets indésirables). Nous avons récemment rappelé dans la revue Minerva (3) les effets indésirables (graves) potentiels de l’allopurinol.

 

Conclusion de Minerva

Cette synthèse méthodique de bonne qualité mais basée sur de petites études de moins bonne qualité montre l’efficacité d’un apport hydrique accru (pour éliminer 2 à 2,5 litres par jour), et, en ajout à celui-ci, d’un traitement par thiazide, citrate ou allopurinol chez des adultes ayant présenté au moins un épisode de lithiase urinaire calcique, en prévention d’une récidive. Les effets indésirables sont insuffisamment rapportés dans les études incluses.

 

Pour la pratique

Le NHG Standaard concernant les coliques néphrétiques (4) recommande, en prévention des récidives, un apport hydrique accru. Il mentionne également, en faisant référence à un article de synthèse narrative de 2006 (5), l’intérêt de l’administration d’un thiazide, d’allopurinol ou de citrate.

La synthèse méthodique analysée ici aboutit à des conclusions semblables mais plus argumentées et nuancées.

 

 

Références

  1. Pearle MS, Calhoun EA, Curhan GC; Urologic Diseases of America Project. Urologic diseases in America project: urolithiasis. J Urol 2005;173:848-57.
  2. Moe OW. Kidney stones: pathophysiology and medical management. Lancet 2006;367:333-44.
  3. Henrard G. Simplifier l’initiation d’un traitement chronique par allopurinol dans la goutte ? MinervaF 2013;12(9):106-7.
  4. Arndt UP, Van Koningsbruggen PJ, Salden NM, et al. NHG-Standaard Urinesteenlijden (Eerste herziening). Huisarts Wet 2007:50:215-21. De standaard en de noten zijn herzien ten opzichte van de vorige versie (Huisarts Wet 1997;40:491-502).
  5. Moe OW. Kidney stones: pathophysiology and medical management. Lancet 2006;367:333-44.

 

 

 

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