Revue d'Evidence-Based Medicine



Intensité du contrôle glycémique et risque cardio-(micro et macro)vasculaire



Minerva 2008 Volume 7 Numéro 8 Page 124 - 125

Professions de santé


Analyse de
ADVANCE Collaborative Group, Patel A, MacMahon S, Chalmers J, et al. Intensive blood glucose control and vascular outcomes in patients with type 2 diabetes. N Engl J Med 2008;358:2560-72.


Question clinique
Quel est le bénéfice d’un traitement intensif du diabète de type 2 en termes de prévention d’événements cardiovasculaires ?


Conclusion
Cette étude montre l’intérêt d’un traitement intensif du diabète de type 2 avec une forme à libération modifiée de gliclazide associée à d’autres antidiabétiques en visant une HbA1c = 6,5% en termes de prévention de la néphropathie, sans preuve d’un intérêt au point de vue macrovasculaire. Une autre étude au protocole semblable a été prématurément arrêtée en raison d’un risque de décès accru sous traitement intensif. Les recommandations demeurent donc identiques pour les patients présentant un diabète de type 2 : arrêt du tabac, alimentation adaptée et exercices physiques, contrôle de la pression artérielle, antiagrégant plaquettaire et statine si indiqué, équilibre glycémique visant une HbA1c < 7%.


 

Résumé

 

Contexte

Le bénéfice d’un traitement d’un diabète de type 2 par antidiabétique en termes de réduction du risque microvasculaire est prouvé. Il ne l’est pas, en dehors d’un sous-groupe de l’étude UKPDS traité par metformine (1), pour les événements macrovasculaires. Un traitement plus intensif (HbA1c plus basse) apporte-t-il un bénéfice dans ces domaines ?

 

Population étudiée

  • inclusion de 11 140 patients présentant un diabète de type 2 diagnostiqué à l’âge d’au moins 30 ans
  • patients âgés d’au moins 55 ans, ayant présenté un événement macrovasculaire ou microvasculaire majeur ou ayant au moins un autre facteur de risque
  • HbA1c moyenne initiale 7,5% ; durée moyenne du diabète de 8 ans en début d’étude ; 91% antidiabétiques oraux, insulinothérapie 1,5%
  • exclusion : indication ou contre-indication formelle d’un des médicaments étudiés, indication formelle d’insuline.

 

Protocole d’étude

  • étude randomisée, contrôlée, multicentrique, multinationale, avec protocole factoriel
  • période de pré-inclusion : 6 semaines de traitement habituel + périndopril et indapamide
  • protocole factoriel : périndopril et indapamide versus placebo (autre publication) et traitement antidiabétique intensif (HBA1c ≤ 6,5% ; n=5 571) ou de référence locale (HBA1c -cible localement recommandée ; n=5 569)
  • traitement intensif : gliclazide (à libération modifiée) 30 à 120 mg par jour (120 mg pour 70,4% des patients), sans autre sulfonylurée, plus autres médicaments (par ordre proposé : metformine, thiazolidinediones, acarbose, insuline) avec HbA1c-cible ≤ 6,5%.

 

Mesure des résultats

  • critères primaires composites : événements macrovasulaires majeurs (décès cardiovasculaire, infarctus myocardique non fatal, AVC non fatal) et/ou événements microvasculaires majeurs (néphropathie nouvelle ou aggravée, rétinopathie)
  • critères secondaires : différents constituants des critères primaires utilisés seuls ou regroupés, capacités cognitives, démence, hospitalisations, hypoglycémies
  • analyse en intention de traiter.

 

Résultats

  • 5 ans de suivi moyen
  • HbA1c moyenne : 6,5% dans le groupe traitement intensif, 7,3% dans le groupe contrôle
  • critères primaires des événements majeurs :
    macro et microvasculaires : 18,1% pour le traitement intensif versus 20% traitement contrôle ; HR 0,90 (IC à 95% 0,82-0,98 ; p=0,01) ; NST (5 ans) 52 (IC à 95% 30-213)
    macrovasculaires : pas de différence significative
    microvasculaires : 9,4% versus 10,9% ; HR 0,86 (IC à 95% 0,77-0,97 ; p=0,01) surtout en raison d’une réduction des cas de néphropathie : incidence de 4,1% versus 5,2% ; HR 0,79 (IC à 95% 0,66-0,93 ; p=0,006)
  • critères secondaires : pas de différence significative pour la rétinopathie (p=0,50), pour les décès cardiovasculaires (p=0,12), pour les décès de toute cause (p=0,28) ni pour aucun autre critère secondaire
  • hypoglycémies sévères plus fréquentes en cas de traitement intensif : 2,7% versus 1,5% ; HR 1,86 ; IC à 95% 1,42-2,40 ; p<0,001
  • prise de poids légèrement plus importante sous traitement intensif (0,7 kg ; p<0,001)
  • plus d’hospitalisations sous traitement intensif : 44,9% versus 42,8% ; HR 1,07 ; IC à 95% 1,01-1,13 ; p=0,03.

