Revue d'Evidence-Based Medicine



Contraception orale pour les kystes ovariens fonctionnels ?



Minerva 2010 Volume 9 Numéro 3 Page 30 - 31

Professions de santé


Analyse de
Grimes DA, Jones LB, Lopez LM, Schulz KF. Oral contraceptives for functional ovarian cysts. Cochrane Database Syst Rev 2009, Issue 2.


Question clinique
Quelle est l’efficacité de la contraception orale en tant que traitement de kystes ovariens fonctionnels pour les femmes en période reproductive ?


Conclusion
Cette synthèse méthodique des RCTs évaluant l’intérêt d’un traitement contraceptif oral pour traiter un kyste fonctionnel de l’ovaire chez une femme en âge de procréer montre la faible qualité méthodologique des trop rares études originales et l’absence de preuve de l’intérêt d’un tel traitement pour une affection à résolution très fréquemment spontanée.


 

Contexte

Les kystes ovariens fonctionnels sont fréquents chez la femme, en période reproductive.

En cas de symptômes associés, ou en cas de risque de complications, ils sont soumis à l’exérèse chirurgicale. Sur base d’un raisonnement physiologique et d’observations tirées des premières études épidémiologiques, la contraception orale (CO) a été proposée dans la prise en charge de ces kystes depuis de nombreuses années. Une méta-analyse des RCTs évaluant un tel traitement était la bienvenue.

 

Résumé

Méthodologie

Synthèse méthodique et méta-analyse.

Sources consultées

  • CENTRAL, MEDLINE, POPLINE et EMBASE (jusqu’en décembre 2008)
  • bases de données d’études cliniques (ClinicalTrials.gov, ICTRP)
  • consultation des listes de références des articles identifiés et de leurs auteurs.

Etudes sélectionnées

  • critères d’inclusion :  RCT comparant l’utilisation d’une CO (tous types d’hormones, d’administration, de durée) à une abstention thérapeutique, à un placebo ou à un autre traitement ; pour le traitement de kyste ovarien fonctionnel (définition propre à chaque étude mais principalement échographique) ;chez des femmes en âge de procréer ; sans restriction de langue
  • critères d’exclusion : études des CO en prévention des kystes ovariens fonctionnels ; études avec quasi randomisation.
  • sélection : 7 études, dont 2 études reprenant des patientes sous induction d’ovulation.

Population étudiée

  • 500 femmes, en âge de procréer sous CO versus expectative
  • CO : noréthistérone-mestranol (1 mg – 50 µg), lévonorgestrel-éthinylestradiol (EE) (125 µg – 50 µg), lévonorgestrel-EE (150 µg – 30 µg), lévonorgestrel-EE (100 µg – 20 µg), désogestrel-EE (150 µg – 30 µg), lévonorgestrel-EE (250 µg – 50 µg), lévonorgestrel-EE (50/75/125 µg -30/40/30 µg) et désogestrel-EE (150 µg – 20 µg)
  • âge moyen défini uniquement dans les études avec induction d’ovulation : 33/32 ans et 34/33 ans.

Mesure des résultats

  • critère principal : disparition du kyste ovarien lors du suivi (échographie ou examen clinique)
  • délai de disparition dans certaines études
  • résultats exprimés en Odds Ratio avec intervalle de confiance à 95%
  • analyse de l’hétérogénéité (tests Chi² et test I² de Higgins calcule le pourcentage de variation entre les études lié à une hétérogénéité et non au hasard, donnée importante lors de la sommation des différents résultats. Ce test statistique évalue la non concordance (‘inconsistency’) dans les résultats des études. Au contraire du Test Q, le test I² dépend du nombre d’études disponibles. Un résultat de test 0 à 40% = l’hétérogénéité pourrait être peu importante ; 30 à 60% = l’hétérogénéité peut être modérée ; 50 à 90% = l’hétérogénéité peut être substantielle ; 75 à 100% = l’hétérogénéité est considérable.">I²)
  • ni analyse en sous-groupes, ni analyse de sensibilité.

 

Résultats

Tableau. Résultats exprimés en Odds Ratio (avec IC à 95%) du CO versus abstention thérapeutique suivant les études (induction ou non, N (nombre de RCT(s)), population (CO/abstention), type de CO, durée de suivi).

