Revue d'Evidence-Based Medicine



Quel est l’effet à moyen terme d’un traitement médicamenteux du SDAH



Minerva 2008 Volume 7 Numéro 9 Page 138 - 139

Professions de santé


Analyse de
Jensen PS, Arnold LE, Swanson JM, et al. 3-year follow-up of the NIMH MTA study. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 2007;46:989-1002.


Question clinique
Quelle est la plus-value, après 3 ans, d’un traitement initial médicamenteux versus non médicamenteux, versus leur association ou versus contrôle, chez des enfants âgés de 10 à 13 ans avec SDAH ?


Conclusion
Dans la littérature, un traitement médicamenteux est considéré comme un élément important dans la prise en charge des enfants présentant un Syndrome de Déficit de l’Attention avec Hyperactivité (SDAH), particulièrement pour ses formes sévères. Cette étude d’observation conclut que la plus-value d’un traitement médicamenteux versus autres traitements observée après 14 mois disparaît lors d’un suivi à 36 mois. En l’absence de groupe placebo et en fonction des limites méthodologiques de cette étude, une conclusion formelle n’est pas possible. Si un bénéfice à court terme est montré, un bénéfice et une sécurité à moyen et à long termes restent à prouver.


 

Résumé

Contexte

La ‘Multimodal Treatment Study’ concernant des enfants présentant un Syndrome de Déficit de l’Attention avec Hyperactivité (SDAH - Attention Deficit Hyperactivity Disorder ADHD) évalue l’effet à moyen terme de 4 traitements. La RCT originale concernait une période de 14 mois et concluait à une efficacité supérieure d’un traitement médicamenteux intensif (avec suivi régulier) et d’une prise en charge combinée (médicamenteuse et thérapeutique comportementale) versus thérapie comportementale seule ou versus soins médicaux usuels. Cette publication-ci concerne une évaluation après 24 à 36 mois.

 

Population étudiée

  • RCT originale : 579 enfants âgés de 7,0 à 9,9 ans
  • cette publication : 485 enfants d’un âge moyen de 12 ans ; 76 à 82% de garçons selon les bras d’étude
  • pas de différence significative pour les caractéristiques initiales dans les différents groupes entre la RCT et cette étude d’observation.

Protocole d’étude

  • étude d’observation
  • critères de la RCT initiale réévalués après 36 mois pour les différents bras de traitement
  • analyse de régression multiple. La régression multiple peut (en théorie) inclure un nombre illimité de variables continues. Toutefois, plus le nombre de variables en interaction est important, plus le risque d’association entre variables indépendantes est élevé («multicolinéarité»). De ce fait les résultats de l’analyse peuvent être peu fiables. L’analyse de régression logistique est utilisée pour étudier l’effet de plusieurs variables (facteurs) sur un critère dichotomique, comme par exemple «décédé» ou «non décédé».">analyse en régression en fonction des variables de base suivantes : présence ou non de comorbidité, sévérité du SDAH, sexe, recours à une aide sociale, troubles dépressifs des parents, fréquentation de services éducatifs spécialisés.

Mesure des résultats

  • critères primaires : symptômes SDAH, symptômes de trouble oppositionnel avec provocation (TOP ou Oppositional Defiant Disorder ODD), compétences sociales - ces trois premiers critères étant jugés par les parents et les enseignants -, test de performance de lecture (Wechsler), détérioration fonctionnelle générale
  • autres critères : modification du diagnostic, recours à des médicaments (sur données parentales) ou à des services éducatifs spécialisés
  • analyse en intention de traiter.

