Revue d'Evidence-Based Medicine



Diabète de type 2 : effet d’un contrôle intensif de la glycémie après 10 ans



Minerva 2009 Volume 8 Numéro 7 Page 86 - 87

Professions de santé


Analyse de
Holman RR, Paul SK, Bethel MA, et al. 10-year follow-up of intensive glucose control in type 2 diabetes. N Engl J Med 2008;359:1577-89.


Question clinique
Chez des patients diabétiques de type 2, la plus-value initiale d’un traitement intensif de la glycémie versus traitement conventionnel persiste-t-elle après 10 ans en termes d’événements micro- et macrovasculaires ?


Conclusion
Cette étude d’observation sur 10 nouvelles années après la fin de la RCT UKPDS montre qu’un traitement intensif de l’équilibre glycémique (valeur cible de glycémie à jeun < 110 mg/dl) versus traitement conventionnel durant la RCT (10 ans) a un effet favorable persistant en termes de prévention d’événements microvasculaires, bénéfice auquel s’ajoute à long terme une moindre incidence d’infarctus du myocarde et de la mortalité globale.


Diabète de type 2 : effet d’un contrôle intensif de la glycémie après 10 ans

Contexte

Les études United Kingdom Prospective Diabetes Study (UKPDS) ont montré, sur une durée médiane de 10 ans, qu’un traitement intensif du diabète de type 2 abaissait, versus traitement conventionnel, le risque de complications microvasculaires (1). Aucune différence significative n’était observée en termes d’événements macrovasculaires ou de mortalité. Après l’arrêt de ces RCTs, les patients ont été suivis durant 10 ans dans le cadre de l’étude d’observation ici présentée.

 

Résumé

 

Population étudiée

  • RCT initiale : 4 209 sujets, âgés de 25 à 65 ans (moyenne de 53 ans), avec une glycémie à jeun > 108 mg/dl, sans néphro- ou rétinopathie, sans anamnèse cardiovasculaire
  • étude d’observation : 3 277 patients issus des études UKPDS soit avec un traitement intensif par insuline/sulfonylurée (n=2 118) ou par metformine (n=279) soit avec un traitement conventionnel (n=880).

Protocole d’étude

  • étude de cohorte prospective
  • durant les 5 premières années, visite annuelle à la polyclinique UKPDS avec suivi de : pression artérielle, glycémie à jeun, HbA1C, créatinine, rapport albumine/créatinine, réponses à 2 questionnaires, l’EQ-5D et un autre concernant le recours à divers services d’aide ; examen clinique tous les 3 ans
  • durant les 5 années suivantes : suivi par questionnaire envoyé.

Mesure des résultats

  • critères primaires : ceux de la RCT : événements cliniques liés au diabète, décès liés au diabète, mortalité globale, infarctus du myocarde, AVC, artérite périphérique, lésions microvasculaires
  • analyse en intention de traiter

Résultats

  • suivi moyen : 16,8 ans au total pour le groupe insuline/sulfonylurée (8,5 ans d’observation post RCT) et 17,7 ans au total pour le groupe metformine (8,8 ans d’observation post RCT)
  • 1 an après l’arrêt de la RCT : pas de différence entre les 2 groupes pour l’HbA1C
  • critères primaires : voir tableau.

 

Tableau : Risque Relatif (IC à 95%, valeur p) des critères primaires pour le groupe traitement intensif insuline/sulfonylurée et le groupe traitement intensif metformine, chaque fois versus traitement conventionnel.

 

 

Insuline/sulfonylurée

Metformine

Evénements cliniques liés au diabète

0,91 (0,83 - 0,99)

p = 0,04

0,79 (0,66 - 0,95)

p = 0,01

Mortalité liée au diabète

0,83 (0,73 - 0,96)

p = 0,01

0,70 (0,53 - 0,92)

p = 0,01

Mortalité globale

0,87 (0,79 - 0,96)

p = 0,007

0,73 (0,59 - 0,89)

p = 0,002

Infarctus du myocarde

0,85 (0,74 - 0,97)

p = 0,01

0,67 (0,51 - 0,89)

p = 0,005

AVC

0,91 (0,73 - 1,13)

N.S.

0,80 (0,50 - 1,27)

N.S

Artérite périphérique

0,82 (0,56 - 1,19)

N.S.

0,63 (0,32 - 1,27)

N.S.

Lésions microvasculaires

0,76 (0,64 - 0,89)

p = 0,001

0,84 (0,60 - 1,17)

N.S.

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que, malgré la disparition de la différence pour le contrôle glycémique observée entre traitement intensif et conventionnel, 10 ans après l’arrêt de la RCT, la diminution du risque microvasculaire persiste et un bénéfice supplémentaire est observé pour la diminution du risque d’infarctus myocardique et pour la mortalité globale. Un bénéfice persistant après traitement avec la metformine est montré chez les personnes en surpoids.

Financement

Un consortium d’institutions britanniques ou internationales et de firmes pharmaceutiques a financé la RCT initiale, les institutions les 5 premières années d’observation et les firmes les 5 suivantes.

Conflits d’intérêt

Tous les auteurs déclarent avoir reçu des financements à titres divers de plusieurs firmes.

