Revue d'Evidence-Based Medicine



Education individuelle : efficace en cas de diabète de type 2 ?



Minerva 2010 Volume 9 Numéro 11 Page 134 - 135

Professions de santé


Analyse de
Duke SA, Colagiuri S, Colagiuri R. Individual patient education for people with type 2 diabetes mellitus. Cochrane Database Syst Rev 2009, Issue 1.


Question clinique
Pour des patients présentant un diabète de type 2, quelle est l’efficacité d’une éducation individuelle versus soins courants en termes de contrôle métabolique, de connaissances sur le diabète et de critères psychosociaux ?


Conclusion
Cette synthèse méthodique avec méta-analyse basée sur un nombre faible d’études, ne montre pas de preuve d’une plus-value d’une éducation individuelle versus soins courants en termes de modification du taux d’HbA1c. Une éducation en groupe montre, versus éducation individuelle, une plus-value à court terme (6 à 9 mois) mais non à long terme (12 à 18 mois).


 

Contexte

L’éducation des patients souffrant de diabète est considérée à l’heure actuelle comme un élément constitutif fondamental de soins corrects d’un diabète (1-4). L’organisation optimale de cette éducation, l’efficacité de différentes formes d’éducation en termes de résultats sur la santé et de recours à des soins de santé ne sont pas précisés (2).

 

Résumé

Méthodologie

Synthèse méthodique avec méta-analyse

Sources consultées

  • Cochrane Library, MEDLINE, Premedline, ERIC, Biosis, AMED, Psychinfo, EMBASE, CINAHL, APAIS-health, Australian Medical Index, Web of Science, dissertation abstracts and Biomed Central (jusqu’en avril 2007).

Etudes sélectionnées

  • critères d’inclusion : RCTs ou études contrôlées, sujets âgés >18 ans, avec diabète de type 2 suivant les critères de l’OMS ou de l’ADA ; avec éducation face-à-face comme intervention principale ; avec critères de jugement portant sur des faits cliniques, sur les recours à des soins de santé ou les coûts de ceux-ci
  • critères d’exclusion : sujets avec MODY (Maturity Onset Diabetes of the Young) ou diabète de grossesse, programmes éducatifs individuels limités à une cible (par exemple les soins des pieds)
  • inclusion de 9 RCTs : avec évaluation d’une éducation individuelle versus soins courants dans 6 études et versus éducation en groupe dans 3 études ; durée de contact variant de < 2 heures à >5 heures ; éducation délivrée par un éducateur et/ou un(e) diététicien(ne) dans 8 études, par des personnes sans formation médicale dans 1 étude ; suivi de 6 à 18 mois ; 3 études aux E.-U. et 1 dans chacun des pays suivants : Australie, Espagne, Hollande, Royaume-Uni, Japon et Hong-Kong.

Population étudiée

  • 1 359 patients âgés de 52 à 65 ans avec un diabète de type 2 évoluant de <3 ans à >7 ans, avec HbA1c de 6,6% à 12,2% lors de la randomisation.

Mesure des résultats

  • critères de jugement primaires : HbA1c, complications du diabète, recours à des soins de santé, coûts de ceux-ci
  • critères secondaires : psychosociaux, connaissance concernant le diabète, comportement et compétences pour les soins auto administrés, IMC et PA, valeurs lipidiques.

 

Résultats

  • critère primaire, HbA1c (voir tableau)
  • critères secondaires
    • IMC et PA : pas de différence entre éducation individuelle et autre intervention
    • données insuffisamment précises pour les autres critères.

Tableau : Différence Moyenne Pondérée (DMP) pour l’HbA1c (avec IC à 95%,valeur p indique la probabilité (Eng: probability) que le résultat d’une étude épidémiologique puisse être attribué au seul fait du hasard. A strictement parler, la valeur p désigne le risque que l’hypothèse nulle soit rejetée à tort (et que la différence observée entre les groupes soit en réalité due au hasard). En pratique, la valeur p est comprise entre 0 et 1 et est déterminée par un test statistique. Une valeur p de 1 indique que le résultat observé est attribuable au hasard. Une valeur p proche de 0 signifie que le résultat observé ne repose pas sur le hasard. La plupart des études utilisent une valeur p égale à 0,05 comme limite de signification statistique. Si p ≤ 0,05, la probabilité que le résultat soit dû au hasard (et que nous rejetions à tort l’hypothèse nulle) est inférieure ou égale à 5%, ce qu’on désigne comme un résultat «statistiquement significatif». Un résultat statistiquement significatif n’implique pas nécessairement un intérêt clinique. La signification statistique ne peut pas être confondue avec la pertinence clinique (intérêt pour le patient dans la pratique)."> valeur p) et test I² de Higgins entre éducation individuelle et soins courants ou éducation en groupe, pour un suivi de 6 à 9 mois ou de 12 à 18 mois.