Résultats

  • pas de différence significative entre les différents groupes pour les différents critères à 36 mois
  • diminution des symptômes de SDAH et de TOP dans tous les groupes versus valeurs initiales
  • le recours à des médicaments diminue dans le groupe de traitement médicamenteux intensif  et dans le groupe traitements associés mais augmente dans le groupe avec thérapie comportementale seule et dans le groupe avec soins médicaux usuels
  • réponse thérapeutique à 36 mois non influencée par : sévérité initiale des symptômes, comorbidité, sexe, recours à une aide sociale, facteur psychopathologique parental.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que la plus-value d’un traitement médicamenteux intensément suivi (associé ou non à une thérapie comportementale) observée à 14 mois n’est plus enregistrée à 36 mois, probablement en raison du déclin symptomatique du SDAH avec l’âge, d’une modification dans l’intensité du suivi médicamenteux, de l’arrêt comme de l’initiation de médicaments en général et d’autres facteurs non encore évalués.

Financement

Différentes institutions gouvernementales et universitaires étatsuniennes.

 

Conflits d’intérêt

La plupart des auteurs déclarent avoir reçu des financements de différentes firmes pharmaceutiques, à titres divers.

 

 

Discussion

 

Considérations sur la méthodologie

Cette étude inclut un nombre élevé d’enfants, avec un suivi à moyen terme, deux faits exceptionnels dans le domaine étudié. Il faut cependant souligner que cette publication est une étude d’observation. Après la clôture de la RCT initiale d’une durée de 14 mois, les participants avaient le choix pour le traitement qu’ils désiraient poursuivre. Les résultats de l’analyse en intention de traiter doivent donc être interprétés avec beaucoup de prudence. Une autre limite importante de cette recherche est l’absence d’un groupe initial recevant un placebo ; il n’est donc pas possible d’évaluer l’efficacité des traitements en valeur absolue.

 

Interprétation des résultats

Une possible moindre observance thérapeutique après les 14 mois initiaux pourrait expliquer la disparition entre 24 et 36 mois de l’avantage relatif initial (à 14 mois) du traitement médicamenteux intensif et du traitement combiné versus autres traitements. L’absence d’un groupe placebo renseignant sur l’évolution naturelle ne permet pas de statuer sur cette proposition.

Une analyse de la consommation médicamenteuse entre les 24ème et 36ème mois montre qu’un recours plus important à ces médicaments correspond à une symptomatologie SDAH et TOP plus floride. Les auteurs proposent une explication pour cette observation paradoxale : les enfants qui évoluent favorablement durant ce suivi à moyen terme ne prennent plus leurs médicaments tandis que ceux dont l’évolution n’est pas favorable commencent un traitement médicamenteux et/ou un recours à des services éducatifs spécialisés. Une autre observation à souligner est la diminution de la symptomatologie du SDAH et l’amélioration fonctionnelle globale pour tous les traitements. Une plus grande attention consacrée aux enfants, les avantages spécifiques de la participation à une étude, un phénomène de régression vers la moyenne et l’âge des participants (prépuberté en général) pourraient expliquer cette donnée.

A nouveau, l’absence d’un groupe placebo ne permet pas de conclusion formelle. Soulignons, enfin, que les critères d’inclusion et d’exclusion, la nécessité d’un consentement éclairé, les sessions thérapeutiques fréquentes dans la RCT initiale ne permettent pas d’extrapoler les résultats de cette recherche à tous les enfants présentant un SDAH.

 

Autres études

De précédentes études ont montré une plus-value d’un traitement médicamenteux du SDAH chez les enfants versus thérapie comportementale seule (1). En raison d’un recours (abus) croissant au méthylphénidate, les risques liés à son utilisation chronique sont à examiner avec plus d’attention. Les effets indésirables fréquents sont : somnolence, labilité émotionnelle, perte d’appétit. Des effets indésirables cardiovasculaires sévères sont possibles : arythmie, décès brutal, infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral. Une étude rétrospective récente conclut à l’absence de preuve d’un lien entre la consommation d’un stimulant central et la survenue d’un événement cardiovasculaire (2). Les avis émis sont donc contradictoires.

