Revue d'Evidence-Based Medicine



Diabète de type 2 récent: autocontrôle glycémique ?



Minerva 2009 Volume 8 Numéro 7 Page 90 - 91

Professions de santé


Analyse de
O’Kane MJ, Bunting B, Copeland M, Coates VE; ESMON-studygroup. Efficacy of self monitoring of blood glucose in patients with newly diagnosed type 2 diabetes (ESMON study): randomised controlled trial. BMJ 2008;336:1174-7.


Question clinique
Pour un patient nouvellement diagnostiqué comme souffrant d’un diabète de type 2, quel est l’effet d’un autocontrôle glycémique sur l’équilibre de son diabète et sur son bien-être ?


Conclusion
Cette étude n’apporte pas de preuve de l’intérêt d’un autocontrôle systématique de la glycémie, en termes de contrôle plus rapide et meilleur de la glycémie, chez les patients présentant un diabète de type 2 récemment diagnostiqué et non insulinorequérant. Un bénéfice potentiel pour certains sous-groupes de patients n’est pas prouvé, par cette étude-ci non plus.


 

Contexte

L’utilité d’un autocontrôle glycémique systématique en cas de diabète de type 2 non insulinorequérant reste un sujet de controverses. D’une part cet autocontrôle glycémique pourrait améliorer l’observance thérapeutique (hygiène de vie et prise de médicaments) et l’équilibre glycémique (1). D’autre part, la confrontation répétée avec des valeurs glycémiques trop hautes pourrait influencer péjorativement la qualité de vie des patients, principalement en induisant de l’anxiété (2). La qualité méthodologique de la plupart des études évaluant l’autocontrôle glycémique est faible et leurs résultats sont contradictoires (1).

 

Résumé

Population étudiée

  • 184 patients âgés de moins de 70 ans (moyenne de 58 à 61 ans) avec un diabète de type 2 récemment diagnostiqué, référé par leur médecins traitants à une des cliniques de diabétologie de 4 hôpitaux d’Irlande du Nord; 60% d’hommes, IMC moyen de 34 et 32 kg/m², HbA1c moyenne de 8,8 et 8,6% selon le bras d’étude
  • critères d’exclusion : e.a. diabète secondaire, insulinothérapie, autocontrôle précédent, pathologie sévère dans les 6 derniers mois, insuffisance rénale chronique, insuffisance hépatique, abus d’alcool.

 

Protocole d’étude

  • RCT
  • intervention : autocontrôle glycémique (n=96) versus absence de contrôle (n=88)
  • autocontrôle : fourniture d’un glucomètre avec explications pour son emploi ; 4 mesures à jeun et 4 mesures postprandiales par semaine ; instructions pour l’adaptation du régime et des activités physiques en fonction des résultats
  • programme éducatif structuré pour tous les participants : à chaque visite au centre de diabétologie, mesure de l’HbA1c, interprétation de celle-ci avec le patient (+ des autocontrôles dans le bras le réalisant) et adaptation du traitement médicamenteux en fonction de l’HbA1c suivant le même algorithme dans les 2 groupes
  • suivi : tous les 3 mois dans le centre, 1 an au total.

Mesure des résultats

  • critères de jugement primaires : différence en taux d’HbA1c entre les 2 groupes, variables psychologiques (dépression, angoisse, sensation de bien-être postive, énergie) et incidence d’hypoglycémie
  • critères secondaires : différence pour l’IMC et pour le recours à des antidiabétiques oraux (ADO)
  • analyse en intention de traiter doit être complétée par une imputation de ces résultats manquants dans les différents bras d’étude.">intention de traiter.

Résultats

  • arrêts d’étude : 2 patients dans chaque bras
  • observance dans le groupe autocontrôle: 73% des patients avec > 80% des mesures recommandées
  • HbA1c : pas de différence significative entre les 2 bras après 12 mois : 6,9 (ET 0,8)% pour l’autocontrôle et 6,9 (ET 1,2)% sans autocontrôle ; différence de 0,07 ; IC à 95% de -0,25 à 0,38
  • score de dépression à 12 mois : moins bon de 6% en cas d’autocontrôle; p=0,01
  • autres critères : pas de différence significative.

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent qu’un autontrôle glycémique n’est pas efficace sur le controle glycémique chez des patients avec un diabète de type 2 récemment diagnostiqué, avec, par contre, un moins bon score pour la dépression (partie d’une échelle/questionnaire évaluant le bien-être).

Financement

Northern Ireland research and development office; les glucomètres ont été mis à disposition gratuitement par Johnson and Johnson.

Conflits d’intérêt

Aucun n’est rapporté.

 

Discussion

Méthodologie

Cette étude repose sur un protocole de recherche correct. La seule différence entre le groupe intervention et le groupe contrôle est l’autocontrôle, avec adaptation du régime et des activités physiques en fonction des valeurs glycémiques capillaires automesurées et discutées lors des visites de contrôle. Les patients des 2 groupes bénéficient du même programme éducatif et d’une même adaptation du traitement médicamenteux en fonction d’un algorithme commun ciblant des valeurs d’HbA1C. La non standardisation de ces aspects thérapeutiques dans d’autres études fut souvent objet de critiques lors de leur évaluation. Il est cependant regrettable que le protocole n’ait pas prévu de contrôle de la bonne mise en œuvre des adaptations de régime et d’exercices prévues. Les critères d’exclusion d’étude sont pertinents en raison de la nécessité d’un contrôle glycémique plus étroit dans ces circonstances.

