Revue d'Evidence-Based Medicine



Traitement médicamenteux de l’obésité et du surpoids



Minerva 2008 Volume 7 Numéro 8 Page 120 - 121

Professions de santé


Analyse de
Rucker D, Padwal R, Li SK. Long term pharmacotherapy for obesity and overweight: updated meta-analysis. BMJ 2007;335:1194-9.


Question clinique
Quelle est l’efficacité à long terme des médicaments utilisés dans l’obésité en termes de perte de poids et d’amélioration de la santé de personnes âgées de plus de 18 ans ?


Conclusion
Cette méta-analyse montre que la sibutramine, l’orlistat ou le rimonabant permet d’obtenir une perte de poids chez des patients obèses avec un IMC moyen de 35 kg/m² après échec du seul régime. Cette perte de poids est cependant minime, non persistante, et doit être mise en balance avec les effets indésirables, tels qu’une augmentation des chiffres tensionnels sous sibutramine ou des troubles psychiatriques sous rimonabant. L’effet sur l’incidence d’un diabète de type 2 est insuffisamment évalué. L’effet sur la morbimortalité cardiovasculaire n’est pas connu.


 

Résumé

Contexte

Les guides de pratique actuels recommandent les médicaments qui aident à perdre du poids en traitement adjuvant en cas d’IMC  ≥ 30 ou en cas d’IMC de 27 à 29,9 en présence d’une comorbidité. Ces médicaments apportent-ils aussi un bénéfice en termes de morbimortalité ? Des études évaluant l’orlistat (1), la sibutramine (2) et le rimonabant (3) ont précédemment été évaluées dans la revue Minerva.

Méthodologie

Synthèse méthodique et méta-analyse.

Sources consultées

  • MEDLINE, EMBASE, Cochrane controlled trials register, metaregister of controlled trials de décembre 2002 à décembre 2006
  • listes de références des articles
  • firmes pharmaceutiques pour les études non publiées.

Etudes sélectionnées

  • études randomisées, contrôlées versus placebo, d’une durée d’au moins un an
  • évaluant les médicaments utilisés dans l’obésité sur les critères : perte de poids, facteurs de risque cardiovasculaire, morbimortalité cardiovasculaire, mortalité globale chez des adultes (≥ 18 ans) obèses ou en surpoids
  • exclusion : études quasi randomisées, de permutation en protocole ouvert, non en intention de traiter, non entièrement publiées
  • inclusion finale de 16 études avec l’orlistat (n=10 631), 10 avec la sibutramine (n=2 623) et 4 avec le rimonabant (n=6 635).

 

Population étudiée

  • adultes ; 2/3 à 3/4 de femmes ; âge moyen de 45 à 50 ans ; IMC moyen de 35 à 36 kg/m²
  • inclusion de patients diabétiques dans 8 études et de personnes avec au moins un facteur de risque cardiovasculaire dans 10 études
  • exclusion dans les études, e.a. : obésité d’origine endocrinienne, HTA non contrôlée, troubles psychiatriques ou médicaux, passé de chirurgie bariatrique.

Mesure des résultats

  • critère de jugement primaire : perte de poids
  • critères secondaires : incidence de diabète de type 2 ; périmètre abdominal, IMC, pression artérielle systolique et diastolique, glycémie à jeun, HbA1c pour les diabétiques, valeurs lipidiques
  • aux doses recommandées : orlistat 3 x 120 mg/j, sibutramine 15 mg/j, rimonabant 20 mg/j.

Résultats

  • pas de données sur : mortalité, mortalité cardiovasculaire, morbidité (sauf diabète)
  • perte de poids : voir tableau ; perte de poids maintenue en cas de prise d’orlistat (N=4 études) ou de rimonabant (N=1) durant 2 ans
  • incidence de diabète de type 2 : diminuée de 9% à 6,2% à 4 ans sous orlistat ; HR 0,63 avec IC à 95% de 0,46 à 0,86 surtout chez les patients avec une intolérance glucidique initiale
  • suivant le médicament, bénéfice observé sur l’une ou l’autre variable biologique ou sur les chiffres de pression artérielle
  • effets indésirables suivant le médicament : gastro-intestinaux pour l’orlistat ; hausse des chiffres tensionnels, insomnie, nausées, bouche sèche et constipation pour la sibutramine ; troubles psychiatriques (angoisse, dépression, irritabilité, agressivité) pour le rimonabant.

