Revue d'Evidence-Based Medicine



Intérêt des CSI en cas d’infection à VRS ?



Minerva 2010 Volume 9 Numéro 7 Page 80 - 81

Professions de santé


Analyse de
Ermers MJ, Rovers MM, van Woensel JB, et al; RSV Corticosteroid Study Group. The effect of high dose inhaled corticosteroids on wheeze in infants after respiratory syncytial virus infection: randomised double blind placebo controlled trial. BMJ 2009;338:b897.


Question clinique
L’administration de corticostéroïdes inhalés débutée rapidement après une infection des voies respiratoires inférieures à VRS et poursuivie durant 3 mois modifie-t-elle la survenue et la sévérité d’épisodes récurrents de sibilances chez des nourrissons ?


Conclusion
Cette RCT évaluant l’efficacité de l’administration de doses élevées de béclométasone inhalée durant 3 mois chez des enfants âgés de moins de 13 mois et hospitalisés pour une infection des voies respiratoires inférieures à virus respiratoire syncytial ne montre pas de résultat bénéfique en termes de prévention d’épisodes ultérieurs de sibilances.


 

Contexte

Une infection des voies respiratoires inférieures à VRS est une cause fréquente d’hospitalisation dans la première enfance et fréquemment suivie d’épisodes récurrents de sibilances (wheezing) : le risque à l’âge de 6 ans serait multiplié par 4,3 (1).

Pour éviter une telle récurrence, des corticostéroïdes inhalés sont régulièrement administrés mais leur efficacité n’avait pas encore été évaluée de manière stricte dans une RCT.

Résumé

Population étudiée

  • 243 enfants âgés <13 mois, hospitalisés pour infection respiratoire à VRS dans 19 centres aux Pays-Bas ; 52% de garçons
  • 7% ont nécessité une assistance mécanique
  • 46% avec sibilances initiales
  • exclusion : enfants ayant déjà reçu des stéroïdes, souffrant d’une pathologie cardiaque ou pulmonaire, ayant déjà présenté un épisode de maladie avec sibilances.

 

Protocole d’étude

  • étude randomisée, contrôlée versus placebo, en double aveugle, multicentrique
  • intervention (n=119) : 200 mcg de béclométasone (particules extrafines) 2x/j en aérosol doseur pressurisé avec chambre d’expansion durant 3 mois
  • contrôle (n=124) : placebo dans les mêmes conditions
  • traitement débuté dans les 24h du diagnostic d’infection à VRS (test immunofluorescence sur cellules par aspiration nasopharyngée)
  • suivi durant les 3 mois de traitement + 1 an
  • analyse en intention de traiter avec imputation des données manquantes.

 

Mesure des résultats

  • critère primaire : nombre de jours avec sibilances durant l’année suivant les 3 mois de traitement 
  • critères secondaires : nombre de jours avec toux, nombre de jours avec recours à des médicaments à visée respiratoire, durée d’hospitalisation, qualité de vie par rapport à la santé, fonction respiratoire, effet indésirable sur la croissance, incidence de candidose
  • 2 (x 2) sous-groupes pré spécifiés : nécessité initiale d’une ventilation mécanique ou non, wheezing initial ou non (à l’auscultation).

 

Résultats

  • 7% de sorties d’étude
  • critère primaire, nombre de jours avec sibilances : rapport de fréquence béclométasone/placebo de 0,83 avec p=0,31 ; pas de différence significative pour l’ensemble du groupe ni au niveau du sous-groupe pré spécifié des enfants avec wheezing lors de l’infection ; dans le sous-groupe des enfants sans assistance mécanique initiale, réduction absolue du nombre de jours avec wheezing de 2,1% (4,3% vs 6,4% dans le groupe placebo, p=0,046) ; réduction plus prononcée durant les 6 premiers mois
  • critères secondaires : pas de différence significative pour la proportion d’enfants avec sibilances (62 vs 61%), pour la toux (86 vs 83%), pour un recours à des bronchodilatateurs (42% vs 40%) ou à des CSI (26% vs 25%).
  • pas d’effet indésirable sévère rapporté, pas de différence pour le nombre d’enfants avec candidose, pas de différence pour la taille à 2 ans.

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent qu’un traitement à hautes doses de béclométasone inhalée (particules extrafines) initié rapidement chez des enfants hospitalisés pour infection respiratoire à VRS et poursuivi durant 3 mois n’a pas d’efficacité majeure sur la récurrence de sibilances. Ils ne recommandent donc pas la généralisation d’un tel traitement durant une infection respiratoire à VRS.

 

Financement 

Dutch Asthma Foundation

 

Conflits d’intérêt 

Aucun n’est déclaré.

 

Discussion

 

Considérations sur la méthodologie

Cette RCT est élaborée sur la base d’un protocole correspondant aux règles de l’art. La séquence d’attribution est bien aléatoire, par liste de 6 blocs attribués, le secret de l’attribution est bien gardé, le médicament actif et le placebo sont présentés dans les mêmes dispositifs, avec le même goût. L’analyse est faite en intention de traiter avec imputation des données manquantes pour plusieurs critères de jugement. Pour une puissance de 90%, les auteurs devaient inclure 250 patients pour montrer une différence cliniquement pertinente de 14 jours entre les 2 bras d’étude ; ce nombre de participants n’a cependant pas été atteint.