Induction

Nombre de RCTs

Population (CO/abstention thérapeutique)

Type de CO

Durée de suivi

Odds Ratio

(IC à 95%)

oui

1 RCT

27/27

lévonorgestrel-éthinylestradiol (EE)(125µ-50µ)

1 cycle menstruel

0,72 (0,14-3,57)

oui

1RCT

22/19

noréthistérone-mestranol (1mg-50µ) ; prise continue

 3, 6 et 9 semaines

0,0 (0,0-0,0)*

non

2RCTs

37/39

désogestrel-EE (150µ-30µ) ; prise continue

10 ou 12 semaines

1,52 (0,46-5,00)

non

1 RCT

67/74

désogestrel-EE (150µ-20µ)

6 mois

0,62 (0,27-1,42)

non

1 RCT

20/22

lévonorgestrel- EE (100µ-20µ)

12 semaines

1,71 (0,45-6,51)

non

2 RCTs

58/54

lévonorgestrel- EE (150µ-30µ)

2ème ou 3ème mois

1,19 (0,54-2,60)

non

1 RCT

17/17

lévonorgestrel- EE (250µ-50µ)

10 semaines

3,18 (0,12-83,76)

non

1 RCT

18/17

lévonorgestrel- EE (50/75/125µ-30/40/30µ)

10 semaines

3,36 (0,13-88,39)

* Résolution de tous les kystes à 9 semaines.

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que les associations contraceptives orales, pourtant largement utilisées pour traiter les kystes ovariens fonctionnels, semblent n’apporter aucun bénéfice. Une attitude attentiste pour 2 ou 3 cycles est appropriée. En cas de persistance du kyste, un traitement chirurgical est souvent indiqué.

Financement

US Agency for International Development, USA et National Institute of Child Health and Human Development, USA.

Conflits d’intérêt

Le premier auteur déclare des consultances et participations à des bureaux de conférence de Bayer Healthcare Pharmaceuticals, Ortho-Mc Neil, Schering-Plough, Barr Laboratories et Wyeth.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Les conclusions de cette synthèse méthodique peuvent s’appuyer sur une méthodologie de travail et un travail de recherche fort complets et dans les règles de l’art mais les auteurs ne peuvent rattraper la faible quantité d’études et le faible nombre de personnes incluses dans ces études. Il s’agit, en fait, d’une réactualisation d’une synthèse méthodique de 2006 (1). Deux chercheurs ont indépendamment effectué l’extraction des résultats des études. La qualité méthodologique des études a été évaluée afin de déterminer les biais potentiels pour les items suivants : protocole d’étude, méthode de randomisation, secret de l’attribution, insu, taux d’arrêts prématurés et d’arrêts de suivi. Le respect de l’insu dans l’intervention n’est réellement renseigné que dans 3 RCTs, où il n’a pas été appliqué. Il faut souligner l’absence d’informations sur la randomisation et le secret d’attribution dans les 7 RCTs sélectionnées.

Cette mise à jour permet l’ajout de 3 nouvelles RCTs. Deux seules méta-analyses ont pu être réalisées, n’incluant chaque fois que 2 RCTs évaluant la même CO et utilisant les mêmes indicateurs de résultats. Malgré cela, le nombre de personnes incluses reste faible et cela ne permet pas de dégager de résultat statistiquement significatif. Les autres analyses ne se basent que sur les résultats d’une RCT pour un CO défini. En l’absence d’études cliniques plus conséquentes, les auteurs ne peuvent donc que suggérer une absence de bénéfice décelée pour la CO dans cette situation (comme dans leur analyse précédente).

Interprétation des résultats

La définition de kyste fonctionnel ovarien semble reposer sur celle d’un kyste simple (contenu anéchogène et paroi lisse, uniloculaire) à l’échographie, mais seules 2 études fournissent des critères échographiques plus détaillés. Le dosage de CA-125 n’est utilisé que dans 1 RCT. Dans cette méta-analyse, les auteurs mentionnent une incidence de diagnostic hospitalier annuel de kyste ovarien de 67 à 131 pour 100 000 femmes. L’incidence de kystes ovariens fonctionnels dans une patientèle de médecine générale est difficile à estimer. Il est avancé que les kystes fonctionnels sont plus présents chez des femmes avec des irrégularités menstruelles et en pré-ménopause (2).