 

Discussion

 

Considérations sur la méthodologie

Les auteurs de cette étude d’observation mentionnent clairement dans leur protocole l’absence de tentative du maintien de la randomisation réalisée dans la RCT initiale. Tous les participants ont été traités selon les guides de pratique en cours au Royaume-Uni, documents adaptés, entre autres suivant les résultats à 10 ans des études UKPDS. Un suivi complémentaire de 10 ans a été programmé, sur base d’un ratio de mortalité projeté de 50%. La mortalité globale n’a atteint que 44%. Les résultats ont été analysés selon le principe de l’intention de traiter, ce qui diminue le risque de biaiser ces résultats. La période d’inclusion de la RCT initiale s’est étendue sur 14 ans, les patients pouvant donc avoir été suivis durant 6 à 20 ans dans cette RCT. Les auteurs ont tenu compte de cette différence pour le calcul du risque relatif et ont exprimé l’incidence en risque absolu par 1 000 années-patients.

 

Interprétation des résultats

Au terme de la RCT, une association d’insuline avec un antidiabétique oral (ADO) constitue le traitement de 64% des patients sous traitement intensif et de 46% de ceux sous traitement conventionnel. Cette différence disparaît après 5 ans de suivi d’observation, tout comme la différence en termes d’HbA1C s’estompe 1 an après l’arrêt de la RCT. La différence significative entre le groupe insuline/sulfonylurée et le groupe traitement conventionnel persiste cependant à 10 ans d’observation pour les complications microvasculaires, avec un NST de 294 (IC à 95% de 196 à 641) par 1 000 années-patients (2). S’y ajoutent deux différences significatives non présentes au terme de la RCT : une diminution du risque d’infarctus du myocarde (NST 341 ; IC à 95% de 197 à 1 701) et de la mortalité globale (NST 254 ; IC à 95% de 158 à 826) (2). Ces résultats montrent que les bénéfices d’un traitement intensif versus conventionnel persistent 10 ans après la fin d’une RCT et semblent même plus importants. Les auteurs proposent comme explication le fait que les dégâts micro- et macrovasculaires provoqués par l’hyperglycémie ne peuvent être annihilés par un contrôle glycémique plus strict instauré seulement 10 ans plus tard : après avoir posé le diagnostic de diabète de type 2, au plus le délai est long avant d’obtenir un contrôle glycémique, au plus les dégâts à long terme seront importants. Le risque de lésions microvasculaires diminue dans le groupe traitement intensif avec metformine, plus que dans le groupe traitement conventionnel, mais de manière non significative. Cette observation peut être liée à un manque de puissance pour ce bras d’étude (nombre de patients trop faible) pour ce critère.

 

Autres études

Contrairement à cette étude d’observation post RCTs UKPDS, les RCTs ADVANCE et ACCORD ne montrent pas de réduction des événements macrovasculaires avec un traitement intensif pour le contrôle glycémique (valeurs cibles d’HbA1C respectivement ≤ 6,5 et < 6) versus contrôle conventionnel (3,4).

Une évaluation des effets à long terme après une période de contrôle glycémique intensif semblable à celle analysée ici, post UKPDS, a été également réalisée après l’étude Diabetes Control and Complications Trial (DCCT) qui concernait des patients présentant un diabète de type 1 (5). Cette étude DCCT montrait, après 17 ans de suivi, une réduction de 42% des événements cardiovasculaires dans le groupe des patients avec contrôle glycémique strict.

 

Pour la pratique

Cette étude souligne, une fois de plus, l’importance d’un contrôle glycémique étroit dès la pose d’un diagnostic de diabète de type 2. Atteindre un taux d’HbA1C moyen de 7,0% sous traitement intensif plutôt que de 7,9% sous traitement conventionnel durant 10 ans permet d’obtenir à long terme (17 à 18 ans) une diminution des événements micro- et macrovasculaires. Par ailleurs, il est recommandé (6) dans le cadre de la prévention cardiovasculaire, d’atteindre d’autres objectifs que le contrôle glycémique chez les patients présentant un diabète de type 2 : arrêt du tabagisme, contrôle de la pression artérielle et des valeurs lipidiques.

 

Conclusion de Minerva

Cette étude d’observation sur 10 nouvelles années après la fin de la RCT UKPDS montre qu’un traitement intensif de l’équilibre glycémique (valeur cible de glycémie à jeun < 110 mg/dl) versus traitement conventionnel durant la RCT (10 ans) a un effet favorable persistant en termes de prévention d’événements microvasculaires, bénéfice auquel s’ajoute à long terme une moindre incidence d’infarctus du myocarde et de la mortalité globale.

 

 

Références

  1. Wens J. Intensieve behandeling van diabetes type 2-patiënten. Minerva 1999;28(3):127-8.
  2. O'Sullivan EP, Dinneen SF. Benefits of early intensive glucose control to prevent diabetes complications were sustained for up to 10 years. Evid Based Med 2009;14;9-10.
  3. Chevalier P, Wens J. Intensité du contrôle glycémique et risque cardio-(micro et macro)vasculaire. MinervaF 2008;7(8):124-5.
  4. Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes Study Group, Gerstein HC, Miller ME, Byington RP, et al. Effects of intensive glucose lowering in type 2 diabetes. N Engl J Med 2008;358:2545-59.
  5. Nathan DM, Cleary PA, Backlund JY, et al. Intensive diabetes treatment and cardiovascular disease in patients with type 1 diabetes. N Engl J Med 2005;353:2643-53.
  6. Wens J, Sunaert P, Nobels F, et al. SSMG Recommandations de bonne pratique: le diabète sucré de type 2. SSMG 2007.

 

 

 

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