Revue d'Evidence-Based Medicine



Budésonide et formotérol pour les exacerbations d’asthme ?



Minerva 2010 Volume 9 Numéro 1 Page 4 - 5

Professions de santé


Analyse de
Cates CJ, Lasserson TJ. Combination formoterol and inhaled steroid versus beta2-agonist as relief medication for chronic asthma in adults and children. Cochrane Database Syst Rev 2009, Issue 1.


Question clinique
Quelles sont l’efficacité et la sécurité de l’association formotérol + corticostéroïde inhalé pour traiter les exacerbations d’asthme chez l’adulte et chez l’enfant ?


Conclusion
Cette méta-analyse apporte des preuves très limitées d’un intérêt d’un traitement par association fixe formotérol + budésonide des exacerbations d’asthme modéré à sévère chez des personnes (adultes ou enfants) non contrôlées par un traitement d’entretien. Une autre méta-analyse insiste cependant sur l’absence de preuve d’une plus-value d’un traitement d’entretien et des exacerbations par cette association fixe versus traitement conventionnel.


 

Contexte

Les traitements de première intention d’une exacerbation d’asthme sont, selon les guides de pratique en vigueur (1), l’administration répétée de bronchodilatateurs à courte durée d’action inhalés, et si nécessaire, des corticostéroïdes systémiques et un apport d’oxygène. L’administration d’un aérosol d’une association fixe de formotérol, bêta2-mimétique à longue durée d’action mais à début d’action rapide, avec un corticostéroïde inhalé peut-elle également être utile ?

 

Résumé

 

Méthodologie

Synthèse méthodique et méta-analyse

 

Sources consultées

  • bases de données Cochrane CENTRAL, MEDLINE, EMBASE, CINAHL, AMED et PsycINFO (avril 2008)
  • recherche manuelle dans les revues de pneumologie, dans les résumés de congrès, sur les sites web des études cliniques et des firmes
  • consultation des experts et des firmes concernées.

Etudes sélectionnées

  • études randomisées ou en groupes parallèles
  • comparant l’efficacité et la sécurité d’un aérosol contenant une association fixe de formotérol (F) avec un corticostéroïde inhalé (CSI, en fait toujours du budésonide BD) en cas d’exacerbation
  • versus bêta2-mimétique à courte durée d’action (terbutaline, salbutamol) ou versus F
  • de 12 semaines minimum de durée
  • avec comme traitement d’entretien : CSI + bêta2-mimétique à longue durée d’action (LABA), CSI seuls ou rien  
  • exclusion : études dans un service d’urgence
  • 3 études retenues : SOMA, SMILE, STAY (adultes et enfants).

Population étudiée

  • adultes et enfants (4 à 11 ans) avec diagnostic d’asthme chronique selon la publication originale
  • avec asthme léger (étude SOMA) sans traitement d’entretien
  • avec un asthme modéré à sévère, non contrôlé sous hautes doses de CSI (environ 700 mcg/j pour les adultes) et ayant présenté une exacerbation cliniquement importante dans l’année précédente (SMILE et STAY).

Mesure des résultats

  • critères primaires : exacerbations d’asthme nécessitant une hospitalisation, exacerbations d’asthme nécessitant un recours à des corticostéroïdes oraux, effets indésirables sérieux (incluant décès et événements à pronostic vital)
  • critères secondaires : exacerbations, VEMs, DEP, nombre de médicaments de recours, symptômes, qualité de vie, effets indésirables, sorties d’étude.