Interventions

Suivi en mois

N

n

DMP (IC à 95%, valeur p)

Éducation individuelle

 

vs soins courants

6 - 9

 

12 -18

3

 

4

295

 

632

-0,2% (-0,5 à 0,03 ; p=0,08)

-0,1% (-0,3 à 0,1 ; p=0,33)

15,6%

 

30,7%

Éducation individuelle

vs soins courants pour un sous-groupe avec HbA1c >8% à l’inclusion

 

3

424

-0,3% (-0,5 à -0,1 ; p=0,007)

0%

Éducation individuelle

 

vs éducation en groupe

6 - 9

 

12 -18

2

 

2

148

 

112

+0,8% (0,3 à 1,3 ; p=0,0007)

+0,03% (-0,02 à 0,1 ; p=0,22)

0%

 

0%

N = nombre d’études pour la sommation ; n = nombre de patients inclus

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que leur synthèse méthodique suggère qu’une éducation individuelle versus soins habituels influence favorablement le contrôle glycémique dans un sous-groupe de patients avec une HbA1c >8% à l’inclusion. Globalement, aucune différence significative n’est observée entre ces deux approches. Le nombre faible d’études comparant éducation individuelle et en groupe ne montre pas de différence en termes d’HbA1c sur 12 à 18 mois de suivi. D’autres études sont nécessaires.

 

Financement

Australian Department of Health and Aging.

 

Conflits d’intérêt 

Aucun n’est connu.

 

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Cette étude de Duke et coll. est une synthèse bien élaborée de la littérature. La stratégie de recherche est décrite en détail, avec recherche systématique dans plusieurs sources, les inclusions et exclusions finales ont été réalisées sur jugement indépendant de 3 auteurs. Deux chercheurs ont évalué la qualité méthodologique des publications avec leurs risques de biais, sans détailler comment ils ont procédé. Les médecins traitants n’étaient en insu que dans 2 études seulement. Le nombre de patients inclus est très faible dans certaines études (par exemple 53 dans une étude). Pour 2 études, le taux de sortie d’étude est important (64% après 12 mois et 46% après 6 mois) et l’analyse des résultats n’est pas toujours en intention de traiter. La puissance nécessaire pour montrer une différence significative pour l’HbA1c n’est calculée que dans 4 études. L’hétérogénéité est explorée au moyen d’un test I² et si elle est présente, les résultats ne sont pas sommés. Différentes études de sensibilité étaient prévues mais n’ont pu être réalisées par manque de données. Ce manque de données limite également les réponses à un seul des critères primaires prévus.

 

Mise en perspective des résultats

Une synthèse méthodique effectuée par Norris (5) montre, à court terme (<6 mois) un effet positif de l’éducation sur le taux d’HbA1c. Une synthèse de la Cochrane (6) montre aussi un effet positif d’une éducation en groupe versus soins courants sur le taux d’HbA1c, sur le poids, sur la pression artérielle systolique, sur les connaissances à propos du diabète et pour un moindre recours à des médicaments. La synthèse de Duke analysée ici vise à montrer la plus-value d’une éducation face-à-face entre autres versus soins habituels, sans observer d’avantage significatif en termes de taux d’HbA1c. La faiblesse des différences observées entre les deux groupes est peut-être liée au peu de différence entre les interventions elles-mêmes : suivi également relativement intensif dans le groupe soins courants, au vu du recrutement de la majorité des patients en deuxième ligne de soins où un traitement multidisciplinaire est généralement proposé. Notons aussi que de nombreux patients présentaient un taux bas d’HbA1c au début de l’étude, avec amélioration possible donc faible. Une analyse en sous-groupe pour ce taux d’HbA1c initial montre qu’en cas d’HbA1c >8%, après 6 à 9 mois une différence significative est observée pour ce critère en faveur de l’éducation individuelle. Un effet favorable de l’éducation dans un tel sous-groupe avait déjà été observé (7). L’ampleur de la différence observée (0,3% avec un IC à 95% de 0,1 à 0,5) pose cependant question quant à sa pertinence clinique.

