Revue d'Evidence-Based Medicine



Indacatérol, nouveau LABA, dans le traitement de la BPCO ?



Minerva 2011 Volume 10 Numéro 1 Page 10 - 11

Professions de santé


Analyse de
Dahl R, Chung KF, Buhl R, et al; INVOLVE (INdacaterol: Value in COPD: Longer Term Validation of Efficacy and Safety) Study Investigators. Efficacy of a new once-daily long-acting inhaled beta2-agonist indacaterol versus twice-daily formoterol in COPD. Thorax 2010;65:473-9. (Etude INVOLVE)


Question clinique
Quelles sont l'efficacité et la sécurité de l'indacatérol, bèta-2-mimétique à longue durée d'action, versus placebo (et formotérol) dans le traitement de la BPCO ?


Conclusion
Cette RCT aux très nombreuses limites méthodologiques et sous contrôle important de la firme produisant l'indacatérol montre un bénéfice de ce nouveau LABA versus placebo pour le traitement de patients BPCO, sur une durées de 52 semaines, pour le critère VEMs.


 

Contexte

Pour le traitement symptomatique d’entretien de la BPCO plusieurs options simultanées ou successives sont proposées dans les guides de pratique (GOLD (1)) sur base de preuves d’efficacité (2) : β2-mimétiques à longue durée d’action (LABA : formotérol et salmétérol), anticholinergique à longue durée d’action (tiotropium), corticostéroïdes inhalés en cas d’exacerbations fréquentes. La littérature ne montre pas de différence de bénéfice entre tiotropium, β2-mimétiques  à longue durée d’action ou corticostéroïdes inhalés qui peuvent, dans cette indication, être utilisés séparément (2,3). L’indacatérol est un nouveau LABA évalué et enregistré dans cette indication. Quelle peut être sa place dans la stratégie thérapeutique de la BPCO ?

  

Résumé

Population étudiée

  • 1 732 sujets âgés d’au moins 40 ans (âge moyen de 64 ans) présentant une BPCO (critères GOLD) modérée à sévère (VEMs < 80% et ≥ 30% des valeurs prédites et VEMs/CVF < 70%), avec antécédent de tabagisme ≥ 20 paquets-années, 77 à 82% d’hommes
  • exclusion : infection des voies respiratoires ou hospitalisation pour exacerbation de BPCO dans les 6 semaines précédentes, corticostéroïdes oraux ou modification des CSI dans le mois précédent, anamnèse d’asthme.

Protocole d’étude

  • étude randomisée, en double aveugle, versus double placebo, en groupes parallèles, multicentrique
  • période d’inclusion de 2 semaines puis traitement en aveugle durant 52 semaines
  • intervention : indacatérol 300 (n=437) ou 600 (=428) mcg 1x/j versus formotérol (Aerolizer 12 mcg 2x/j, n=435) et versus placebo (n=432) durant 52 semaines avec placebos correspondants
  • CSI autorisés (en monothérapie) à dose stable ; recours au salbutamol autorisé (pas dans les 6 heures avant la visite de contrôle).

Mesure des résultats

  • critère de jugement primaire : VEMs 24h post dose après 12 semaines de traitement pour l’indacatérol versus placebo
  • critères secondaires : nombre de jours avec faible contrôle de la BPCO (au moins 2 symptômes/signes parmi toux, sibilances, production ou couleur des crachats modifiée), SGRQ, délai d’une première exacerbation, tests spirométriques, dyspnée (transition dyspnoea index, TDI) et pourcentage de répondeurs, fréquence des exacerbations, index BODE (Body mass index, Obstruction, Dyspnoea, Exercise), recours au salbutamol
  • évaluation de la sécurité : effets indésirables, variation de la kaliémie, de la glycémie, de l’intervalle QTc
  • analyse en ITT modifiée.