Résultats

  • Critères primaires
    • en cas d’absence de traitement d’entretien, chez les adultes, BDF versus F seul pour les exacerbations : pas de données pour les critères primaires sauf effets indésirables plus fréquents pour BDF
    • si CSI en entretien (même dose dans les 2 groupes) et BDF pour les exacerbations : pas de données : pas d’étude
    • si CSI + LABA en entretien et BDF versus terbutaline pour les exacerbations, chez des patients avec asthme modéré à sévère : avantage statistiquement significatif en faveur de BDF pour les adultes sur les exacerbations avec recours à un corticostéroïde oral (OR 0,54 ; IC à 95% de 0,44 à 0,65) et pour les enfants sur les effets indésirables sévères non fatals (OR 0,11 ; IC à 95% de 0,02 à 0,48)
    • si CSI + LABA en entretien et BDF versus F seul pour les exacerbations (1 étude, n=3394 adultes avec asthme modéré à sévère) : pas de différence significative pour les exacerbations avec hospitalisation, avantage en faveur de BDF pour le recours à des corticostéroïdes oraux (OR 0,74 ; IC à 95% de 0,56 à 0,99), pas de différence significative pour les effets indésirables sérieux non fatals
    • sn cas d’asthme léger sans traitement de fond, pas de bénéfice BDF versus F
  • Critères secondaires : différences cliniquement peu importantes, ou non significatives.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent qu’en cas d’asthme léger un bénéfice cliniquement important de l’association BDF n’a pu être établi. En cas d’asthme plus sévère, 2 études incluant des patients non contrôlés sous CSI, ayant souffert d’une exacerbation dans l’année précédente, montrent une réduction du risque d’exacerbation avec recours à des corticostéroïdes oraux, sous traitement BDF d’entretien et d’exacerbation versus BDF d’entretien et terbutaline ou F pour l’exacerbation. L’incidence d’effets indésirables sévères chez les enfants est moindre sous BDF d’entretien ainsi que l’incidence des exacerbations dans une étude incluant des enfants non contrôlés sous CSI et comparant terbutaline avec un traitement BDF non approuvé chez les enfants.

Financement

Interne : NHS R&D, UK ; externe : aucun.

Conflits d’intérêt

Aucun n’est connu.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

La recherche dans la littérature est systématique, basée sur le travail du Cochrane Airways Group Specialised Register of trials et complété par d’autres sources encore. Les auteurs détaillent leur mode de sélection rigoureux des études, d’extraction et de traitement des données. Pour évaluer le risque de biais dans les études, ils ont eu recours à 4 critères : l’élaboration de la séquence de randomisation, le secret de l’attribution, l’insu des participants et investigateurs, l’arrêt de suivi. Toutes les études retenues répondent à ces critères sauf le secret de l’attribution qui n’a pu être déterminé pour les 3. L’hétérogénéité statistique est mesurée par le test I² de Higgins.

Interprétation des résultats

Dans sa critique d’une des publications de l’étude SMILE, Kohn (2) fait remarquer que deux des comparateurs utilisés (CSI et LABA) n’ont pas montré dans d’autres études de preuve de leur efficacité dans le traitement des exacerbations de l’asthme. Minerva avait déjà fait ce commentaire à propos du fait de doubler la dose des CSI en cas d’exacerbation (3) : chez des patients présentant une aggravation momentanée de leur asthme, le doublement des doses de corticostéroïdes inhalés du traitement de fond ne peut réduire le recours à des corticostéroïdes oraux (prednisone). Kohn estime qu’il n’est pas certain que la stratégie BDF entretien + exacerbations soit supérieure à une optimisation du contrôle de l’asthme avec des doses d’entretien fixes plus élevées. Dans sa critique d’une des publications de l’étude STAY-adultes, Rees (4) soulève la même question d’une alternative thérapeutique sous la forme de traitement d’entretien assurant un meilleur contrôle.

Effets indésirables

Les effets indésirables de ce traitement ne sont pas précisés dans cette méta-analyse-ci.

Pour les LABA dans l’asthme, nous avons précédemment discuté dans Minerva de leurs avantages et risques potentiels d’augmentation d’exacerbations sévères et même de décès versus placebo (5), sur base d’une étude (SMART) principalement. Le risque d’un retard de croissance sous corticostéroïdes inhalés a également déjà été abordé dans Minerva (6).