Tableau : perte de poids moyenne (en kg ; IC à 95%) et nombre moyen (en %) de personnes avec une perte de poids de 5% et de 10% après un an de traitement avec soit de l’orlistat, soit de la sibutramine soit du rimonabant, versus placebo (avec le nombre d’études par médicament, N).  

Critère

Orlistat

Sibutramine

Rimonabant

Perte de poids après 1 an

2,9 (2,5 - 3,2) kg (N=15)

4,2 (3,6 - 4,7) kg (N=8)

4,7 (4,1 - 5,3) kg

(N=4)

Perte de poids après 1 an chez les diabétiques

2,3 (1,6 - 3,0) kg (N=4)

4,9 (3,6 - 6,2) kg

(N=3)

3,9 (3,2 - 4,6) kg

(N=1)

5% de perte pondérale

54% vs 33%  (N=14)

55% vs 27%

(N=7)

51% vs 18%

(N=4)

10% de perte pondérale

26% vs 14% (N=13)

28% vs 10%

(N=7)

26% vs 7%

(N=7)

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent qu’un traitement par orlistat, sibutramine ou rimonabant permet d’obtenir une perte pondérale modérée, avec des effets différents sur le profil de risque cardiovasculaire et des effets indésirables potentiels propres au médicament.

Financement 

27 études originales financées par les firmes pharmaceutiques mais non cette méta-analyse.

Conflits d’intérêt  

un des auteurs a reçu des dédommagements de plusieurs firmes pharmaceutiques à différents titres.

 

Discussion

Le nombre de personnes obèses ou en surpoids atteindrait 1,1 milliard de personnes de par le monde à l’heure actuelle. L’obésité est associée à des décès prématurés, à une morbidité chronique, à un recours accru à des soins de santé.

Considérations sur la méthodologie

Les critères d’inclusion sont élaborés de manière suffisamment stricte pour permettre d’évaluer de façon adéquate l’effet à long terme (> 1 an) des médicaments utilisés dans l’obésité. Les auteurs estiment qu’un biais de publication est possible au vu de la positivité de quasi tous les résultats des études mais ce raisonnement n’est pas méthodologiquement correct. Il faut cependant noter que les études sont en majorité financées par l’industrie pharmaceutique, ce qui augmente la probabilité de biais de publication. La recherche d’un tel biais ne peut être réalisée que pour l’orlistat et montre une absence de publication de petites études avec un résultat neutre ou défavorable. 

L’évaluation de la qualité méthodologique des RCTs est réalisée avec la RA et al. The Delphi list: a criteria list for quality assessment of randomised clinical trials for conducting systematic reviews developed by Delphi consensus. J Clin Epidemiol 1998;51:1235–41) pour évaluer la qualité des RCTs et reprenant 9 items concernant la randomisation, le secret de l’attribution, l’insu, la mention de la variabilité des résultats, l’analyse en intention de traiter.">Verhagen Delphi list de manière descriptive mais non scorée. La plupart des études ne mentionnent pas le processus de randomisation ou de respect du secret de l’attribution et aucune ne signale un triple aveugle (évaluateurs non informés de l’intervention réalisée). En raison d’un biais de migration important (sorties d’étude de 30% pour l’orlistat à 40% pour le rimonabant et la sibutramine), l’évaluation de l’efficacité réelle du traitement est probablement faussée.

Interprétation des résultats

La perte de poids moyenne observée versus placebo est, après un an, inférieure à 5-10% pour tous les médicaments, donc plus basse que la cible proposée par les recommandations actuelles (4). Etant donné que l’IMC est, à l’inclusion, en moyenne de 35 kg/m², la plupart des patients restent obèses malgré cet ajout de médicament. Les chiffres mentionnés en valeurs absolues montrent aussi que la perte de poids finale obtenue après un an est liée au régime hypocalorique pour un quart à plus de la moitié. Des résultats à deux ans ne sont disponibles que dans 5 des 30 études. Quatre études avec l’orlistat et une avec le rimonabant montrent que la perte de poids n’est maintenue qu’en cas de poursuite du traitement médicamenteux. La perte de poids complémentaire au cours de la deuxième année est limitée à -1,1 kg sous rimonabant alors qu’elle est de -2,2 kg avec le placebo (3). Nous ne disposons pas de preuves montrant que les modifications des facteurs de risque cardiovasculaire se traduisent à long terme en bénéfice au point de vue morbimortalité. La pertinence clinique d’une moindre incidence de diabète de type 2 sous orlistat n’est pas nette. Il faut traiter, durant 4 ans, 17 patients présentant une intolérance glucidique avec de l’orlistat pour prévenir un diabète chez 1 sujet (5).

