Revue d'Evidence-Based Medicine



Prise en charge ultra-rapide après AIT ou AVC mineur



Minerva 2009 Volume 8 Numéro 4 Page 48 - 49

Professions de santé


Analyse de
Rothwell PM, Giles MF, Chandratheva A, et al; Early use of Existing Preventive Strategies for Stroke (EXPRESS) study. Effect of urgent treatment of transient ischaemic attack and minor stroke on early recurrent stroke (EXPRESS study): a prospective population-based sequential comparison. Lancet 2007;370:1432-42.


Question clinique
Une prise en charge ultra-rapide après AIT ou AVC mineur diminue-t-elle le risque d’une récidive précoce par rapport à la prise en charge habituelle ?


Conclusion
Cette étude EXPRESS montre l’intérêt d’une initiation rapide d’un traitement médicamenteux (aspirine après exclusion d’un processus hémorragique, statine, antihypertenseur et anticoagulant s’il y a lieu) en cas d’accident ischémique transitoire ou d’accident vasculaire cérébral chez des patients non hospitalisés. Elle conforte les recommandations actuelles.


 

Contexte

Le risque de récidive d’AVC s’élève jusqu’à 10 % dans la semaine suivant un AIT ou un AVC mineur. Des études de modélisation suggèrent que l’utilisation rapide de traitements préventifs actuellement disponibles pourrait réduire ce risque de 80–90%, mais en l’absence de preuve, les systèmes d’organisations de soins n’adoptent pas cette stratégie. Cette étude Early use of EXisting PREventive Strategies for Stroke (EXPRESS) évalue l’efficacité d’une instauration immédiate d’un traitement de prévention secondaire après AIT ou AVC mineur chez des patients ne nécessitant pas une hospitalisation.

 

Résumé

 

Population étudiée

  • cohorte totale de 91 000 sujets, de tout âge, inscrits chez 63 médecins-généralistes dans 9 pratiques médicales, en Oxfordshire (R.-U.)
  • au sein de laquelle 1278 patients présentent un AIT ou un AVC durant l’étude.

 

Protocole d’étude

  • étude d’observation sur un échantillon d’une population étudiée pour la survenue d’un AIT ou d’un AVC primaire ou récidivant en Oxfordshire (Oxford Vascular Study; OXVASC(1)).
  • phase 1 (avril 2002 à septembre 2004, 634 patients) : envoi du patient par le médecin généraliste (MG) d’un fax à l’hôpital ; convocation du patient pour réalisation d’un scanner cérébral et d’un ECG immédiatement et d’un écho-Doppler des vaisseaux du cou et échocardiographie transthoracique et transoesophagienne si nécessaire ensuite ; rapport au médecin-généraliste avec propositions thérapeutiques : aspirine 75 mg, clopidogrel en cas de contre-indication pour l’aspirine, simvastatine 40 mg, réduction de la pression artérielle (sauf si < 130 mm Hg) avec ajout éventuel de périndopril 4 mg +/- indapamide 1,25 mg (2)), anticoagulant si fibrillation auriculaire (FA)
  • phase 2 (octobre 2004 à mars 2007, 644 patients) : envoi direct par le MG à la consultation neurovasculaire ; si diagnostic confirmé, aspirine 300 mg immédiatement donnés + prescriptions immédiates des traitements recommandés (pour un mois) ; rapport au MG
  • aveugle de l’équipe de chercheurs.">adjudication centrale de confirmation des événements.

 

Mesure des résultats

  • critère de jugement primaire : proportion des patients avec une récidive d’AVC dans les 90 jours après un premier contact médical pour AIT ou AVC
  • critères secondaires : pas de description claire.

