Revue d'Evidence-Based Medicine



Efficacité du candésartan sur la rétinopathie liée à un diabète de type 2



Minerva 2009 Volume 8 Numéro 9 Page 122 - 123

Professions de santé


Analyse de
Sjølie AK, Klein R, Porta M, et al; DIRECT Programme Study Group. Effect of candesartan on progression and regression of retinopathy in type 2 diabetes (DIRECT-Protect 2): a randomised placebo-controlled trial. Lancet 2008;372:1385-93.


Question clinique
Le candésartan est-il efficace pour ralentir la progression et induire la régression d’une rétinopathie liée à un diabète de type 2 ?


Conclusion
Cette étude ne montre pas d’efficacité de l’administration de 32 mg de candésartan versus placebo en termes d’une moindre progression d’une rétinopathie en cas de diabète de type 2.


 

Contexte

Au moment du diagnostic, 40% de sujets présentant un diabète de type 2 ont un certain grade de rétinopathie et 22% supplémentaires en développeront une dans les 6 années suivantes. Un contrôle strict de la glycémie et des chiffres tensionnels ainsi qu’un traitement par laser de certaines lésions, peuvent améliorer la pathologie. Une efficacité d’un blocage du système rénine-angiotensine n’était pas connue dans cette indication, contrairement aux domaines de la néphropathie et de la prévention cardiovasculaire.  

 

Résumé

Population étudiée

  • 1 905 sujets âgés de 37 à 75 ans avec un diabète de type 2 depuis 1 à 20 ans
  • critères d’inclusion : diabète survenu à ≥ 36 ans, pas d’insulinothérapie continue dans l’année du diagnostic, sans albuminurie ; normotension ou hypertension traitée et ≤ 160/90 mmHg ; avec une rétinopathie légère à modérément sévère à l’Early Treatment Diabetic Retinopathy Study (ETDRS) Scale
  • critères d’exclusion : obstacle ophtalmique à la prise de clichés de la rétine, œdème maculaire ou rétinopathie proliférative significative, sténose valvulaire aortique, AVC ou infarctus myocardique récent, insuffisance rénale, grossesse, allaitement.

Protocole d’étude

  • étude randomisée, contrôlée, en double aveugle, multicentrique (309), multinationale
  • pièce d’un tryptique DIabetic REtinopathy Candesartan Trials : prévention de la rétinopathie diabétique type 1 (DIRECT-Prevent 1) ; progression en cas de diabète de type 1 (DIRECT-Protect 1) ; progression en cas de diabète de type 2 (DIRECT-Protect 2) dans cette publication-ci
  • randomisation : candésartan 16 mg/j puis 32 mg/j (avec autorisation de diminution) après 1 mois (n=951) versus placebo (n=954)
  • suivi tous les 6 mois (PA, effets indésirables) et 1x/an (autres tests) ; au moins 4 ans au total (suivi moyen de 4,7 ans)
  • photographies des 2 rétines à 6 mois, à 1 an puis tous les ans
  • analyse en intention de traiter doit être complétée par une imputation de ces résultats manquants dans les différents bras d’étude.">intention de traiter.

Mesure des résultats

  • critère primaire : progression (avec délai) de la rétinopathie (= aggravation d’au moins 3 grades sur le score ETDRS pour les 2 yeux) ; modification du grade de rétinopathie (fin d’étude versus début)
  • critères secondaires : régression de la rétinopathie (= amélioration d’au moins 3 grades sur le score ETDRS pour les 2 yeux), survenue d’une rétinopathie proliférative, d’un œdème maculaire cliniquement significatif.

Résultats

  • arrêts de traitement : 15 et 16%
  • critère de jugement primaire (progression) : 161 patients (17%) sous candésartan, 182 (19%) sous placebo : HR 0,87 ; IC à 95% de 0,70 à 1,08 ; p=0,20
  • critère secondaire (régression) : candésartan versus placebo : HR 1,34 (IC à 95% de 1,08 à 1,68 ; p=0,009) ; rétinopathie moins sévère en fin d’étude : OR 1,17 (IC à 95% de 1,05 à 1,30 ; p=0,003)
  • résultats non modifiés si ajustement pour les facteurs de risque initiaux et les modifications de pression artérielle en cours d’étude (moyenne de 4,3 (PAS) et 2,5 (PAD) mmHg en moins pour le candésartan versus placebo)
  • pas de différence significative pour la survenue d’une rétinopathie proliférative ou d’un œdème maculaire significatif.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent qu’un traitement par candésartan chez des patients présentant une rétinopathie légère à modérée liée à un diabète de type 2 peut améliorer cette rétinopathie.

Financement 

AstraZeneca et Takeda qui ont réalisé les analyses statistiques.

Conflits d’intérêt 

Tous les auteurs ont reçu des firmes sus-dites des défraiements pour frais de voyage et consultance, 3 pour un rôle de coordination, 5 pour présentations scientifiques.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Cette étude est réalisée avec une randomisation centrale des patients et un respect du secret de l’attribution, éléments favorables. L’évaluation de la rétinopathie y est rigoureuse, sur photographies, effectuée par deux équipes de deux experts indépendants des chercheurs. Elle donne également un protocole précis pour la mesure de la pression artérielle, avec un même type de tensiomètre,. Les auteurs ont analysé l’évolution du contrôle glycémique, élément qui aurait pu influencer les résultats. Ils observent une stabilité du contrôle glycémique (HbA1c), sans différence pour les valeurs moyennes entre les groupes.