 

Mise en perspective des résultats

Plusieurs études ont évalué l’efficacité de corticostéroïdes inhalés en cas d’épisodes répétés de sibilances chez des enfants lors d’infections des voies respiratoires supérieures (donc une population différente, plus large que celle de l’étude ici évaluée). Une première méta-analyse (2) ne montrait pas de bénéfice statistiquement significatif d’une administration de CSI lors des épisodes de sibilances, ni d’une administration en entretien. Une méta-analyse plus récente (3) commentée dans Minerva (4), montrait l’intérêt symptomatique des CSI chez des enfants âgés de moins de 5 ans présentant des épisodes de sibilances répétés avec ou sans diagnostic d’asthme, mais sans modification de l’évolution naturelle de l’asthme.

Une autre RCT récente (5), également commentée dans Minerva (6) évalue aussi l’intérêt de l’administration d’une haute dose de fluticasone chez des enfants âgés de 1 à 6 ans et présentant des épisodes de sibilances semblant uniquement présents lors d’infections des voies respiratoires supérieures. Un moindre recours à des corticostéroïdes systémiques est observé sous fluticasone versus placebo, avec une moindre croissance en taille et en poids. Les auteurs concluaient que les risques potentiels de ce type de traitement sont plus importants que le bénéfice observé.

La RCT analysée ici concerne une population plus spécifique, celle d’enfants présentant un premier épisode d’infection des voies respiratoires inférieures à VRS, avec ou sans sibilances. Il n’y a pas, à l’heure actuelle, de preuve convaincante d’une efficacité d’un médicament sur le décours ni sur les troubles respiratoires ultérieurs de ce type d’infection. Une efficacité suggérée par certains experts pour les antagonistes des récepteurs des leucotriènes n’a pu être confirmée par les mêmes experts dans une RCT (7). La recherche analysée ici ne montre donc pas de bénéfice d’une administration d’une haute dose de béclométasone durant 3 mois, sauf, peut-être, en excluant de l’analyse les enfants ayant dû bénéficier d’une assistance respiratoire mécanique. Le résultat favorable est gratifié d’une valeur p de 0,046, ce qui n’est cependant pas significatif pour une telle analyse en sous-groupe. Une analyse en sous-groupe ne reprenant que les enfants présentant des sibilances à l’auscultation ne montre également pas de bénéfice de l’administration précoce de CSI. Le nombre insuffisant de patients inclus dans cette étude peut avoir influencé l’absence de mise en évidence d’une différence.

 

Pour la pratique

Chez de jeunes enfants présentant une infection des voies respiratoires inférieures à virus respiratoire syncytial (VRS), aucun traitement n’a prouvé son efficacité symptomatique, sauf, peut-être, une nébulisation de sérum hypersalin administrée à l’hôpital (8). Il n’existe également pas de preuve qu’un traitement initial puisse réduire la récurrence (fréquente) d’épisodes de sibilances après cette infection. L’administration précoce (dans les 24 heures post diagnostic) d’une dose élevée de corticostéroïdes inhalés pendant 3 mois ne se montre également pas efficace pour cette prévention.

 

Conclusion

Cette RCT évaluant l’efficacité de l’administration de doses élevées de béclométasone inhalée durant 3 mois chez des enfants âgés de moins de 13 mois et hospitalisés pour une infection des voies respiratoires inférieures à virus respiratoire syncytial ne montre pas de résultat bénéfique en termes de prévention d’épisodes ultérieurs de sibilances.

 

Références

  1. Stein RT, Sherrill D, Morgan WJ, et al. Respiratory syncytial virus in early life and risk of wheeze and allergy by age 13 years. Lancet 1999;354:541-5.
  2. McKean M, Ducharme F. Inhaled steroids for episodic viral wheeze of childhood. Cochrane Database Syst Rev 2000, Issue 2.
  3. Castro-Rodriguez JA, Rodrigo GJ. Efficacy of inhaled corticosteroids in infants and preschoolers with recurrent wheezing and asthma: a systematic review with meta-analysis. Pediatrics 2009;123:e519-e525.
  4. Chevalier P. Stéroïdes inhalés chez de jeunes enfants. MinervaF 2010;9(1):16.
  5. Ducharme FM, Lemire C, Noya FJ, et al. Preemptive use of high-dose fluticasone for virus-induced wheezing in young children. N Engl J Med 2009;360:339-53.
  6. Chevalier P. Fluticasone en prévention chez l’enfant. MinervaF 2010;9(1):16.
  7. Bisgaard H, Flores-Nunez A, Goh A, et al. Study of montelukast for the treatment of respiratory symptoms of post-respiratory syncytial virus bronchiolitis in children. Am J Respir Crit Care Med 2008;178:854-60.
  8. Godding V. Bronchiolite aiguë : sérum hypersalin en nébulisation ? MinervaF 2009;8(9):118-9.
Intérêt des CSI en cas d’infection à VRS ?



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