 

Résultats

  • critère primaire : taux plus élevé dans la phase 1 que dans la phase 2, dans toute la population d’étude (les patients avec AIT ou AVC mineur) : 10,3% versus 2,1% ; HR ajusté 0,20 (IC à 95% de 0,08 à 0,49 ; p=0.0001) ; idem pour les patients avec AIT (p=0,0015).
  • pour les 607 patients se présentant en salle d’urgence : pas de différence significative
  • pour les 620 patients envoyés à une consultation externe : risque d’AVC significativement plus bas dans la phase 2 que dans la phase 1 (2,1% versus 10,3%, p=0.0001).
  • délai moyen entre le premier contact médical et la consultation neurovasculaire de 3 jours (quartiles (P75 et P25) et décrit ainsi les limites entre lesquelles les 50% moyens des résultats sont situés.">IQR 2-5) dans la phase 1 et < 1 jour (IQR 0-3) en phase 2 ; p<0,0001 pour la différence ; délai moyen pour la première prescription médicamenteuse de 20 jours (8-53) en phase 1, d’un jour (0-3) en phase 2 ; p<0,0001 pour la différence
  • moins de récidives entre le premier contact médical et la consultation spécialisée en phase 2 (3/281) qu’en phase 1 (11/310, p=0.048).
  • risque hémorragique à 30 jours non augmenté par l’initiation rapide du traitement.

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent qu’une initiation rapide des traitements existants après un AIT ou un AVC mineur est associée à une réduction de risque de récidive précoce d’AVC de 80%. Un suivi est nécessaire pour évaluer les résultats à plus long terme, mais ces résultats ont des implications immédiates pour les soins à donner et l’éducation des patients à faire dans le domaine des AIT et AVC.

 

Financement 

Les institutions finançant l’étude OXVASC ne sont intervenues à aucun des stades de l’étude ni de cette étude EXPRESS.

 

Conflits d’intérêt

L’auteur principal a reçu des honoraires à titre divers de plusieurs firmes pharmaceutiques ; les autres auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêt.

 

Discussion

 

Considérations sur la méthodologie

Il s’agit d’une étude d’observation prospective en 2 phases, qu’il ne faut pas confondre avec un contrôle de cohorte historique. Dans une comparaison avec une cohorte historique, comme son nom l’indique, la cohorte est constituée de façon rétrospective avec le danger d’une prise en compte incomplète des cas et donc d’un biais de sélection. Dans cette étude-ci, le groupe de contrôle (phase 1 de l’étude) a été recruté prospectivement et a inclus tous les patients qui ont eu un contact médical pour AIT ou AVC dans toute la population d’étude (OXVASC). Le fait que cette étude se déroule dans un échantillon d’une étude de population rigoureuse et bien validée est aussi une garantie de minimisation des biais de sélection et de référence (renvoi). Tous les patients ayant eu un contact médical pour suspicion d’AIT ou AVC ont été déterminés et suivis, indépendamment du lieu de contact (salle d’urgence, hospitalisation, soins à domicile), en grande partie dans le cadre de l’étude OXVASC (95% vu à l’hôpital de référence). En cas de suspicion de récidive d’AIT ou AVC, le patient était examiné par un neurologue membre de l’équipe de recherche de cette étude. A la fin de l’étude, tous les cas étaient revus par un neurologue indépendant et en insu de la phase d’étude. Le suivi dans cette étude d’observation est donc rigoureux et correct.

L’approche utilisée dans cette étude en augmente la validité externe. En effet, la plupart des études randomisées n’incluent qu’une petite proportion des gens avec la maladie étudiée (1-10%). Dans l’étude EXPRESS, il n’y avait pas de sélection dans la population pour l’âge, comme l’illustre le fait qu’un tiers des patients étaient âgés de plus de 80 ans et 10% de plus de 90 ans.

 