La question est de gérer la découverte d’une masse annexielle dans le décours d’une exploration pour des plaintes de la sphère uro-génitale ou abdominale. De nombreux kystes ovariens sont a- ou pauci-symptomatiques. Il n’est donc pas possible de conclure que les résultats de ces études sont extrapolables pour toutes les femmes, aussi bien en première ligne de soins qu’en référence gynécologique. Le recrutement des patientes dans les différentes RCTs incluses dans cette synthèse méthodique n’est pas précisé. Nous pouvons déplorer le peu d’informations sur ces patientes, en dehors des patientes sous traitement d’induction (moyenne d’âge 33 et 34 ans). Au moins 2 études reprises ici concernent des patientes asymptomatiques, car les échographies sont réalisées dans le cadre d’un suivi de traitement d’induction d’ovulation.

La majorité des kystes fonctionnels ovariens ont disparu après 2 ou 3 cycles menstruels (3) dans les différentes RCTs et aucune différence n’est rapportée dans la rapidité de résolution par la prise de CO. Les auteurs indiquent qu’un traitement chirurgical est indiqué en cas de persistance du kyste au-delà de cette période ou en cas de kyste de grande taille ou douloureux mais cette conclusion n’est pas issue de preuves apportées par les études qu’ils analysent ici.

Pour la pratique

En cas de présence de masse annexielle, les guidelines recommandent une évaluation des signes et symptômes, un dosage de CA-125 et une échographie abdominale ou transvaginale (4). S’il s’agit d’un kyste fonctionnel, cette synthèse méthodique nous montre l’absence de preuve de l’intérêt de prescrire une contraception orale. La majorité de ces kystes disparaissent spontanément dans les 2 à 3 mois. En cas de persistance après 3 mois, de volume important ou de douleur, un abord chirurgical serait à envisager.

 

Conclusion

Cette synthèse méthodique des RCTs évaluant l’intérêt d’un traitement contraceptif oral pour traiter un kyste fonctionnel de l’ovaire chez une femme en âge de procréer montre la faible qualité méthodologique des trop rares études originales et l’absence de preuve de l’intérêt d’un tel traitement pour une affection à résolution très fréquemment spontanée.

 

Références

  1. Grimes DA, Jones LB, Lopez LM, Schulz KF. Oral contraceptives for functional ovarian cysts. Cochrane Database Syst Rev 2006, Issue 4.
  2. Hoeger K. Review: the current evidence does not suggest that oral contraceptives hasten resolution of functional ovarian cysts. Evid Based Med 2007;12:76.
  3. Christensen JT, Boldsen JL, Westergaard JG. Functional ovarian cysts in premenopausal and gynecologically healthy women. Contraception 2002;66:153-7.
  4. Le T, Giede C, Salem S, et al; Society of Obstetricians and Gynaecologists of Canada. Initial evaluation and referral guidelines for management of pelvic/ovarian masses. J Obstet Gynaecol Can 2009;31:668-80.

 

Noms de marque

  • noréthistérone-mestranol (1 mg – 50 µg) : non disponible en Belgique
  • lévonorgestrel-éthinylestradiol (EE) (125 µg – 50 µg) : Microgynon 50®
  • lévonorgestrel-EE (150 µg – 30 µg) : Stediril-30®, Microgynon 30®, Nora-30®
  • lévonorgestrel-EE (250 µg – 50 µg) : non disponible en Belgique
  • lévonorgestrel-EE (100 µg – 20 µg) : Lowette®, Microgynon 20®, Eleonor®
  • lévonorgestrel-EE (50/75/125 µg - 30/40/30 µg) : Trinordiol®, Trigynon®
  • désogestrel-EE (150 µg – 30 µg) : Deso 30®, Marvelon®
  • désogestrel-EE (150 µg – 20 µg) : Deso 20®, Mercilon
Contraception orale pour les kystes ovariens fonctionnels ?

Auteurs

Belche J.L.
Département Universitaire de Médecine Générale, Université de Liège
COI :

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