Pour la comparaison éducation individuelle versus éducation en groupe, à court terme (6 à 9 mois) mais non à long terme (12 à 18 mois), un bénéfice significatif sur le taux d’HbA1c est observé en faveur de l’éducation en groupe ; ce type d’éducation comporte un nombre d’heures d’éducation plus important qu’en approche individuelle, ce dont il faut tenir compte dans l’interprétation des résultats. La période de suivi dans les études est trop limitée pour évaluer une efficacité en termes de complications et aucune étude n’apporte d’analyse coût/efficacité.

Les auteurs d’un récent guide de pratique australien (8) ont effectué une recherche systématique étendue dans la littérature, incluant les résultats de cette synthèse méthodique de Duke. Une méta-analyse n’a pas été réalisée. Ce guide de pratique montre, comme la synthèse de Duke, que l’éducation est une intervention complexe, avec différentes composantes pouvant influencer l’efficacité finalement observée. Des programmes interactifs semblent plus efficaces que des interventions didactiques limitées à une transmission d’information par un soignant (3,5,8). Une éducation ciblant un soutien psychosocial et le comportement est plus efficace qu’un programme ciblant surtout les connaissances (3). Outre le processus d’éducation (individuel, en groupe ou associant les deux), d’autres aspects semblent importants : la durée de contact, le nombre de sessions, le nombre d’items abordés, l’organisation d’une session de rappel et la continuité (3,8-9). D’autres éléments encore jouent un rôle pour la réussite de telles interventions éducatives : le traitement médicamenteux, le contexte, la situation socio-économique et l’éducateur lui-même (8).

Pour la pratique

La Recommandation de Bonne Pratique Belge (1) recommande une éducation chez les sujets présentant un diabète de type 2 en se basant sur la synthèse méthodique de Norris (5). Elle ne fait pas de distinction entre éducation individuelle et éducation en groupe. Un guide de pratique australien récent (8), évaluant l’éducation du diabétique, conforte cette recommandation, ses auteurs concluant à des preuves de l’utilité de l’éducation, à une recommandation de l’éducation en groupe comme individuelle (GRADE A). La synthèse méthodique avec méta-analyse de Duke n’apporte pas de preuve d’une plus-value d’une éducation individuelle versus soins courants ni versus éducation en groupe (à plus long terme). Il reste donc à mieux déterminer quelles composantes des programmes éducatifs sont efficaces.

 

Conclusion

Cette synthèse méthodique avec méta-analyse basée sur un nombre faible d’études, ne montre pas de preuve d’une plus-value d’une éducation individuelle versus soins courants en termes de modification du taux d’HbA1c. Une éducation en groupe montre, versus éducation individuelle, une plus-value à court terme (6 à 9 mois) mais non à long terme (12 à 18 mois).

 

 

Références

  1. Wens J, Sunaert P, Nobels F, et al. Recommandations de Bonne Pratique : Diabète de  type 2. SSMG.
  2. Loveman E, Frampton GK, Clegg AJ. The clinical effectiveness of diabetes education models for type 2 diabetes: a systematic review. Health Technol Assess 2008;12:1-116.
  3. Funnell MM, Brown TT, Childs BP, et al. National standards for diabetes self-management education. Diabetes Care 2010;32(suppl 1):S89-S96.
  4. NICE. Type 2 diabetes. The management of type 2 diabetes. NICE clinical guideline 66, May 2008.
  5. Norris SL, Engelgau MM, Narayan KM. Effectiveness of self-management training in type 2 diabets: a systematic review of randomized controlled trials. Diabetes Care 2001;24:561-87.
  6. Deakin T, Mcshane CE, Cade JE, Williams RD. Group based training for self-management strategies in people with type 2 diabetes. Cochrane Database Syst Rev 2005, Issue 2.
  7. Sigurdardottir AK, Jonsdottir H, Benediktsson R. Outcomes of education interventions in type 2 diabetes: WEKA data-mining analysis. Pat Educ Couns 2007;67:21-31.
  8. Colagiuri R, Girgis S, Eigenmann C, Gomez M, Griffiths R. National evidence based guidelines for patient education in type 2 diabetes. Diabetes Australia and the NHMRC, Canberra 2009.
  9. Fan L, Sidani S. Effectiveness of diabetes self-management education intervention elements: a meta-analysis. Can J Diabetes 2009;33:18-25.
Education individuelle : efficace en cas de diabète de type 2 ?

Auteurs

Bastiaens H.
Vakgroep eerstelijns- en interdisciplinaire zorg, Centrum voor Huisartsgeneeskunde, Universiteit Antwerpen
COI :

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