Limites et mise en perspective des résultats

L’étude présente des limites pour l’interprétation pratique de ses résultats. Nous ne connaissons entre autres pas l’effet de chaque traitement médicamenteux par lui-même. Une dose de charge de 300 mg d’aspirine, versus une dose de 75 mg quotidienne d’initiation plus tardive pourrait expliquer une partie du bénéfice. Une autre limite est l’absence de données concernant la prise en charge des patients se présentant directement à l’hôpital et pour lesquels aucune différence n’est observée entre la phase 2 et la phase 1 pour la récidive d’AVC. La réduction de risque observée est tout à fait en ligne avec la réduction prédite sur base de l’effet combiné des différents traitements donnés, ainsi qu’avec d’autres études d’intervention rapide et intensive (3). La liste des médicaments recommandés (aspirine, clopidogrel si contre-indication à l’aspirine, simvastatine, antihypertenseur et anticoagulant si indiqué) pourrait être complétée. Il nous faut davantage de données concernant l’association d’aspirine et de clopidogrel (qui selon certaines études pourrait être plus efficace en phase aiguë post AIT ou AVC que les médicaments donnés isolément, entre autres dans l’étude MATCH (4), ou concernant celle d’aspirine et de dipyridamole à la phase aiguë post AIT et AVC, association se révélant peut-être intéressante à plus long terme post AVC (5). Il faut aussi souligner le délai étonnant de mise en route du traitement médicamenteux en phase 1 (moyenne de 20 jours (IRQ 8 à 53), probablement lié à l’organisation des soins au Royaume-Uni.

 

Pour la pratique

Cette étude d’observation bien menée, montre un bénéfice d’une prise en charge médicamenteuse très rapide (aspirine, statine, antihypertenseur) par rapport à une initiation plus tardive de ce traitement chez des patients référés immédiatement par leur médecin traitant dans une consultation neurovasculaire hospitalière après un AIT ou un AVC mineur. Elle n’apporte, par contre, pas de preuve pour les patients se présentant directement à l’hôpital (avec une incidence plus forte d’accidents hémorragiques). Cette étude apporte des arguments confortant le fait que nous ne pouvons plus du tout accepter de longs délais avant l’instauration d’un traitement préventif adéquat de récidive d’un AVC , comme le soulignait une RBP établie en Belgique pour les médecins généralistes (6). Il faut donc instaurer ces traitements très rapidement dès le premier contact médical, à l’exception d’un traitement antiagrégant (éventuellement combiné) pour lequel il faut attendre l’imagerie cérébrale. Enfin, il est clair que le grand public connaît insuffisamment les symptômes de l’AIT et de l’AVC et la nécessité de consulter en urgence ; le médecin traitant a donc aussi un rôle à jouer dans ce domaine. Un accès rapide à une consultation et à des examens neurovasculaires est également une nécessité dans ce domaine.

 

 

Conclusion

Cette étude EXPRESS montre l’intérêt d’une initiation rapide d’un traitement médicamenteux (aspirine après exclusion d’un processus hémorragique, statine, antihypertenseur et anticoagulant s’il y a lieu) en cas d’accident ischémique transitoire ou d’accident vasculaire cérébral chez des patients non hospitalisés. Elle conforte les recommandations actuelles.

 

Références

  1. Rothwell PM, Coull AJ, Giles MF, et al; Oxford Vascular Study. Change in stroke incidence, mortality, case-fatality, severity, and risk factors in Oxfordshire, UK from 1981 to 2004 (Oxford Vascular Study). Lancet 2004;363:1925-33.
  2. PROGRESS Collaborative Group. Randomised trial of a perindopril-based blood-pressure-lowering regimen among 6,105 individuals with previous stroke or transient ischaemic attack. Lancet 2001;358:1033-41.
  3. Lavallée PC, Meseguer E, Abboud H, et al. A transient ischaemic attack clinic with round-the-clock access (SOS-TIA): feasibility and effects. Lancet Neurol 2007;6:953-60.
  4. Diener HC, Bogousslavsky J, Brass LM, et al; MATCH investigators. Aspirin and clopidogrel compared with clopidogrel alone after recent ischaemic stroke or transient ischaemic attack in high-risk patients (MATCH): randomised, double-blind, placebo-controlled trial. Lancet 2004;364:331-7.
  5. Chevalier P. Associer du dipyridamole à l’aspirine post événement ischémique cérébral? MinervaF 2006;5(8):114-6.
  6. Grosjean M, Gourbin C. Recommandation de bonne pratique. La prise en charge des patients souffrant d’accident vasculaire cérébral. SSMG, 2003.
Prise en charge ultra-rapide après AIT ou AVC mineur



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