L’American Academy of Child and Adolescent Psychiatry (AACAP) estime qu’il n’est pas nécessaire de pratiquer un ECG et une échographie cardiaque avant de commencer le méthylphénidate (1). Plus récemment, l’American Heart Association (AHA) recommande de pratiquer une anamnèse cardiologique, un examen clinique et un ECG avant d’initier un traitement avec un stimulant central (3). Les avantages pratiques d’une telle recommandation font cependant l’objet de nombreuses controverses entre experts (4). Un effet possible de ces médicaments sur la croissance reste à évaluer, les observations actuelles concluant cependant  à l’absence d’effet défavorable sur la taille finale (5).

 

Pour la pratique

Une synthèse récente de la littérature estime que la prise en charge du SDAH chez l’enfant doit être de préférence individuelle et associer traitements médicamenteux et non médicamenteux (1,6). La durée de ce traitement médicamenteux n’est pas bien établie. Nous ne savons également pas si certains sous-groupes tirent ou non plus d’avantages d’un traitement médicamenteux. Une approche non médicamenteuse telle qu’une thérapie comportementale éventuellement associée à une éducation parentale reste envisageable quand les symptômes de SDAH sont légers, en présence d’une comorbidité ou en cas de refus parental d’un traitement médicamenteux (1).

Cette étude incite à prolonger le suivi de ces enfants pour connaître les effets à long terme du traitement. Une bonne collaboration entre des services spécialisés pour le SDAH (travail d’une équipe) et le médecin généraliste est nécessaire dans cette optique. Un diagnostic précis et un essai de traitement avec évaluation peuvent ainsi être effectués par le service spécialisé, le médecin généraliste collaborant au suivi particulièrement pour la compliance et les effets indésirables (7).

 

Conclusion

Dans la littérature, un traitement médicamenteux est considéré comme un élément important dans la prise en charge des enfants présentant un Syndrome de Déficit de l’Attention avec Hyperactivité (SDAH), particulièrement pour ses formes sévères. Cette étude d’observation conclut que la plus-value d’un traitement médicamenteux versus autres traitements observée après 14 mois disparaît lors d’un suivi à 36 mois. En l’absence de groupe placebo et en fonction des limites méthodologiques de cette étude, une conclusion formelle n’est pas possible. Si un bénéfice à court terme est montré, un bénéfice et une sécurité à moyen et à long termes restent à prouver.

 

 

Références 

  1. Pliszka S; AACAP Work Group on Quality Issues. Practice parameter for the assessment and treatment of children and adolescents with attention-deficit/hyperactivity disorder. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 2007;46:894-921.
  2. Winterstein AG, Gerhard T, Shuster J, et al. Cardiac safety of central nervous stimulants in children and adolescents with attention-deficit/hyperactivity disorder. Pediatrics 2007;120:e1494-501.
  3. Vetter VL, Elia J, Erickson C, et. Cardiovascular monitoring of children and adolescents with heart disease receiving stimulant drugs: a scientific statement from the American Heart Association Council on Cardiovascular Disease in the Young Congenital Cardiac Defects Committee and the Council on Cardiovascular Nursing. Circulation 2008;117:2407-23.
  4. Monitoring cardio-vasculaire avant de débuter un stimulant central dans le cadre de l'ADHD. Folia Pharmacotherapeutica 2008;35:52.
  5. Update on drugs for hyperactivity in childhood. Drug Ther Bull 2007;45:37-40.
  6. Prise en charge de l’ADHD. Fiche de Transparence. Centre Belge d’Information Pharmacothérapeutique, décembre 2005.
  7. Prise en charge du syndrome d’hyperactivité et de manque d’attention (ADHD) chez l’enfant. Folia Pharmacotherapeutica 2002;29:55-9.

 

 

 

Noms de marque

Méthylphénidate : Rilatine®, Concerta®

Quel est l’effet à moyen terme d’un traitement médicamenteux du SDAH

Auteurs

Declercq T.
huisarts ; Vakgroep Huisartsgeneeskunde en Eerstelijnsgezondheidszorg, UGent
COI :

Poelman T.
Vakgroep Volksgezondheid en Eerstelijnszorg, UGent
COI :

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