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent qu’un contrôle intensif de la glycémie basé sur une présentation à libération modifiée de gliclazide associée à d’autres antidiabétiques si nécessaire pour atteindre une HbA1c de 6,5% de moyenne permet d’obtenir une réduction de 10% du critère composite d’événements macrovasculaires et microvasculaires majeurs, principalement en raison d’une réduction relative de 21% de néphropathie.

 

Financement 

firme Servier et National Health and Medical Research Council of Australia qui ne sont intervenues à aucun des stades de la recherche.

 

Conflits d’intérêt 

tous les auteurs déclarent des conflits d’intérêt à titres divers, avec différentes firmes pharmaceutiques.

 

Discussion

 

Considérations sur la méthodologie

Cette étude randomisée au protocole multifactoriel a déjà fait l’objet d’une précédente publication concernant l’intérêt d’un traitement par périndopril et indapamide, étude précédemment analysée dans Minerva (2). Pour cette partie d’étude-ci, la puissance initiale est calculée à 90% pour une réduction d’au moins 16% du critère primaire sous traitement intensif ; au vu d’une incidence moindre d’événements dans les 2 groupes après 3 ans, les auteurs ont regroupé les critères primaires (tout en donnant une analyse séparée) et allongé la période d’étude. Le protocole est par ailleurs bien élaboré et respecté, avec une randomisation stratifiée et une attribution réalisée par système central informatisé.

Les caractéristiques des 2 groupes initiaux sont semblables.

 

Mise en perspective des résultats

Le bénéfice vasculaire global observé dans cette étude est lié à une diminution de la survenue ou de l’aggravation d’une néphropathie (comme le suggérait l’étude UKPDS 33 (3), sans preuve d’un bénéfice au niveau macrovasculaire ni pour la rétinopathie (manque de puissance)). Ce bénéfice est indépendant des caractéristiques initiales suivantes : HbA1c, glycémie, âge, sexe, anamnèse d’événement vasculaire. La réduction des complications microvasculaires sous traitement antidiabétique intensif était déjà bien connue. Par contre, un impact sur les complications macrovasculaires n’est toujours pas montré, et cette question reste essentielle. Un traitement intensif provoque, par contre, plus d’hypoglycémies sévères et davantage d’hospitalisations. Ces résultats correspondent-ils à ceux d’autres études ?

L’étude ACCORD a été, partiellement, prématurément arrêtée en raison d’un excès de décès de toute cause et de cause cardiovasculaire sous traitement intensif (4). Les études ADVANCE et ACCORD incluent des patients avec des caractéristiques semblables (âge, durée du diabète, HbA1C moyenne initiale, anamnèse vasculaire). Elles présentent cependant des différences, soulignées par plusieurs experts (5,6). Les principales sont pour ADVANCE : gliclazide à libération modifiée pour tous les patients sous traitement intensif, thiazolidines peu utilisées (< 20%) et, pour ACCORD : insulinothérapie plus fréquente ; rosiglitazone chez 90% (intensif) et 58% (contrôle) des patients, baisse beaucoup plus rapide du taux moyen d’HbA1c ; pas de mention des événements microvasculaires. A noter aussi dans l’étude ACCORD, une réduction des événements cardiovasculaires dans le sous-groupe des personnes sans anamnèse de tels événements à l’inclusion.