 

Autres études

Les 2 auteurs de la méta-analyse commentée ici, en ont réalisée une autre (7) comparant l’association BDF en traitement d’entretien et d’exacerbation versus CSI en entretien et un autre traitement pour les exacerbations. Ils mentionnent que 5 études (5 378 asthmatiques adultes) établissant une comparaison versus traitement conventionnel pour les exacerbations ne montrent pas de réduction significative pour les exacerbations avec hospitalisation ni pour les exacerbations avec recours à corticostéroïde oral. Versus budésonide à plus forte dose en entretien et terbutaline pour les exacerbations, 3 études (n=4 209) ne montrent pas de différence significative pour les exacerbations avec hospitalisation mais un moindre recours aux corticostéroïdes oraux (OR 0,54 ; IC à 95% de 0,45 à 0,64 ; NST de 14 (IC à 95% de 12 à 18) pour 41 mois de traitement).

Pour la pratique

Plusieurs critiques ont, pour les études individuelles, posé la question de la non évaluation comparative d’un renforcement du traitement d’entretien. L’analyse de publications complémentaires à propos de l’intérêt de l’administration d’un aérosol avec une association fixe de formotérol et de budésonide en cas d’exacerbation d’asthme (7) montre les limites de l’intérêt de ce traitement : pas de plus-value versus traitement de référence usuel si l’association est utilisée aussi en traitement d’entretien, sauf peut-être pour la dose totale moyenne de CSI. Un bénéfice de l’administration de cette association fixe pour une exacerbation en cas d’asthme léger n’est pas montré. En cas d’asthme modéré à sévère, un bénéfice est observé chez des patients adultes non contrôlés sous doses élevées de CSI : réduction du risque d’exacerbations avec recours à des corticostéroïdes oraux. Sous traitement d’entretien et des exacerbations par BDF versus BDF en entretien et terbutaline ou F pour l’exacerbation, une réduction des exacerbations entraînant une hospitalisation n’est pas montrée. Aucun bénéfice n’est montré chez les enfants, mais avec, peut-être, une moindre incidence d’effets indésirables sévères … pour une association fixe non approuvée chez les enfants de moins de 6 ans. Au vu de ces limites, les recommandations actuelles pour le traitement des exacerbations d’asthme ne sont pas remises en cause.

 

Conclusion

Cette méta-analyse apporte des preuves très limitées d’un intérêt d’un traitement par association fixe formotérol + budésonide des exacerbations d’asthme modéré à sévère chez des personnes (adultes ou enfants) non contrôlées par un traitement d’entretien. Une autre méta-analyse insiste cependant sur l’absence de preuve d’une plus-value d’un traitement d’entretien et des exacerbations par cette association fixe versus traitement conventionnel.

 

Références

  1. GINA. Global strategy for asthma management and prevention. Revised 2006. www.ginasthma.com
  2. Kohn ML. Budesonide-formoterol for maintenance and as needed reliever treatment reduced asthma exacerbations. Evid Based Med 2007;12:9.
  3. Sturtewagen JP. Intérêt de doubler la dose des corticostéroïdes en cas d'échec du traitement de l'asthme ? MinervaF 2005;4(1):8-10.
  4. Rees JP. Maintenance plus as needed budesonide plus formoterol was better than fixed dose for severe exacerbations in asthma. Evid Based Med 2005;10:116.
  5. Chevalier P. Asthme et ß2-mimétiques à longue durée d’action. MinervaF 2007;6(6):87-9. https://minerva-ebp.be/fr/ArticleAsp/1297
  6. Degryse J. Initiation précoce du budésonide en cas d'asthme modéré persistant ? MinervaF 2005;4(1):10-2.
  7. Cates CJ, Lasserson TJ. Combination formoterol and budesonide as maintenance and reliever therapy versus inhaled steroid maintenance for chronic asthma in adults and children. Cochrane Database Syst Rev 2009, Issue 2.
Budésonide et formotérol pour les exacerbations d’asthme ?



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