Résultats

  • arrêts de traitement : 23% sous indacatérol 300, 24% sous indacatérol 600, 32% sous placebo et 26% sous formotérol
  • critère primaire (VEMs) : augmenté de 170 ml (IC à 95 % de 0,13 à 0,20) pour les 2 doses d’indacatérol 300 et 600 mcg versus placebo, p<0,001 pour les différences ; différences restant statistiquement significatives à 52 semaines
  • indacatérol versus formotérol : différence de 100 ml en faveur de l’indacatérol (IC non donné)
  • symptômes améliorés avec les 3 traitements actifs versus placebo avec efficacité supérieure de l’indacatérol versus formotérol pour le score TDI (à 12 semaines mais pas à 52 semaines terme d’évaluation prévu dans le protocole) et le recours au salbutamol mais pas pour les autres critères dont les exacerbations.
  • effets indésirables : différence pour la toux dans les 5 minutes après l’inhalation du médicament : 19,1% dans les 2 groupes indacatérol, 0,8% dans le groupe formotérol et 1,8% dans le groupe placebo.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent qu’une administration quotidienne unique d’indacatérol donne une bronchodilatation efficace durant 24 heures améliorant les symptômes et l’état de santé, avec amélioration clinique par rapport à un LABA administré 2 fois par jour (toutes les 12 h) pour traiter des patients présentant une BPCO modérée à sévère.

Financement : Novartis Pharma AG, producteur de l’indacatérol, a conçu l’étude et son protocole, analysé et interprété ses résultats.

Conflits d’intérêt : 5 des auteurs sont des employés de Novartis ; 4 autres auteurs ont reçu des honoraires de différentes firmes (dont Novartis), à titre divers, 1 auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêt.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Le protocole de cette étude et sa réalisation soulèvent de nombreuses questions. La lecture des caractéristiques initiales des patients montre quelques différences entre les groupes, sans analyse statistique et sans prise en compte de plusieurs différences dans une analyse ajustée pour ces différences. L’analyse en ITT modifiée des auteurs pour les critères d’efficacité prête à discussion : les auteurs ont exclu de l’étude d’efficacité les patients non traités selon les règles en vigueur (7,4%). Il faut y ajouter 23 à 32% de sorties d’étude, proportion inégale selon les groupes. Une puissance d’étude de 90% pour l’indacatérol 300 mcg versus placebo est prévue pour une différence de 120 ml pour le VEMs  (84% pour l’indacatérol 600 mcg), sans mention versus formotérol. Une telle différence est atteinte versus placebo à 12 semaines, Cette différence d’au moins 120 ml n’est pas atteinte pour la dose d’indacatérol 600 mcg versus placebo (borne inférieure de l’IC à 95% de 110 ml) à 52 semaines. Etonnamment, les comparaisons versus formotérol ne sont reprises à aucun poste des critères de jugement ; ceux-ci auraient-ils été modifiés en cours d’étude ? Dans le protocole, la mesure du critère primaire (VEMs) est prévue à 12 semaines tandis que les mesures pour les critères secondaires sont prévues à 52 semaines. Les critères pour déterminer une exacerbation de BPCO ne sont ni classiques ni validés.

Interprétation des résultats

L’indacatérol se montre statistiquement supérieur au placebo (et au formotérol) pour le critère primaire (VEMs). Si cette différence peut être éventuellement cliniquement pertinente versus placebo, elle ne le semble guère versus formotérol. Comme le signalent les auteurs, l’efficacité bronchodilatatrice du formotérol est moindre dans cette étude que celle observée dans d’autres études. Pour les exacerbations, si la différence est significative pour l’indacatérol (2 dosages) versus placebo, elle n’est pas différente entre l’indacatérol et le formotérol. Un avantage de l’indacatérol versus formotérol n’est donc guère évident au point de vue efficacité. Les auteurs signalent dans leur discussion que la puissance de cette étude n’était pas suffisante pour montrer une telle différence. Pour les effets indésirables, il n’y a pas de différence nette entre les groupes sauf pour la toux se manifestant dans les 5 minutes après l’inhalation du médicament : 19,1% dans les 2 groupes indacatérol, 0,8% dans le groupe formotérol et 1,8% dans le groupe placebo. Un allongement de l’espace QTc >60 ms est observé pour 1 patient sous indacatérol et 1 sous formotérol et 1 patient sous indacatérol 600 µg a présenté une tachycardie atriale.