Mise en perspective des résultats

Cette étude est la première à évaluer l’utilité d’un autocontrôle glycémique chez des patients avec un diabète de type 2 récemment diagnostiqué. Elle se déroule dans des hôpitaux mais concerne des patients référés par leur médecin traitant. Les auteurs mentionnent que ces derniers présentent un comportement habituel pour référer sans donner cependant les raisons des références effectuées. Lors de leur inclusion dans cette étude, les patients présentent en moyenne un taux d’HbA1C élevé (8,8% dans le groupe autocontrôle et 8,6% dans le groupe sans autocontrôle) ce qui peut motiver la référence.

Par rapport aux sujets sans autocontrôle, la pratique de celui-ci ne permet pas d’atteindre plus vite les valeurs cibles et ne modifie pas le recours aux ADO. Une autre étude récente (3) de protocole correct, incluant des patients diabétiques (d’une durée médiane de 3 ans) non traités par insuline et relativement bien équilibrés (HbA1C moyenne de 7,5%) montre des résultats semblables.

Il n’y a également pas de différence observée pour les hypoglycémies. Le risque d’hypoglycémie est faible dans les 2 groupes, les valeurs cibles étant atteintes par la plupart des patients grâce à une adaptation du style de vie et à la prise unique de metformine. Le risque de survenue d’hypoglycémie est plus élevé en cas de prise de sulfamidés hypoglycémiants, certainement en cas de visée de cibles plus basses. Dans la pratique, une intensification du traitement antidiabétique avec l’ajout de sulfamidés hypoglycémiants est également une justification de l’instauration d’un autocontrôle (temporaire)(4).

Le bien-être général, la façon d’envisager son diabète et la satisfaction vis-à-vis du traitement ont été évalués par questionnaire. Celui-ci permettait, entre autres, de déterminer un score de dépression (de 0 à 100) ; le score est de 6 points plus élevé pour le groupe autocontrôle, différence statistiquement significative (p=0,01) versus absence d’autocontrôle ; quelle est la pertinence clinique d’une telle différence ? Aucun chiffre en valeur absolue n’est donné et aucun repère n’est donné, pour une population non diabétique ou pour d’autres patients diabétiques. Une autre précédente étude (d’observation) a montré un lien entre ≥ 1 autocontrôle par jour et un accroissement significatif de l’angoisse et de la dépression (5).

Pour la pratique

Cette étude n’apporte pas d’argument pour remettre en cause les actuelles recommandations : pas d’autocontrôle systématique de la glycémie en cas de diabète de type 2 non insulinorequérant. En cas d’insulinothérapie, un autocontrôle permanent est nécessaire. Cette étude, de par son protocole, ne permet pas de conclusions pour d’autres situations dans lesquelles un autocontrôle glycémique est proposé. Par exemple, en cas d’équilibre du diabète avec ADO susceptibles de provoquer une hypoglycémie avec risque au point de vue sécurité pour le patient, en cas d’équilibre insuffisant du diabète et surtout d’ajout de sulfamidés hypoglycémiants avec risque d’hypoglycémie, en cas de pathologie intercurrente déréglant le diabète, un autocontrôle temporaire peut s’avérer utile (4).

Son intérêt potentiel pour une aide à une modification de comportement (régime, exercices physiques) n’est pas montré dans cette étude.

En Belgique, le matériel nécessaire pour un autocontrôle n’est remboursé que pour des patients réalisant au moins 2 injections d’insuline par jour et inscrits dans une convention avec un centre hospitalier (6). Pour les autres patients, aucun remboursement des tigelles n’est autorisé par l’INAMI. Certaines mutuelles offrent un remboursement partiel et pour certains groupes de patients, pour des tigelles et/ou pour un glucomètre.

 

Conclusion

Cette étude n’apporte pas de preuve de l’intérêt d’un autocontrôle systématique de la glycémie, en termes de contrôle plus rapide et meilleur de la glycémie, chez les patients présentant un diabète de type 2 récemment diagnostiqué et non insulinorequérant. Un bénéfice potentiel pour certains sous-groupes de patients n’est pas prouvé, par cette étude-ci non plus.

Lien vers l'étude originale:

http://www.bmj.com/cgi/reprint/336/7654/1174

 

Références

  1. Welschen LM, Bloemendal E, Nijpels G, et al. Self-monitoring of blood glucose in patients with type 2 diabetes who are not using insulin: a systematic review. Diabetes Care 2005;28:1510-7.
  2. Peel E, Douglas M, Lawton J. Self monitoring of blood glucose in type 2 diabetes: longitudinal qualitative study of patients' perspectives. BMJ 2007;335:493-6.
  3. Farmer A, Wade A, Goyder E, et al. Impact of self monitoring of blood glucose in the management of patients with non-insulin treated diabetes: open parallel group randomised trial. BMJ 2007;335:132-39.
  4. Wens J, Sunaert P, Nobels F, et al. SSMG Recommandations de bonne pratique: le diabète sucré de type 2. SSMG 2007.
  5. Franciosi M, Pellegrini F, De Berardis G, et al. The impact of blood glucose self-monitoring on metabolic control and quality of life in type 2 diabetic patients: an urgent need for better educational strategies. Diabetes Care 2001;25:1255-6.
  6. http://www.inami.fgov.be/care/fr/revalidatie/convention/diabete/index.htm  (consulté le 29 avril 2009).
Diabète de type 2 récent: autocontrôle glycémique ?

Auteurs

Bastiaens H.
Vakgroep eerstelijns- en interdisciplinaire zorg, Centrum voor Huisartsgeneeskunde, Universiteit Antwerpen
COI :

Sunaert P.
Vakgroep Huisartsgeneeskunde en Eerstelijnsgezondheidszorg, UGent
COI :

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