 

Effets indésirables

La survenue d’effets indésirables est une des raisons principales d’un arrêt prématuré du traitement. Les trois médicaments évalués présentent des effets indésirables différents. Pour la sibutramine, une augmentation des chiffres tensionnels est observée. La publication partielle de l’étude SCOUT (6) qui évalue l’efficacité de la sibutramine sur la morbimortalité cardiovasculaire chez 10 742 patients à haut risque (97% pathologie cardiovasculaire, 88% HTA, 84% diabète de type 2) montre une diminution significative (p<0,001) de la pression artérielle systolique de 3,0 mm Hg et de la pression artérielle diastolique de 1,0 mm Hg. L’analyse des résultats finaux de cette étude reste indispensable. Pour le rimonabant, il ne faut pas sous-estimer le risque de troubles psychiatriques. La majorité des études avec ce médicament excluent les patients présentant des troubles psychiatriques ; la survenue de tels troubles pourrait être plus importante dans la pratique que dans les études. 

 

Voir aussi Rimonabant: risques confirmés

 

Pour la pratique

L’efficacité des médicaments n’est évaluée que chez des patients obèses motivés et prêts à suivre un régime hypocalorique. Des exercices physiques ne sont conseillés que dans la moitié des études. Des modifications comportementales ne sont proposées que dans 4 études, via document ou vidéo. Cette méta-analyse ne permet donc pas de préciser la place d’un traitement médicamenteux dans une prise en charge multidisciplinaire. Elle ne permet pas non plus de définir un sous-groupe de patients pouvant tirer un bénéfice d’un traitement médicamenteux (5). Les guides de pratique de NICE proposent de ne poursuivre un traitement médicamenteux que s’il s’accompagne d’une perte de poids de 5% après 3 mois (7).

Conclusion

Cette méta-analyse montre que la sibutramine, l’orlistat ou le rimonabant permet d’obtenir une perte de poids chez des patients obèses avec un IMC moyen de 35 kg/m² après échec du seul régime. Cette perte de poids est cependant minime, non persistante, et doit être mise en balance avec les effets indésirables, tels qu’une augmentation des chiffres tensionnels sous sibutramine ou des troubles psychiatriques sous rimonabant. L’effet sur l’incidence d’un diabète de type 2 est insuffisamment évalué. L’effet sur la morbimortalité cardiovasculaire n’est pas connu.

 

Références

  1. Van Royen P. Behandeling van obesitas met orlistat. Minerva 1999;28(1):39-41.
  2. Van Royen P. Sibutramine et changement de mode de vie dans l’obésité. MinervaF 2006;5(10):149-51.
  3. Christiaens T. Rimonabant : le nouveau médicament contre l’obésité ? MinervaF 2006; 5(10):146-8.
  4. Van Royen P, Bastiaens H, D’hondt A, et al. Recommandations de Bonne Pratique. Surcharge pondérale et obésité chez l’adulte en pratique de médecine générale. SSMG 2006.
  5. Traitement de l’obésité. Fiche de transparence. Centre Belge d’Information Pharmacothérapeutique, juillet 2007.
  6. Torp-Pedersen C, Caterson I, Coutinho W, et al; SCOUT Investigators. Cardiovascular responses to weight management and sibutramine in high-risk subjects: an analysis from the SCOUT trial. Eur Heart J 2007;23:2915-23.
  7. National Institute for Health and Clinical Excellence. Obesity. Guidance on the prevention, identification, assessment and management of overweight and obesity in adults and children. NICE Clinical Guideline 43, December 2006.

 

 

 

Noms de marque

  • Orlistat : Xenical®
  • Rimonabant : Acomplia®
  • Sibutramine : Reductil®
Traitement médicamenteux de l’obésité et du surpoids

Auteurs

Donders J.
Apotheker, Merchtem
COI :

Poelman T.
Vakgroep Volksgezondheid en Eerstelijnszorg, UGent
COI :

Code





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