La dose actuellement recommandée est de 150 mcg par jour, éventuellement 300 mcg (dose maximale).

Mise en perspective des résultats

Deux autres études ont été publiées concernant l’efficacité de l’indacatérol versus autre bronchodilatateur ou placebo dans la BPCO et rapportant des événements cliniques outre des résultats spirométriques.

L’étude INHANCE (4) évalue sur 12 semaines l’indacatérol 150 et 300 mcg/j versus tiotropium et versus placebo. L’indacatérol se montre statistiquement et cliniquement pertinemment efficace versus placebo pour le critère VEMs, sans différence cliniquement pertinente versus tiotropium pour le nombre de patients sans exacerbations. Une différence statistiquement significative est observée versus placebo pour une dose de 150 mcg mais non de 300 mcg, élément non interprétable en l’absence d’analyse statistique explorant les différences de caractéristiques entre les groupes. Pour le critère SGRQ, un avantage versus placebo est montré mais non significatif versus tiotropium.

L’étude INLIGHT 1 (5) évalue l’efficacité de l’indacatérol versus placebo sur 12 semaines. Elle montre une efficacité statistique et cliniquement pertinente de l’indacatérol sur le critère VEMs et le critère SGRQ mais non statistiquement significative sur le critère nombre de patients sans exacerbations. Comme pour l’étude INVOLVE analysée ici, aucune de ces 2 autres études ne répond strictement aux exigences de l’EMA de montrer une efficacité pour un critère primaire constitué d’une mesure du VEMs et d’un bénéfice symptomatique, par exemple pour le SGRQ. Le nombre de patients avec au moins une exacerbation en moins est un critère très important au point de vue clinique ; il n’est pas mentionné dans cette étude et reste donc à évaluer pour l’indacatérol. La sécurité de l’indacatérol reste à préciser, en fonction aussi des inquiétudes ayant précédemment été formulées pour les LABAs dans la BPCO (6).

 

Conclusion de Minerva

 

Cette RCT aux très nombreuses limites méthodologiques et sous contrôle important de la firme produisant l’indacatérol montre un bénéfice de ce nouveau LABA versus placebo pour le traitement de patients BPCO, sur une durée de 52 semaines, pour le critère VEMs.

 

Pour la pratique

 

Les guides de pratique actuels (GOLD updated 2009) recommandent un traitement bronchodilatateur à longue durée d’action à partir du stade II de BPCO (VEMS < 80%). Nous disposons à l’heure actuelle de 2 β2-mimétiques à longue durée d’action, LABAs (formotérol et salmétérol) et du tiotropium. L’indacatérol est un autre LABA qui ne doit être administré qu’une seule fois par jour. Son efficacité en termes de bénéfice clinique réel reste à préciser ainsi que sa sécurité. 

 

Références

  1. The Global Initiative For Chronic Obstructive Lung Disease. Global strategy for the diagnosis, management, and prevention of chronic obstructive pulmonary disease: NHLBI/WHO Workshop. Bethesda, MD: National Heart, Lung and Blood Institute; April 2001, updated 2009. www.goldcopd.com
  2. Wilt TJ, Niewoehner D, MacDonald R, Kane RL. Management of stable chronic obstructive pulmonary disease: a systematic review for a clinical practice guideline. Ann Intern Med 2007;147:639-53.
  3. Chevalier P. Médicaments inhalés pour le traitement de la BPCO stable. MinervaF 2008;7(3):34-5.
  4. Donohue JF, Fogarty C, Lötvall J, et al; INHANCE Study Investigators. Once-daily bronchodilatators for chronic obstructive pulmonary disease: indacaterol versus tiotropium. Am J Respir Crit Care Med 2010;182:155-62.
  5. Feldman G, Siler T, Prasad N, et al; INLIGHT 1 study group. Efficacy and safety of indacaterol 150 mcg once-daily in COPD: a double-blind, randomised, 12-week study. BMC Pulm Med 2010;10:11 .
  6. Chevalier P. Sécurité des LABA dans la BPCO : suite. MinervaF 2009;8(3):35.
Indacatérol, nouveau LABA, dans le traitement de la BPCO ?



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