Quelques limites sont aussi à épingler. Un critère pour lequel une évolution plus favorable sous candésartan est observé, l’évolution du grade de rétinopathie en cours d’étude (sans seuil de 3 grades fixé) est qualifié de « additional prespecified outcome mesure » : il ne s’agit cependant ni d’un critère primaire ni d’un critère secondaire à proprement parler. Il n’y a étonnamment pas d’exclusion d’un cotraitement par un inhibiteur du système rénine-angiotensine dans le protocole ; 21% des patients dans le groupe candésartan et 28% dans le groupe placebo en prennent en cours d’étude ce qui signifie une différence significative (p<0,0001). Une diminution de dose du médicament évalué était possible mais il est connu que l’association d’un IEC et d’un sartan fait courir aux patients un risque non négligeable d’effets indésirables supplémentaires. Il faut aussi souligner que l’étude a dû être prolongée d’un an pour respecter la puissance en fonction d’une incidence d’événements plus faible que prévue.

Mise en perspective des résultats

Cette étude ne montre pas de bénéfice pour le critère de jugement primaire, la progression d’au moins 3 grades de la rétinopathie sous candésartan. Les auteurs avaient pourtant estimé, dans leur calcul d’échantillon, que pour avoir une puissance d’étude de 80%, la réduction serait de 27% (sans citer la source de cette estimation). Un résultat favorable est observé pour la régression de la rétinopathie mais, pour rappel, un résultat favorable (comme dans cette étude) pour un critère secondaire n’a jamais que valeur d’hypothèse (1). Les auteurs mentionnent dans les résultats que le taux initial d’HbA1c et le grade initial de rétinopathie influencent la progression de cette dernière. Ils ne donnent pas de chiffre pour l’HbA1c. Pour l’évolution de la rétinopathie, ils mentionnent une efficacité de traitement significative pour une rétinopathie légère (score de 35) avec un NST de 21 (intervalle de confiance non donné) sur 4,7 ans. Pas d’efficacité, par contre, en cas de rétinopathie modérée à sévère. L’absence d’efficacité prouvée pour la prévention d’une rétinopathie proliférative ou d’un œdème maculaire significatif (observés chez un cinquième des participants) souligne les limites du bénéfice apporté. Il n’y a pas de différence significative observée pour les effets indésirables malgré l’association parfois d’un IEC avec le candésartan.

L’étude UKPDS 69 (2) ne montrait pas de bénéfice à 1,5 ans d’un contrôle tensionnel sur la progression d’une rétinopathie (avec un seuil de 2 grades sur le score ETDRS), mais bien à 4,5 ans. L’étude ABCD (3) visait une baisse des chiffres tensionnels chez des patients initialement normotendus (PAD 80-89 mmHg). Elle montrait une baisse de la PAS de 11 mmHg (pour 4,3 dans l’étude DIRECT-Protect 2), une réduction de 12% (pour 2% dans DIRECT-Protect 2) des cas de rétinopathie (avec un seuil de 2 grades au score ETDRS). Une synthèse méthodique (sans méta-analyse) (4) concluait, principalement sur base de l’étude UKPDS, au bénéfice d’un contrôle tensionnel strict chez des patients diabétiques hypertendus tant sur l’apparition que sur la progression d’une rétinopathie diabétique. L’analyse des chiffres des études DIRECT relance le débat de l’influence de la diminution des chiffres tensionnels dans l’effet des différents traitements utilisés. Les auteurs de l’étude DIRECT-Protect 2 le reconnaissent : malgré l’absence de différence de résultats en cas d’ajustement pour les chiffres tensionnels, ils arguent du fait que leurs chiffres de pression mesurés au repos sont un mauvais reflet des chiffres sur l’ensemble du nycthémère et qu’il est donc impossible d’exclure que le rôle antihypertenseur du candésartan n’ait un effet sur la rétinopathie.

Pour la pratique

De rares précédentes études ont évalué l’effet de traitements médicamenteux à visée antihypertensive pour ralentir la progression ou même obtenir une régression de lésions de rétinopathie chez des patients présentant un diabète de type 2, avec un résultat favorable en cas de diminution des chiffres de pression. Le but de cette étude avec le candésartan n’était pas la diminution des chiffres tensionnels ; une légère diminution est obtenue, moindre que dans les précédentes études. Cette étude ne montre pas de bénéfice pour le critère primaire choisi (progression de la rétinopathie d’au moins 3 grades au score ETDRS) tout en montrant un bénéfice pour un critère secondaire (régression) qui reste à confirmer par d’autres études. La discussion sur le rôle de la diminution de la pression artérielle obtenue avec ces médicaments antihypertenseurs dans leur efficacité (prouvée pour certains (3), potentielle ici pour le candésartan) reste ouverte.

 

Conclusion

Cette étude ne montre pas d’efficacité de l’administration de 32 mg de candésartan versus placebo en termes d’une moindre progression d’une rétinopathie en cas de diabète de type 2.

 

Références

  1. Lemiengre M, van Driel M. Marketing de critères primaire et secondaires. MinervaF 2005;5(6):81.
  2. Matthews DR, Stratton IM, Aldington SJ, et al; UK Prospective Diabetes Study Group. Risks of progression of retinopathy and vision loss related to tight blood pressure control in type 2 diabetes mellitus: UKPDS 69. Arch Ophthalmol 2004;122:1631-40.
  3. Schrier RW, Estacio RO, Esler A, Mehler P. Effects of aggressive blood pressure control in normotensive type 2 diabetic patients on albuminuria, retinopathy and strokes. Kidney Int 2002;61:1086-97.
  4. Mohamed O, Gillies MC, Wong TY. Management of diabetic retinopathy: a systematic review. JAMA 2007;298:902-16.
Efficacité du candésartan sur la rétinopathie liée à un diabète de type 2



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