L’incidence d’événements vasculaires observés dans l’étude ADVANCE est, comme indiqué plus haut, moindre que prévue. Selon les auteurs, la cause en est la fréquence des co-traitements : statines, antihypertenseurs, antiagrégants plaquettaires. Cette affirmation est certainement à nuancer. Les résultats de l’étude de suivi STENO2 (analysés dans ce même numéro de Minerva (7)) abondent dans ce sens. Il faut, par contre, noter que davantage de patients prennent de l’aspirine (75%) et des statines (88%) dans l’étude ACCORD que dans l’étude ADVANCE (respectivement 57% et 46%). Un co-traitement n’est donc pas toujours, en soi, un facteur diminuant le risque de mortalité (globale ou cardiovasculaire). Une étude d’observation canadienne récente (8) montre des données semblables : des soins spécialisés (endocrinologue ou interniste en concertation avec le médecin de famille) apportent une prise en charge plus en correspondance avec les guides de pratique (plus de statines, d’antiagrégants plaquettaires, d’IEC, entre autres) que des soins donnés par les seuls généralistes, mais sans amélioration de la survie (au contraire, accroissement du risque de décès, après correction pour les co-morbidités et lésions des organes-cibles : HR 1,16 (IC à 95% 1,01-1,34).

La comparaison des résultats de ces études montre les différences qui peuvent exister entre une efficacité d’une intervention (avec association d’un ou plusieurs médicament(s)) sur des facteurs de risque et/ou des critères intermédiaires et son effet sur les événements cliniques (9).

 

Pour la pratique

Les preuves d’un intérêt d’un traitement antidiabétique intensif visant des taux d’HbA1c plus bas que ceux actuellement recommandés (< 7% (10)) sont limitées à un avantage sur la prévention de la néphropathie. Pas de preuve pour la prévention d’événements macrovasculaires. Un risque accru de décès ne peut cependant être exclu avec certaines associations thérapeutiques et/ou doses utilisées particulièrement chez des patients ayant déjà présenté un événement cardiovasculaire. La prise en charge doit intervenir sur tous les facteurs de risque cardiovasculaire et viser une HbA1C inférieure à 7%, sans preuve d’un bénéfice indiscutable de viser un taux nettement plus bas.

 

Conclusion

Cette étude montre l’intérêt d’un traitement intensif du diabète de type 2 avec une forme à libération modifiée de gliclazide associée à d’autres antidiabétiques en visant une HbA1c ≤ 6,5% en termes de prévention de la néphropathie, sans preuve d’un intérêt au point de vue macrovasculaire. Une autre étude au protocole semblable a été prématurément arrêtée en raison d’un risque de décès accru sous traitement intensif. Les recommandations demeurent donc identiques pour les patients présentant un diabète de type 2 : arrêt du tabac, alimentation adaptée et exercices physiques, contrôle de la pression artérielle, antiagrégant plaquettaire et statine si indiqué, équilibre glycémique visant une HbA1c < 7%.

 

 

Références

  1. UK Prospective Diabetes Study (UKPDS) Group. Effect of intensive blood-glucose control with metformin on complications in overweight patients with type 2 diabetes (UKPDS 34). Lancet 1998;352:854-65.
  2. Chevalier P. Association d’un IEC et d’un diurétique pour tous les diabétiques ? Minerva 2007;6(10):150-1.
  3. UK Prospective Diabetes Study (UKPDS) Group. Intensive blood-glucose control with sulphonylureas or insulin compared with conventional treatment and risk of complications in patients with type 2 diabetes (UKPDS 33). Lancet 1998;352:837-53.
  4. Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes Study Group, Gerstein HC, Miller ME, Byington RP, et al. Effects of intensive glucose lowering in type 2 diabetes. N Engl J Med 2008;358:2545-59.
  5. Dluhy RG, McMahon GT. Intensive glycemic control in the ACCORD and ADVANCE trials. N Engl J Med 2008;358:2630-3. (met vergelijkende tabel tussen ACCORD en ADVANCE).
  6. Cefalu WT. Glycemic targets and cardiovascular disease. N Engl J Med 2008;358:2633-5.
  7. Wens J. Efficacité d’une prise en charge multifactorielle du diabète en termes de mortalité. MinervaF 2008;7(8):122-3.
  8. McAlister FA, Majumdar SR, Eurich DT, Johnson JA. The effect of specialist care within the first year on subsequent outcomes in 24,232 adults with new-onset diabetes mellitus: population-based cohort study. Qual Saf Health Care 2007;16:6-11.
  9. Krumholz HM, Lee TH. Redefining quality - implications of recent clinical trials. N Engl J Med 2008;358:2537-9.
  10. Wens J, Sunaert P, Nobels F, et al. Diabète sucré de type 2. RBP SSMG 2007.
Intensité du contrôle glycémique et risque cardio-(micro et macro)vasculaire

Auteurs

Chevalier P.
médecin généraliste
COI :

Wens J.
Vakgroep FAMPOP (Family Medicine and Population Health), Universiteit Antwerpen
COI :

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